11/11/15

Pluton : Nouveaux résultats scientifiques très riches

L'équipe de New Horizons a présenté cette semaine de nombreux résultats scientifiques sur le monde de Pluton lors de la 47ème réunion de la division Planétologie de l'American Astronomical Society qui se déroule en ce moment à National Harbor dans le Maryland.


C'est pas moins d'une cinquantaine d'études différentes qui sont présentées au sujet de Pluton lors de cette grande réunion annuelle consacrée aux sciences planétaires, allant de l'étude de l'atmosphère de Pluton, à sa géologie, en passant par ces petits et gros satellites. Et les résultats continuent à apporter des surprises aux scientifiques. Jim Green, directeur de la planétologie à la NASA s'est exprimé : "La mission New Horizons a prit tout ce que l'on croyait savoir sur Pluton et a tout retourné. C'est exactement pour cela que nous explorons, pour satisfaire notre curiosité et répondre à des questions profondes sur comment nous sommes arrivés là et qu'est ce qu'il y a au-delà du prochain horizon..."

Wright Mons et Piccard Mons, probables cryovolcans
(la couleur indique l'altitude)
(NASA/Johns Hopkins University/Southwest Research Institute)
Parmi les découvertes les plus étonnantes est celle de la présence très probable de cryovolcans, des volcans crachant de la glace, qui ont pu être actifs dans un passé récent. Les chercheurs ont réussi à mettre en évidence la nature de ces deux montagnes très particulières de Pluton, nommées Wright Mons et Piccard Mons, en construisant une carte en 3D à partir de la combinaison de multiples images de la surface de Pluton.
Ces deux cryovolcans "candidats" mesurent plusieurs dizaines de kilomètres de largeur et plusieurs kilomètres d'altitude. Tous les deux présentent un vaste cratère à leur sommet qui ne laisse que peu de doutes sur leur nature. Les volcans de Pluton, a contrario des volcans terrestres qui crachent de la roche en fusion, doivent émettre de la glace d'eau, de l'azote, de l'ammoniac ou du méthane.
Les chercheurs mettent l'accent sur le fait que pour le moment cette découverte n'est qu'une hypothèse forte. S'il s'agit bien de structures volcaniques, la dépression de leur sommet se serait formée par effondrement quand de la matière est expulsée. Ces volcans se situent non loin de la plaine Spoutnik d'apparence lisse sans impact et qui pourrait être le résultat de l'accumulation de matière fraîchement crachée par ces cryovolcans.
De tels cryovolcans n'ont jamais été observés aussi loin dans le système solaire et une telle activité remet en question la géologie de Pluton. 

Une autre découverte étonnante rapportée par les scientifiques qui exploitent les données de New Horizons est la très grande diversité d'âge de la surface de Pluton. En termes géologiques, on y trouve des terrains anciens, d'autres intermédiaires, et enfin des terrains très jeunes à l'image de cette vaste plaine Spoutnik en forme de cœur. L'âge d'une surface sur Pluton est évaluée en comptant le nombre de cratères. Plus le nombre de cratère est faible, plus la surface est jeune car elle n'a pas eu le temps de subir de nombreux impacts de petits astéroïdes. Les plus vieilles régions de Pluton, celles qui montrent le plus d'impacts, ont ainsi été estimées à environ 4 milliards d'années et datent donc de la naissance de la planète. La région Sputnik Planum, qui ne montre absolument aucun cratère, a l'opposé, n'aurait que 10 millions d'années.
Et les données, une cartographie précise de plus de mille cratères de toutes tailles, révèlent également la présence de terrains d'âge intermédiaire. Cela indique que Sputnik Planum ne serait pas produite par une activité géologique anormale récente, mais qu'au contraire, l'activité géologique de Pluton existerait depuis longtemps, voire depuis toujours.

Le nombre de cratères révèle l'âge des terrains de Pluton
(NASA/Johns Hopkins University/Southwest Research Institute)
Le comptage des cratères à la surface de Pluton et de Charon donne également d'autres informations, comme par exemple sur la structure de la ceinture de Kuiper. Le relativement faible nombre de petits cratères observés indique que la ceinture de Kuiper contiendrait très probablement plus de gros objets que ce que nos modèles prédisaient. Alors que l'on pensait que cette ceinture d'astéroides était constituée d'objets de l'ordre du kilomètre ou moins, un autre modèle impliquant des corps d'une dizaine de kilomètres s'étant formés directement pourrait maintenant être préféré au vu des observations. Si les objets de la ceinture de Kuiper naissent gros, la prochaine rencontre de la sonde New Horizons avec un tel objet (2014 MU69) de 40 km de large est plus qu'intéressante, car ce serait la visite d'un véritable vestige du système solaire.

Les premiers résultats de New Horizons concernent aussi les corps qui tournent autour de Pluton. La première étrangeté dans ce système, c'est que, alors que pour les autres planètes munies de satellites, ces derniers ont des rotations synchrones (montrant toujours la même face à leur planète comme par exemple la Lune), ce n'est pas le cas ici pour les petits satellites de Pluton. Hydra fait par exemple 89 tours sur elle-même pendant qu'elle fait une rotation autour de Pluton, un phénomène inédit (voir la vidéo ci-dessous). Les scientifiques ont observés que l'effet gravitationnel du gros Charon pouvait amener à des rotations chaotiques des petits satellites, avec des accélérations ou décélérations imprévisibles.

Pluton au centre, puis de la plus petite à la plus grande orbite : Charon, Styx, Nix, Kerberos, Hydra

En outre, la forme de certains petits satellites de Pluton est très étrange. Les images de New Horizons montre que deux d'entre eux et peut-être les quatre, pourraient être le résultat de la fusion de corps plus petits. Si ces indices sont confirmés par des analyses futures, notre vision de la formation du système de Pluton devra être révisée. 

Enfin, concernant l'atmosphère de Pluton, les résultats présentés par l'équipe scientifique de New Horizons révèlent que la haute atmosphère est beaucoup plus froide et donc plus compacte que ce que l'on imaginait. La conséquence en est que la perte d'atmosphère y est des milliers de fois plus faible que ce que l'on pensait. Il apparaît ainsi que l'atmosphère de Pluton s'échappe plutôt via le même mécanisme que celui à l'oeuvre dans le atmosphère de la Terre et de Mars plutôt que par les mécanismes observés sur les comètes.

Les données de New Horizons n'en ont pas encore fini de transiter depuis les confins du système solaire, chaque jour apporte ses nouveaux mégaoctets aux chercheurs. Les premiers résultats analysés du monde Plutonien montrent toute la richesse des planètes naines de notre système, et d'autres surprises ne sont pas exclues.


Source : 
John Hopkins University 

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