En janvier dernier, je vous racontais la découverte d'un trou noir dans l'amas globulaire NGC 3201 grâce à la mesure des mouvements de son étoile compagne. Aujourd'hui on tente de savoir combien cet amas pourrait en abriter. Des chercheurs ont fait des simulations, et en trouvent au moins 200...
NGC 3201 est un bon exemple pour essayer d'évaluer le nombre de trous noirs de taille stellaire qui se planquent dans les amas globulaires. Ces amas, avec leur densité d'étoiles hors du commun, sont des cibles intéressantes en soi comme régions possibles de production de trous noirs, qu'ils soient de masse stellaire, dans des systèmes binaires ou non, ou de masse plus élevée.
Kyle Kremer (Northwestern University) et son équipe ont utilisé des modèles de NGC 3201 pour estimer le nombre de trous noirs qui devraient y être présents pour produire la répartition d'étoiles observée dans la région centrale de l'amas. La relation entre les trous noirs stellaires et l'amas qui les abrite est complexe. L'environnement de l'amas détermine l'évolution dynamique des trous noirs présents, mais le taux de rétention des trous noirs (le nombre de trous noirs qui ne se retrouvent pas éjectés lors de leur naissance) dans un amas va influencer la façon avec laquelle l'amas évolue.
Kremer et ses collègues modélisent ces phénomènes de rétroaction par un code Monte Carlo, utilisant de très nombreux tirages aléatoires, qui introduisent la physique des interactions des trous noirs et des systèmes binaires : relaxation à deux corps, évolution stellaire en couple, diffusions multiples... Ils cherchent ensuite à reproduire l'aspect de NGC 3201 en faisant varier certains paramètres dans leur modèle, jusqu'au meilleur ajustement avec les paramètres qui sont observés réellement.
Kyle Kremer et ses collaborateurs montrent dans l'article qu'ils publient dans The Astrophysical Journal Letters que les modèles qui reproduisent le mieux NGC 3201 contiennent tous plus de 200 trous noirs stellaires à la fin de la simulation. Les modèles qui perdent trop de trous noirs du fait de leur impulsion initiale ne collent pas avec les observations de NGC 3201. D'ailleurs, les modèles numériques avec un grand nombre de trous noirs produisent aussi de nombreux systèmes binaires comme celui détecté en janvier dernier.
D'après les chercheurs, les modèles qui produisent des systèmes pauvres en trous noirs ressemblent plus à des amas que l'on qualifie sous le vocable d'"amas à coeur effondré", et ces trous noirs-là formeraient surtout des couples avec des étoiles dites "traînardes bleues" (blue stagglers).
Les résultats de Kremer et ses collaborateurs suggèrent donc que les amas globulaires similaires à NGC 3201 contiendraient plusieurs centaines de trous noirs qui n'attendent qu'à être détectés. Les amas globulaires n'ont pas fini de livrer tous leurs secrets...
Source
How Black Holes Shape Globular Clusters: Modeling NGC 3201
Kyle Kremer, Claire S. Ye1, Sourav Chatterjee, Carl L. Rodriguez, and Frederic A. Rasio
The Astrophysical Journal Letters 855 L15 (7 march 2018)
Illustration
La région centrale de NGC 3201 imagée par le télescope Hubble, le système binaire abritant un trou noir découvert en janvier 2018 est entouré en bleu (NASA/ESA)
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