31/05/19

Première observation d'une éjection de masse coronale sur une étoile autre que le Soleil


Pour la première fois, une éjection de masse coronale sur une autre étoile que le Soleil vient d'être identifiée et caractérisée. Cette énorme éruption à été découverte grâce au télescope spatial Chandra.




Cette étoile est appelée HR 9024, c'est une étoile qui était connue pour être active, située à 450 années-lumière. Mais ce qu'ont observé Costanza Argiroffi (Université de Palerme) et ses collaborateurs, c'est un intense flash de rayons X accompagnant l'émission d'une bulle géante de plasma.  La méthode que les chercheurs ont utilisée est fondée sur la mesure de la vitesse des plasmas durant les éruptions stellaires. L'instrument HETGS (High-Energy Transmission Grating Spectrometer) du télescope X Chandra est le seul instrument capable de mesurer les mouvements du plasma coronal des étoiles. Les données enregistrées montrent clairement que durant l'éruption, du plasma en moyenne entre 10 et 25 de millions de degrés a d'abord un mouvement vers le haut puis ensuite vers le bas, avec une vitesse comprise entre 100 et 400 km/s. Pour déduire ces valeurs, les astrophysiciens ont mesuré des décalages Doppler sur plusieurs raies d'émission comme les raies  S XVI, Si XIV, et Mg XII. 

Ce phénomène est en très bon accord avec ce qui est attendu d'après ce que l'on connaît sur le Soleil. Durant une éruption, le plasma, qui est confiné à l'intérieur d'une boucle coronale où a lieu l'éruption s'étend d'abord vers l'extérieur, puis "retombe" pour atteindre les couches basses de l'atmosphère stellaire. Ce mouvement de va-et-vient s'accompagne en outre d'un mouvement additionnel, toujours dirigé vers l'extérieur, lui, et qui est directement lié à l'éjection de masse coronale liée à l'éruption.
Dans leur article que publie cette semaine Nature Astronomy, les astrophysiciens montrent aussi que la vitesse du plasma le plus "froid", tout de même 4 millions de Kelvins, atteignait une valeur de vitesse constante de 90 km/s (mesuré grâce au décalage Doppler de la raie de O VIII), ce qui est conforme au modèle d'une éjection de masse coronale liée à une éruption.

Cette découverte vient confirmer d'une manière solide les processus d'éjection de masse coronale tels que nous les comprenons à partir de l'étude de notre étoile. Elle est d'autant plus importante que le cas du Soleil peut être très différent d'autres étoiles dont les éruptions peuvent être 100 à 1000 fois plus intenses et énergétiques dans le domaine des rayons X. 
Costanza Argiroffi et ses collaborateurs ont également pu évaluer la masse totale de cette éjection de plasma, et elle est absolument énorme : 1,2 1018 kg, soit 10 000 fois plus massive que la plus grosse éjection de masse coronale jamais observée sur le Soleil. Les éjections de masse coronale dans les étoiles actives seraient ainsi bien des versions grand format des éjections de masse coronale qui peuvent être observées sur des étoiles relativement calmes comme le Soleil. Les chercheurs notent cependant que la vitesse maximale de cette éjection est légèrement plus faible que ce qu'elle aurait dû être d'après la théorie. Ils en concluent que le champ magnétique dans les étoiles actives est probablement moins efficace dans l'accélération des particules du plasma que celui du Soleil.
Quoiqu'il en soit, de telles éjections de masse coronale apparaissent ainsi comme des sources très probables de pertes importantes de masse et de moment angulaire dans les étoiles.

Chandra a montré une nouvelle facette de ces potentialités dans la mesure des rayons X, celle d'étudier la physique stellaire. Cette première du genre va ouvrir la voie à des études qui pourront devenir très vite systématiques sur des étoiles qui sont très différentes du Soleil ou pas.


Source

A stellar flare−coronal mass ejection event revealed by X-ray plasma motions
C. Argiroffi, F. Reale, J. J. Drake, A. Ciaravella, P. Testa, R. Bonito, M. Miceli, S. Orlando & G. Peres 
Nature Astronomy (27 may 2019)


Illustration

Une éjection de masse coronale observée sur le Soleil par le satellite SDO le 31 août 2012 (NASA)

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