Voilà une nouvelle FRB localisée ! C'est seulement la deuxième parmi les 85 bouffées rapides d'ondes radio (Fast Radio Bursts) que nous connaissons, et c'est grâce au hasard... Une découverte décrite dans Science cette semaine.
Cette bouffée d'ondes radio n'a duré que 1,3 millisecondes le 24 septembre 2018, mais elle a été détectée non pas par un simple radiotélescope comme c'est devenu habituel, mais avec un réseau de 36 antennes, le Australian Square Kilometre Array Pathfinder (ASKAP), qui étaient pointées dans la bonne direction au bon moment... Et le fait de détecter ce signal par de multiples radiotélescopes a permis par interférométrie de déterminer précisément son origine : non loin du centre d'une galaxie située à 3 milliards d'années-lumière.
Il faut se souvenir que la première bouffée rapide d'ondes radio (FRB) a été détectée en 2007, et depuis, leur nombre n'a cessé d'augmenter chaque année pour atteindre presque une centaine 12 ans plus tard. Et parmi ces 85 FRB, une sort du lot par le fait qu'elle a été détectée avec des répétitions : FRB 121102 (détectée pour la première fois le 2 novembre 2012), ce qui avait permis de la localiser dans une toute petite galaxie à fort taux de formation d'étoiles. Une deuxième FRB avait montré elle aussi un signal répété (FRB 180814) mais n'avait pas pu être localisée avec précision.
Avec FRB 180924, c'est différent, celle-ci ne s'est pas répétée mais a été détectée simultanément par de nombreuses antennes, ce qui permet une bonne localisation. Elle se trouve dans une grande galaxie, à 13000 années-lumière de son centre. Mais ce qui est surprenant, c'est que l'environnement est très différent du cas de FRB 121102 : ici, la galaxie est 30 fois plus brillante, et au lieu d'être une nurserie stellaire, elle est au contraire peuplée de nombreuses vieilles étoiles
Par ailleurs, FRB 121102 avait été localisée au même endroit qu'une source radio continue, à la grande périphérie de sa galaxie hôte.
Les deux sources sont donc probablement assez différentes. Il faut rappeler que les astrophysiciens ne savent toujours pas quel processus physique est à l'origine des ces signaux rapides de quelques millisecondes. Or comme la FRB que l'on connait le mieux est FRB 121102, les modèles théoriques se sont plutôt calés sur elle.
Puisque FRB 180924 et FRB 121102 paraissent si différentes, les chercheurs menés par le radioastronome australien Keith Bannister (CSIRO) pensent qu'il pourrait très bien exister plusieurs classes de FRB, et peut-être beaucoup.
Connaissant avec précision la localisation du signal radio, les astrophysiciens australiens et américains ont ensuite pu utiliser l'information spectrale du signal pour sonder le milieu intergalactique, l'espace nous séparant de la galaxie hôte du phénomène inconnu qui en est la cause. La dispersion (variation du temps d'arrivée en fonction de la longueur d'onde) et le décalage spectral permettent en efffet de déterminer la densité d'électrons présents sur le trajet. Ils ont bien sûr pris en compte le milieu traversé faisant partie de notre galaxie (vers la fin du trajet) et le milieu traversé dans le galaxie hôte au départ. Ils trouvent que la dispersion du signal est cohérente avec les modèles théoriques du milieu intergalactique mais à condition que la contribution de la galaxie hôte de FRB 180924 soit beaucoup plus faible que dans le cas de FRB 121102.
Et une fois connue la densité d'électrons, la bouffée rapide d'ondes radio a aussi été utilisée pour quantifier la magnétisation du plasma du milieu intergalactique le long de la ligne de visée. Les chercheurs exploitent pour cela le phénomène de rotation de Faraday, qui induit une modification de la polarisation des ondes radio lorsqu'elles traversent un champ magnétique. Ils trouvent une limite supérieure pour le champ magnétique d'environ 30 nG (la valeur dépend légèrement du redshift auquel se trouve le plasma magnétisé traversé). Cette contrainte sur la valeur du champ magnétique apparaît similaire à celles trouvée grâce avec d'autres bouffées, et reste cohérente avec les modèles de magnétisation dans le plasma extragalactique.
Cette étude nous montre que des réseaux interférométriques comme ASKAP vont désormais pouvoir localiser quantités de FRB non répétitives, qui sont de loin les plus nombreuses parmi les FRB, et c'est un grand pas vers la compréhension de ces phénomènes toujours très étranges.
Source
A single fast radio burst localized to a massive galaxy at cosmological distance
K. W. Bannister et al.
Science (27 June 2019)
Illustrations
1) Vue partielle du réseau ASKAP (CSIRO)
2) Signal de FRB 180924 enregistré par ASKAP (Bannister et al./Science)
Aucun commentaire :
Enregistrer un commentaire