Depuis 10 siècles, seulement 5 supernovas de notre galaxie ont été observées par les astronomes (chinois ou européens). Pour 4 d'entre elles, nous connaissons l'objet résiduel de l'explosion, une petite nébuleuse en expansion rapide. Aujourd'hui, une équipe internationale d'astrophysiciens avec l'aide d'un astronome amateur français, vient d'identifier formellement le résidu de la cinquième, la supernova SN 1181, qui avait été observée en Chine il y a 840 ans, et dont on peut désormais connaître le type, qui se révèle un peu différent des autres... L'étude est publiée dans The Astrophysical Journal Letters.
. SN 1006, la plus brillante, observée en Chine pendant au moins deux ans, une supernova de type Ia,
. SN 1054, la plus célèbre, observée également en Chine, une supernova de type II qui a produit la nébuleuse du Crabe et son pulsar central,
. SN 1181, la moins brillante des 5, observée en Chine entre les constellations chinoises Chuanshe et Huagai dont il est question aujourd'hui,
. SN 1572, la supernova de Tycho, observée par le grand astronome danois pendant 6 mois, et qui s'est révélée être, grâce à son résidu, une supernova de type Ia,
. SN 1604, la supernova de Kepler, qui a été observée durant près d'un an et qui était ue supernova de type Ia également.
Il faut tout de suite noter que, à l'inverse, on connaît des résidus de supernova dont l'âge indique des supernovas relativement récentes, mais qui n'ont malheureusement laissé aucune trace nette d'observation sur Terre :
. Cas A, qui a dû produire une supernova de type II il y a environ 300 ans, située à 11000 années-lumière
. SNR G1.9+0.3, un résidu situé à 27000 années-lumière qui doit être issu d'une supernova de type Ia explosée il y a seulement 140 ans!
Rappelons aussi qu'on connaît actuellement en tout un peu plus de 250 résidus de supernovas dans notre galaxie, souvent très anciens, qui sont détectés presque tous en ondes radio, 30% en rayons X et 20% dans le visible.
En 1181, les astronomes chinois ont observé une nouvelle étoile dans le ciel, qu'ils ont appelé l'étoile invitée", ils la virent aussi brillante que Saturne pendant 6 mois, et située d'après les écrits qu'ils nous ont laissés entre les constellations Chuanshe et Huagai. Elle a également été vue par des astronomes japonais qui ont laissé des écrits à son sujet. La recherche du résidu de cette supernova a été assidue depuis de nombreuses années, rendue délicate par la vaste région assez peu précise qui est mentionnée dans les archives. Il avait été attribué depuis 1999 à une source radio nommée G130.7+3.1 (3C 58) cachant une nébuleuse de vent de pulsar. C'était le seul résidu de supernova présent dans la zone, mais l'analyse de l'âge de ce résidu grâce à un suivi de près de 20 ans de l'expansion de la nébuleuse ainsi que du ralentissement de la rotation du pulsar ne matche pas du tout avec l'année 1181 : la vitesse d'expansion de 3C 58 indique un âge de 7000 ans tandis que le ralentissement du pulsar donne un âge de 5400 ans...
Mais cette fois, Andreas Ritter (University of Hong Kong) et ses collaborateurs, dont l'amateur breton Pascal Le Dû, sont très confiants dans leur découverte, qui sort un peu de l'ordinaire. Ils ont en effet trouvé non pas une simple nébuleuse en forme de coquille sphérique comme les SNR de Tycho et de Kepler ou de plérion comme la nébuleuse du Crabe, mais ils ont mis la main sur une association entre une nébuleuse peu lumineuse en expansion très rapide, nommée Pa30 (découverte en 2013) et une étoile de Wolf Rayet très chaude, nommée 2MASS J00531+6730, que les auteurs surnomment l'"étoile de Parker" depuis sa caractérisation en 2019, qui est l'une des étoiles les plus chaude connue de notre galaxie. La position de cette association colle très bien avec la description des astronomes chinois du XIIè siècle.
Ritter et ses collaborateurs ont découvert grâce à des mesures spectrosopiques que la nébuleuse Pa 30 est en expansion à une vitesse extrême de plus de 1 100 km par seconde (5 minutes pour faire le voyage de la Terre à la Lune...). Ils utilisent cette vitesse d'expansion pour déduire l'âge de l'objet, ce qui donne environ 990 ans. Par ailleurs, Pa 30 et l'étoile de Parker avaient été proposés en 2019 comme étant le résultat d'une fusion incomplète de deux naines blanches. Lorsque deux naines blanches fusionnent complètement il y a explosion de type Ia, mais la fusion peut aussi n'être que partielle et mener à une supernova un peu ratée, qui est classifiée sous le type Iax.
Le fait que SN1181 était faiblement lumineuse mais s'éteignait très lentement (en 185 jours) correspond très bien à ce type de supernova. Donc, tout colle : âge, localisation, et caractéristiques physiques en lien avec les observations historiques. Et ce qui est super intéressant, c'est que c'est la seule supernova de type Iax pour laquelle on peut maintenant étudier à la fois la nébuleuse et l'étoile résiduelles de l'explosion, tout en ayant une description (certes parcellaire) de l'explosion elle-même.
L'étoile de Parker est la seule étoile de type Wolf-Rayet connue qui n'est pas le résultat d'une étoile massive de population I ou l'étoile centrale d'une nébuleuse planétaire, mais au contraire le résultat de la fusion d'un couple de naines blanches O-Ne/ C-O, un nouveau petit labo d'astrophysique en somme.
Source
The Remnant and Origin of the Historical Supernova 1181 AD
Andreas Ritter et al.
The Astrophysical Journal Letters, Volume 918, Numéro 2 (15 septembre 2021)
Illustrations
1. La nébuleuse Pa30 imagée dans plusieurs longueurs d'ondes 'fausses couleurs) (Ritter et al.)
2. Zone de recherche du résidu de SN1181 d'après les archives chinoises. Les deux candidats résidus sont indiqués (Ritter et al.)
Aucun commentaire :
Enregistrer un commentaire