samedi 11 septembre 2021

Un nouveau système planétaire de 5 planètes telluriques prometteur autour d'une étoile naine


C'est une découverte qui a été publiée il y a déjà un peu plus d'un mois, au début du mois d'août, mais elle mérite que l'on s'y arrête. Un système planétaire de planètes rocheuses de petites taille a été identifié autour de l'étoile L98-59, et parmi ces planètes se trouve la plus petite exoplanète jamais détectée par la méthode de la vitesse radiale, deux fois moins massive que Vénus. Un système planétaire potentiellement riche en eau dans lequel les atmosphères planétaires vont pouvoir être étudiées finement dans les années qui viennent. L'étude a été publiée par Astronomy&Astrophysics.

L 98-59 est une étoile naine rouge située à 35 années-lumière. Olivier Demangeon (Université de Porto) et ses 44 collaborateurs ont exploité le Very Large Télescope (VLT) de l'ESO pour étudier les variations de vitesse radiale de l'étoile via ses décalages spectraux et en déduire la présence de pas moins de 5 planètes rocheuses de faible masse orbitant autour. L'équipe a utilisé l'instrument ESPRESSO (Echelle SPectrograph for Rocky Exoplanets and Stable Spectroscopic Observations) sur le VLT qui seul pouvait permettre une telle mesure grâce à sa précision et sa stabilité. 
Le système de L98-59 était déjà connu puisque c'est en 2019 que le satellite TESS (Transiting Exoplanet Survey Satellite) de la NASA avait identifié la présence de trois planètes par la méthode du transit (où le passage d'une planète devant l'étoile produit une baisse de luminosité détectable).  Mais cette méthode ne permet de déterminer que la rayon des planètes et pas leur masse. 
Des mesures de vitesse radiale avaient été effectuées peu après, toujours en 2019, avec le spectrographe HARPS monté sur le télescope de 2,6 m de l'ESO à la Silla, et elles avaient pu déterminer des valeurs de masse pour les planètes c et d mais pas celle de la planète b. 

La masse et la densité de ces deux planètes c et d ont été affinées par Demangeon et son équipe, elles valent respectivement  2,03±0,36 masses terrestres et 4,57±0,81 g cm−3 pour la planète c, et 2,06±0,53 masses terrestres et une densité de seulement 2,95 ± 0,79 g cm-3 pour la planète d. On peut rappeler que la densité de la Terre vaut 5,51 g cm−3 tandis que celles de Vénus et Mars valent respectivement 5,24 et 3,93 g cm−3. 
Demangeon et son équipe dévoilent donc que la masse de la planète la plus intérieure, L98-59b, déterminée pour la première fois par l'analyse des variations de vitesse radiale de l'étoile, ne vaut que  0,40 ± 0,16 masse terrestre, ce qui implique, étant donnée sa taille, une densité de 3,6±1,5 g cm−3. C'est deux fois moins que la masse de Vénus (pour une densité 1,45 fois plus faible que celle de Vénus). Il s'agit de la plus petite masse d'exoplanète qui a été déterminée par la méthode de la mesure de la vitesse radiale. 

Les chercheurs concluent que, de par leurs caractéristiques physiques, les deux planètes les plus internes, L98-59 b et c, doivent avoir des compositions très similaires avec un petit noyau de fer qui représente seulement 12 à 14% de la masse totale, et une petite quantité d'eau. Cependant, avec une densité de seulement 2,95 et malgré une fraction de masse de noyau similaire, ils estiment que jusqu'à 30% de la masse de la troisième, L98-59 d, pourrait être de l'eau, ce qui en ferait un monde océanique!


Les mesures de vitesse radiale ont non seulement permis à Demangeon et ses collaborateurs de déterminer les masses des planètes du système L98-59, mais leurs observations les ont également menés à la découverte probable de deux planètes rocheuses supplémentaires dans ce système. Ces deux nouvelles planètes qui n'avaient pas été vues par TESS par transit (car elles ne sont pas dans la ligne de visée depuis la Terre), seraient elles aussi de type terrestre. L98-59e aurait une masse d'environ 3,06 masses terrestres et une période orbitale de 12,8 jours et la cinquième,  L98-59f,  une masse d'environ 2,48 masses terrestres et une période de 23,1 jours et se trouverait dans la zone tempérée de l'étoile. 

Positionné par bonheur à la limite de la zone d'observation continue du télescope spatial James Webb, ce système idéal est destiné à devenir une pierre angulaire de l'exoplanétologie comparative des planètes terrestres. Les trois planètes en transit L98-59b, c et d ont des spectres de transmission très au dessus des seuils de détection qui en font des cibles de choix pour une caractérisation atmosphérique avec le télescope spatial James Webb, ou des installations au sol telles que NIRPS ou ESPRESSO. Avec une température d'équilibre comprise entre 416 et 627 K, elles offrent une opportunité unique d'étudier la diversité des planètes terrestres chaudes sans les inconnues associées aux différentes étoiles hôtes puisqu'ici elles ont toutes les trois la même étoile. 

Les systèmes multiplanétaires sont des laboratoires idéaux pour l'exoplanétologie car ils offrent la possibilité de comparer des exoplanètes qui se sont formées dans le même disque protoplanétaire et qui sont illuminées par la même étoile. Selon le catalogue des exoplanètes publié pour la première fois en 2013, nous connaissons actuellement 739 systèmes multiplanétaires, 60% d'entre eux ayant été découverts grâce au télescope Kepler. À partir d'une caractérisation et d'une analyse détaillées des propriétés de ces systèmes multiplanétaires, Weiss et al. avaient extrait en 2018 la série de corrélations dite " peas in a pod ":  Ils avaient observé que les planètes consécutives d'un même système ont tendance à avoir des tailles similaires. Les planètes semblent également être préférentiellement régulièrement espacées. Weiss et ses collaborateurs avaient également noté que plus les planètes sont petites, plus leur configuration orbitale se trouve serrée. Dans le cas du système de L98-59, Demangeon et son équipe ont évalué ces métriques et montrent qu'elles suivent de très près les corrélations des "peas in a pod" de Weiss. 
Mais la plupart des systèmes de l'échantillon de Weiss ont des étoiles hôtes de type F, G ou K. Par exemple, aucune des 51 étoiles hôtes qui hébergent quatre planètes ou plus n'a une masse inférieure à 0,6 M⊙. Le fait que le système L98-59 suive également la configuration "peas in a pod" alors qu'il tourne autour d'une étoile naine rouge (type M), de 0,3 M⊙, qui a un rayon également de 0,3 fois le rayon du Soleil, renforce donc encore l'universalité de ces corrélations et les contraintes qu'elles apportent aux théories de formation des planètes. 

Le fait que L98-59A soit une naine de type M place ce système à part parmi les 739 systèmes multiplanétaires connus. En effet, nous ne connaissons aujourd'hui que six autres systèmes multiplanétaires - confirmés - autour de naines M, c'est à dire pour lesquels au moins deux planètes ont été caractérisées (masse et rayon), découverts entre 2015 et 2020. Les six autres sont TRAPPIST-1 (Gillon et al. 2017), LTT-3780 (Cloutier et al. 2020), TOI-1266 (Demory et al. 2020), LHS-1140 (Lillo-Box et al. 2020), K2-146 (Hamann et al. 2019), et Kepler-138 (Jontof-Hutter et al. 2015). Avec une magnitude de 11,7 et une distance de 10,6 pc (35 années-lumière), L98-59 est le plus brillant et le plus proche de ces systèmes.


Source

A warm terrestrial planet with half the mass of Venus transiting a nearby star
O. Demangeon, et al.
Astronomy & Astrophysics Volume 653 (September 2021)


Illustrations

1. Infographie comparative du système planétaire L98-59 avec notre système solaire 
ESO/L. Calçada/M. Kornmesser (Acknowledgment: O. Demangeon)

2. Vue d'artiste de L98-59b (ESO/M. Kornmesser)

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