vendredi 19 février 2016

Une première : la vitesse de rotation d'une exoplanète mesurée directement

Des astronomes ont réussi en utilisant le télescope spatial Hubble, à mesurer la rotation d’une exoplanète. Cette mesure est une première par l’exploitation d’une imagerie directe.



2M1207 (bleuté) et 2M1207b (rouge) imagées en infra-rouge
par le Very Large Telescope (ESO)
Yifan Zhou (Université de l’Arizona) et ses collaborateurs publient leur observation dans The Astrophysical Journal. Ils ont étudié les très faibles variations de luminosité dans l’infra-rouge de cette exoplanète très massive appelée  2M1207b, quatre fois plus massive que Jupiter, qui fait donc partie des exoplanètes dites super-Jupiters.

Elle est en orbite autour d’une étoile particulière parce qu’il ne s’agit pas tout à fait d’une étoile, mais de ce qu’on qualifie volontiers s d’étoile ratée, ou étoile naine brune, une étoile qui n’avait pas la masse suffisante pour amorcer des réactions de fusion nucléaires dans son cœur et qui ne brille donc pas. Le couple se situe à une distance relativement proche de nous, à 170 années-lumière. L’orbite de 2M1207b autour de son étoile est aussi hors catégorie,  puisqu’elle est 10 fois plus éloignée que celle de Jupiter autour de notre soleil.

Pour mesurer les très faibles variations de luminosité induites par la rotation de la planète, les astronomes ont su exploité les capacités uniques de l’instrument Wide Field Camera 3 de Hubble en termes de stabilité, de résolution et de contraste. Ils parviennent à attribuer les variations observées à des structures nuageuses complexes de l’atmosphère de l’exoplanète. Ces mesures vont même plus loin car les chercheurs montrent non seulement la présence de nuages mais que ceux-ci sont également irréguliers et incolores.

Courbe de luminosité de 2M1207b durant 10 heures de suivi
(NASA, ESA, Y. Zhou (University of Arizona), and P. Jeffries (STScI))
Les premières observations de 2M1207b datent d’il y a 10 ans et les astronomes avaient déjà montré que son atmosphère était suffisamment chaude pour abriter des nuages de silicates : de la roche vaporisée qui en se refroidissant forme des petites particules d’aérosols. Plus profondément dans son atmosphère, des gouttelettes de fer doivent se former et tomber en pluie, pour s’évaporer dans les couches encore plus profondes. La température atmosphérique évaluée par les chercheurs varie entre 1500 et 1700 K.
2M1207b est aussi chaude parce qu’elle est jeune : à peine 10 millions d’années environ. Elle serait ainsi toujours en train de se contracter et de se refroidir. Au cours de son refroidissement dans les quelques milliards d’années qui vont suivre, les nuages de silicates et le fer se formeront de plus en plus bas dans l’atmosphère de l’exoplanète, jusqu’à disparaître totalement.
L’observation de ces nuages a permis à l’équipe de Zhou de déterminer avec précision la vitesse de rotation de 2M1207b, ils obtiennent une vitesse de l’ordre de 1 tour en 10 heures, soit environ la même vitesse de rotation que ce que l’on mesure sur Jupiter.

Le système de 2M1207 et sa grosse super-Jupiter est très différent de notre système solaire. La planète 2M1207b n’est que 7 fois moins massive que son « étoile » (le rapport est de l’ordre de 1000 entre Jupiter et le Soleil). On estime que ce couple aurait pu se former non pas par l’effondrement gravitationnel d’un unique disque de poussière, mais de deux disques distincts.

La super-Jupiter 2M1207b, grâce à sa forte luminosité en infra-rouge, sera une cible idéale pour le successeur de Hubble en 2018, le James Webb Telescope dont le montage du miroir vient d’être terminé, et qui fait la couverture cette semaine de la revue Science. Il permettra aux astronomes d’encore mieux déterminer la structure atmosphérique de ce type de planètes particulières.

Source : 

Discovery of rotational modulations in the planetary-mass companion 2M1207b: Intermediate rotation period and heterogeneous clouds in a low gravity atmosphere
Yifan Zhou et al.
The Astrophysical Journal, 818:176, (20 February 2016)

2 commentaires :

Youx a dit…

Bonjour Eric,
Vous écrivez ceci:
"...Elle est en orbite autour d’une étoile particulière parce qu’il ne s’agit pas tout à fait d’une étoile, mais de ce qu’on qualifie volontiers s d’étoile ratée, ou étoile naine brune,..."
Qui dit que c'est 2M1207 qui est la naine brune, or la description que vous faites de 2M1207b ressemble à la description d'une naine brune!
2M1207 est une magnifique bleue...Ou alors, le bleu n'est dû qu'à la photo infrarouge, et il s'agit d'une naine brune et de 2M1207b encore plus brune?
Merci!
Michel

Dr Eric Simon a dit…

Les couleurs sur l'image sont trompeuses, il s'agit bien sûr de fausses couleurs puisqu'en infra-rouge. La couleur bleue sur l'image de 2M1207 indique qu'elle est plus chaude que la planète 2M1207b.
La frontière entre grosse Jupiter et petite naine brune est il est vraie sans doute ténue. C'est avec la composition chimique que l'on peut clairement séparer les deux types de corps, les naines brunes étant plus hydrogénées et les planètes plus "métalliques".