mercredi 8 juin 2016

Succès de la mission technologique Lisa Pathfinder


Six mois après le lancement de Lisa Pathfinder au début décembre 2015, ses premiers résultats sont aujourd’hui publiés dans Physical Review Letters, et ils sont plus qu’encourageants pour le futur de l’astronomie gravitationnelle, ils dépassent les espérances.




Lisa Pathfinder est un satellite de test technologique. Il avait pour objectif d’évaluer la faisabilité et les performances de technologies imaginées pour construire un immense détecteur d’ondes gravitationnelles en orbite,  de plusieurs millions de kilomètres, nommé eLISA. Ce détecteur d’ondes gravitationnelles reprend le même principe physique que celui des détecteurs terrestres : l’interférométrie laser. Il consiste à mesurer la distance précise (très précise) séparant deux masses séparées d’une très grande distance et qui ne subissent aucune autre force que le champ gravitationnel dans lequel elles sont plongées. eLISA sera constituée de trois masses-test séparées de 2 millions de kilomètres en formant un triangle équilatéral. Il devra être sensible à des variations de distance de l’ordre de 5. 10-11 m.

Les ondes gravitationnelles que pourra détecter eLisa n’ont pas la même origine que celles détectées sur Terre par LIGO ou VIRGO. eLisa , grâce à sa sensibilité et à la distance gigantesque de ses bras interférométriques, sera sensible à des fréquences d’ondes gravitationnelles comprises entre 0,1 Hz et 1 Hz, qui correspondent à des phénomènes de fusion de trous noirs de masse intermédiaire ou supermassifs (entre 10000 et 10 millions de masses solaires), ainsi que des cas où la masse des deux trous noirs est très différente.

La clé de la faisabilité de ce détecteur réside dans le fait de pouvoir maintenir une masse test en véritable « chute libre » au sein d’un module spatial tout en mesurant avec la précision requise la variation de distance existant entre deux masses soumises à ces contraintes. C’est ce qu’a permis de tester Lisa Pathfinder, qui est constituée d’un seul module comportant deux masses test d’or et platine, séparées par une distance de moins d’un mètre. Laissées en chute libre dans la capsule, leur déplacement est mesuré en continu en fonction du temps et monitoré à l’aide de l’interférométrie laser hétérodyne (qui utilise deux lasers de fréquences différentes).
Les autres degrés de liberté des masses (mouvements de rotation) sont mesurés par des capteurs électromagnétiques disposés dans la sonde autour d’elles. Des forces électromagnétiques sont ensuite appliquées (sans contact) aux masses toujours en chute libre afin qu’elles restent dans leur position nominale. Et Lisa Pathfinder est aussi muni d’un système de contrôle très fin de la position de la sonde elle-même par rapport à ses masses test, via des minimoteurs fusée. Les masses test fournissent le référentiel, et la position de la sonde est ajustée en permanence pour garder la même orientation dans ce référentiel en appliquant des forces minuscules de l’ordre du micronewton…

La complexité vient essentiellement de la sensibilité à atteindre sur la mesure du déplacement longitudinal des masses test. eLISA devra réduire au minimum les forces résiduelles qui pourraient perturber les masses test. Toute force autre que gravitationnelle pourrait  en effet masquer un signal d’onde gravitationnelle, on peut citer par exemple les forces induites par des rares molécules piégées dans le volume entourant la masse test, des forces électrostatiques induites par une accumulation de charges électriques causée par des interactions de rayonnement cosmique dans le métal des masses test, ou encore la pression de radiation des photons du laser utilisé quand il montre des variations de puissance.

Les résultats des évaluations technologiques de Lisa Pathfinder montrent que le paramètre-clé, qui est appelé par les physiciens le « bruit d’accélération relative », est plus de 5 fois plus faible que ce qui était attendu au début de la mission (0,54 10-15 g/ÖHz) et seulement 25% plus élevé que ce qui sera nécessaire sur eLISA. Ce bruit d’accélération relative est cohérent avec l’effet des molécules du gaz résiduel qui entoure les masses test, d’après les chercheurs européens.

Ces résultats rendent les chercheurs très optimistes. Même si eLISA utilisera des techniques légèrement différentes pour la partie interférométrie laser, les mesures de précision des déplacements des masses test telles qu’effectuées par Lisa Pathfinder peuvent désormais être considérées comme très bien maîtrisées, et les ingénieurs et scientifiques européens vont maintenant pouvoir passer sereinement à l’étape suivante dans la conception du futur grand télescope gravitationnel qui révolutionnera nos connaissances dans une vingtaine d’années.

Source :
Sub-Femto-g Free Fall for Space-Based Gravitational Wave Observatories: LISA Pathfinder Results
M. Armano et al.
Phys. Rev. Lett. 116, 231101 (June 7, 2016)


Images :

(1) vue d'artiste de Lisa Pathfinder (ESA)

(2) Vue éclatée de Lisa Pathfinder, les masses test sont les deux petits cubes jaunes au centre (CNES)

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