On avait presque pris l’habitude de
voir que l’astronomie dans l’espace coûtait des petites fortunes qui se
comptaient en milliards de dollars, mais une astronomie en orbite innovante et
de qualité peut aussi être très économe. C’est ce que montre le tout nouveau télescope
à rayons X de la NASA.
Ce nouveau télescope spatial s’appelle
NuSTAR (Nuclear Spectroscopic Telescope Array), et il ne coûte « que »
165 millions de dollars, ce qui est très peu comparé aux diverses sondes
spatiales ou autres télescopes du type Hershel ou Kepler…
Le télescope NuSTAR (NASA/JPL) |
NuSTAR est exclusivement dédié à
l’observation des rayons X dits « durs », c’est-à-dire relativement
énergétiques, qui sont produits principalement en périphérie des trous noirs
supermassifs.
Sa mise en orbite sera
particulière, et c’est aussi ce qui participe au faible coût de revient, puisqu’il
va être embarqué sur une fusée Pégasus lancée depuis un avion porteur.
NuSTAR s’intéressera aux rayons X
ayant une énergie comprise entre 5 keV et 80 keV, c’est-à-dire dans la plage encore
inconnue, située exactement entre ce qu’observe le télescope Chandra X-Ray
Observatory et ce que détecte le télescope Fermi (rayons gamma).
La fusée Pegasus larguée depuis son porteur |
Les rayons X durs sont difficiles
à focaliser car ils ont tendance à pénétrer dans la matière plutôt que de ce réfléchir
dessus comme leurs cousins lumineux de plus faible énergie. Du coup, les
scientifiques américains à l’origine de ce projet ont inventé de nouveaux types
de miroir avec de nouveaux matériaux, sous forme de sandwiches de plusieurs
centaines de films métalliques. Chaque couche réfléchit seulement un faible
nombre de photon mais prises ensemble, elles permettent une forte réflexion,
fournissant la meilleure sensibilité jamais atteinte pour ce type de système.
Mais ces rayons X sont si
énergétiques (par rapport à la lumière ordinaire), qu’ils ne peuvent être
réfléchis qu’à des très faibles angles, presque rasants. Les miroirs doivent
alors être construits sous forme de 133 coquilles coniques à l’image de poupées
russes, qui vont conduire les photons X par réflexions successives vers un détecteur situé
au fond du cône.
Des incidences rasantes
signifient aussi la nécessité d’une très longue distance focale. On se rappelle
que le télescope X Chandra avec sa
dizaine de mètres (et ses 2 milliards de dollars) tenait à peine dans le coffre
de la navette spatiale.
Avec une longueur du même type,
NuSTAR doit lui par contre tenir dans la petite fusée Pégase… Les scientifiques
américains ont donc dû innover en imaginant un système replié sur lui-même qui
devra se déployer une fois en orbite, le tout en 26 minutes, un beau challenge,
certes risqué mais l’enjeu financier est très inférieur aux télescopes
antérieurs…
C’est sur les noyaux actifs de
galaxies que va se focaliser NuSTAR. Les noyaux actifs sont les cœurs des
galaxies qui brillent de mille feux, hantés par des trous noirs de plusieurs
millions à plusieurs milliards de masses solaires…
Vue d'artiste d'un AGN. |
Et normalement, grâce à sa grande
sensibilité, le télescope devrait découvrir de nombreux (plusieurs centaines
prévus) nouveaux noyaux actifs de galaxies (AGN). Le but final est de mieux
comprendre comment évoluent ces AGN et quel est leur rôle dans l’évolution des
galaxies qui les abritent.
Les européens sont aussi
intéressés par ce nouveau télescope américain, ils ont décidé d’offrir 10% du
temps d’observation de leur satellite X XMM Newton à des observations
conjointes avec NuSTAR. En observant simultanément les mêmes cœurs de galaxies,
les astrophysiciens espèrent déceler comment tournent les trous noirs géants en
étudiant d’éventuelles distorsions du spectre X émis. La mesure de la rotation
des trous noirs géants peut permettre de mettre en lumière comment ces trous
noirs parviennent à atteindre des masses de plusieurs milliards de soleil, soit
en avalant d’autres trous noirs géants ou bien en absorbant lentement la matière
de leur galaxie-hôte.
Ce nouveau télescope, qui sera
lancé ce mois-ci, se révèle ainsi crucial pour l’ensemble de la communauté
astrophysique, et qui plus est pour un coût tout à fait acceptable.
source : Nature (15 mars 2012)
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