lundi 4 juin 2012

Les Mystères de l'Astronomie (5/8) : Qu'est ce qui a Réionisé l'Univers ?

La revue Science en fait sa couverture cette semaine : les Mystères de l'Astronomie... Les rédacteurs de la célèbre revue américaine ont sélectionné, sur l'avis de nombreux spécialistes, 8 mystères astrophysiques, qui sont aujourd'hui incompris et qui devraient pouvoir être élucidés par l'observation, à moins qu'ils ne le soient jamais. Ils restent autant de questions très intrigantes... Nous allons passer en revue un à un ces grand mystères d'aujourd'hui.

5/8 : Qu'est ce qui a réionisé l'Univers ?

Le modèle standard de la cosmologie, avec son histoire BigBangesque qui eut lieu il y a 13,7 milliards d'années a été confirmé sous de nombreux angles (mais pas tous) depuis plusieurs décennies. L'histoire qu'il raconte est simple : une époque primordiale (très mal connue), suivie d'une expansion associée à un refroidissement général; des irrégularités de densité primordiales qui se sont développées pour produire les structures de matière que nous connaissons aujourd'hui. 380000 ans après l'événement initial, la température devient suffisamment faible pour que les protons et les électrons restent associés par la force électrique, s'ensuit la libération des photons qui ne sont plus en équilibre avec les électrons. Ils forment le fond diffus cosmologique que nous connaissons.
Schéma des phases d'évolution de l'Univers (NASA)

Un pan de l'histoire des atomes d'hydrogène (protons+électrons) est moins connu :  quelques millions d'années après cette première lumière, quelque chose à réionisé les atomes, séparant à nouveau électrons et protons. Et cette fois, l'expansion les avait suffisamment dispersés pour qu'ils puissent se recombiner, et cette soupe de particules (plasma) était aussi assez diluée pour que les photons de lumière puissent la traverser sans interagir trop.
Mais qu'est ce qui a produit cette soudaine réionisation ? Personne ne sait avec certitude. On parvient d'une part à observer le CMB (fond diffus cosmologique) et les plus anciennes galaxies observées datent d'environ 800 millions d'années post-BigB. Mais la réionisation se situe entre les deux, durant cet âge sombre au cours duquel les premières étoiles et galaxies se sont formées, et que les astronomes ne parviennent pas (encore) à voir.
Une piste qui semblait sérieuse était que l'énergie nécessaire à cette ionisation proviendrait de rayonnement ultra-violet émanent des premières étoiles des premières galaxies. Dans cette théorie, les galaxies produiraient des sortes de bulles d'hydrogène ionisé qui grossiraient jusqu'à fusionner et faire disparaître tout l'hydrogène neutre.
Mais malheureusement, les astrophysiciens en étudiant et extrapolant à partir des galaxies très distantes et celles plus proches en arrivent à la conclusion qu'ils n'y avait pas assez de galaxies pour fournir l'énergie UV nécessaire.
Une alternative pourrait être apportée par d'autres objets astrophysiques comme par exemple des trous noirs supermassifs ou encore des particules de matière noire s'annihilant, capables de mener à une destruction de l'hydrogène neutre.
Les réponses ne peuvent venir qu'en allant voir les galaxies les plus lointaines (jeunes), c'est tout l'enjeu des très grands télescopes qui vont voir le jour dans les prochaines décennies, qui devraient pouvoir atteindre des galaxies à 300 millions d'années post-BigB. Le télescope James Webb, devant être mis en orbite vers 2018 devrait même pouvoir atteindre des galaxies à 200 millions d'années post-BigB.

Certains astronomes, au lieu de chercher des objets pouvant être à l'origine de la réionisation de l'hydrogène, se sont engagé dans une démarche plus élégante : regarder l'hydrogène lui-même.
Vue d'artiste du SKA (SKA Project Development Office)
L'hydrogène neutre possède une caractéristique que n'a pas l'hydrogène ionisé : une raie spectrale, de longueur d'onde de 21 cm.
Ces photons de l'hydrogène émis très loin dans le temps et l'espace voient leur longueur d'onde étirée à plusieurs mètres par l'expansion cosmique (phénomène de décalage vers le rouge, ou redshift). En essayant de capter ces photons à différents redshifts avec des radiotélescopes, eux aussi toujours plus grands, les astronomes espèrent pouvoir cartographier les frontières des bulles d'hydrogène ionisé autour des galaxies et ainsi pouvoir déterminer l'origine de l'ionisation. Par exemple, comme les trous noirs émettent à la fois des rayons X et des rayons ultra-violet, ils doivent ioniser le milieu plus uniformément que d'autres source ne le feraient.
Les observations détaillées devront sans doute attendre le puissant radiotélescope Square Kilometer Array (SKA) que vont se construire l'Australie et l'Afrique du Sud dans la prochaine décennie.

Mais il existe aussi une autre approche qui pourrait apporter quelques réponses plus rapidement, c'est d'étudier comment l'hydrogène s'est refroidi après avoir été chauffé dans le processus de réionisation. Du gaz chaud qui se serait refroidi lentement suggérerait que la source de réionisation pourrait être des quasars, fournissant des rayonnement beaucoup plus énergétiques que les simples étoiles. 
Comme le refroidissement affecte la façon qu'a l'hydrogène d'absorber la lumière, les astrophysiciens peuvent mesurer la température du gaz en regardant comment il modifie la lumière d'objets plus distants comme des quasars. Cette technique paraît plus simple que la traque à la raie de 21 cm décalée vers le rouge, mais son inconvénient est qu'elle ne marche vraiment que pour des zones entièrement ionisées, du coup elle ne permet que de voir ce qui se passe tout juste après la période de réionisation, et pas pendant...

Ces champs de recherche doivent explorer toutes les techniques possibles et imaginables, tant la zone recherchée reste obscure et pourtant cruciale pour comprendre la continuité de l'évolution de l'Univers.


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