dimanche 3 juin 2012

Les Mystères de l'Astronomie (2/8) : Quelle est la température de la Matière Noire ?

La revue Science en fait sa couverture cette semaine : les Mystères de l'Astronomie... Les rédacteurs de la célèbre revue américaine ont sélectionné, sur l'avis de nombreux spécialistes, 8 mystères astrophysiques, qui sont aujourd'hui incompris et qui devraient pouvoir être élucidés par l'observation, à moins qu'ils ne le soient jamais. Ils restent autant de questions très intrigantes... Nous allons passer en revue un à un ces grand mystères d'aujourd'hui.

2/8 :  Quelle est la température de la Matière Noire ?


Cela fait des décennies que les astronomes pensent qu'une sorte de matière invisible, une matière sombre (ou matière noire) permet de lier les galaxies. Nous ne savons toujours pas ce dont il s'agit mais cela pourrait bientôt changer. Même si les physiciens des astroparticules ne parviennent pas à mettre en évidence cette matière sous forme de particules furtives, les astronomes seront bientôt en mesure de déterminer quelques caractéristiques par des moyens purement astronomiques.

Citons en particulier les études sur les galaxies naines, qui peuvent permettre de tester si la matière noire est plutôt "froide", comme le suggèrent la plupart des modèles actuels, ou bien si elle serait plutôt "chaude". Cette notion de température n'a pas grand chose à voir avec la température comme nous la concevons. 

simulation d'Univers (DEUS consortium)
Il s'agit, dans le cas de particules, de savoir quelle énergie elles ont, ou encore quelle vitesse (chaud=relativiste, froid= non relativiste, pour faire court). Cette notion de température est donc liée à la masse des particules en question.

Il faut rappeler que les premiers signes de matière sombre apparurent en 1933 quand Fritz Zwicky trouva que les galaxies situées dans l'amas de Coma avaient de tels mouvements relatifs qu'elles n'auraient jamais du rester liées gravitationnellement entre elles. Une matière additionnelle invisible devait permettre le comportement observé.

C'est seulement quarante ans plus tard que cette idée rejaillit dans l'esprit fécond de l'astrophysicienne Véra Rubin, qui convergea vers la même idée, mais appliquée aux étoiles au sein d'une galaxie.
Mais les plus grandes évidences de l'existence de matière noire viennent de récentes mesures cosmologiques des origines de l'Univers. Le satellite WMAP qui mesura les anisotropies du fond diffus cosmologique en 2003 permit de montrer que la matière Noire représentait environ 85% de toute la matière.

Des astrophysiciens se sont également intéressés à cartographier les galaxies pour déterminer les structures à grande échelle de l'Univers. les astronomes du Two degree field galaxy redshift survey ont par exemple cartographié 220 000 galaxies et ont trouvé de vastes formes en feuillets. Parallèlement, des simulations toujours plus performantes ont permis de littéralement voir l'invisible, ou comment de vastes filaments et bulbes de matière noire se sont formés avant de laisser les galaxies se condenser au sein de grands halos. Ces simulations reproduisent si fidèlement les distributions statistiques des galaxies que le scénario est devenu le modèle standard de la cosmologie.

Mais aujourd'hui cependant, certains astronomes se demandent si ce modèle est juste. Pour reproduire ces structures en filaments, les théoriciens supposent que la matière noire est froide, c'est à dire des particules ayant une vitesse faible et une grande masse (comprise entre 1 Gev et 1000 GeV). Mais les simulations de matière noire froide ont leur petits problèmes. Par exemple, elles produisent des myriades de petits halos. Si ces halos attiraient suffisamment de gaz pour former des galaxies, alors notre Galaxie devrait être entourée par des milliers de galaxies naines. Or, on n'en observe qu'une vingtaine!.., en déduisant que les petits halos n'existent pas. Cette incohérence est appelée dans le jargon le "problème des satellites manquants". Et ce point est fondamental pour l'existence même de la matière noire froide.

Amas de galaxie Abell 2218
D'autre part, les simulations de matière noire froide prédisent également que la densité d'un halo de matière noire devrait être maximale en son centre. Mais au lieu de cela, les observations suggèrent que les galaxies ont des cœurs plus larges dans lesquelles la matière noire serait distribuée de manière beaucoup plus homogène. Ce problème est appelé le "problème du cœur concentré". On peut tout de même noter que dans une vraie galaxie, les effets gravitationnels entre matière ordinaire et matière noire peuvent  masquer ces effets de concentration.

Que se passerait-il si la matière noire était un peu plus chaude ? Et bien, il n'y aurait pas formation de petits halos et les concentrations n'apparaîtraient pas...
Même les plus fervents partisans de la matière noire froide commencent à douter et à croire de plus en plus à la matière noire un peu plus chaude, c'est à dire des particules ayant une masse de seulement quelques keV.
Les physiciens des astroparticules et astrophysiciens ont quelques idées pour mesurer cette "température" : La première consiste à évaluer le plus précisément possible la masse de notre galaxie. En effet, le nombre de grosses galaxies satellites (3 au lieu de 10 prévues) dépend directement de notre masse...
Une autre idée est d'étudier les galaxies naines les moins lumineuses, dont certaines peuvent avoir moins de 100000 étoiles et être presque exclusivement composées de matière noire, et les comparer avec ce que disent les simulations.
Parallèlement, les physiciens pourraient bientôt détecter directement des particules de matière noire froide (des WIMPs, weakly interacting massive particles de plusieurs dizaines de GeV) ou les produire au LHC. Et si ce n'est pas le cas ? Et bien les observations astronomiques resteront l'unique moyen d'étudier la matière noire...


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