15/02/13

Les Rayons Cosmiques en Provenance de Supernovae

Il était à peu près établi que les rayons cosmiques galactiques (des protons très énergétiques) sont issus des résidus de supernovæ, ces protons ayant subi une accélération lors du phénomène de supernova. Seulement, ce processus, même généralement admis, n’a jamais pu être mis en évidence directement, mais seulement à partir d’arguments indirects.

Mais ça, c’était avant, car c’est aujourd’hui chose faite ! Nous avons enfin maintenant la preuve directe que des protons issus de supernovae sont bien accélérés à des vitesses relativistes. 

C’est à une large collaboration internationale exploitant le télescope Fermi-LAT (encore lui) que l’on doit ce beau résultat. Ils se sont intéressés à deux résidus de supernova, IC443 et W44, tous les deux âgés d’environ 10000 ans (date de l’explosion) et situés respectivement à 1,5 kpc et 2,9 kpc.
Ces deux résidus sont les deux résidus de SN les plus brillants en rayons gamma dans le second catalogue de Fermi-LAT.
IC 443, appelée parfois la nébuleuse de la Méduse (crédit Maximo Ruiz)
Pour détecter la présence de protons accélérés grâce à des photons gamma, voilà comment on s’y prend : si les protons sont accélérés à des hautes vitesses, donc des grandes énergies cinétiques, lorsqu’ils rencontrent du gaz interstellaire (principalement de l’hydrogène, donc d’autres protons), ils peuvent produire des réactions nucléaires avec ces autres protons, ce qui produit des particules qu’on appelle des mésons pi neutres (ou des pions neutres), que l’on écrit pi0
W44 vu en rayons X (Hershel/ XMM Newton)

Or ces pions neutres ont la bonne idée d’avoir une durée de vie assez courte (8,4 10-17 s) : un pion neutre se désintègre dans 98% des cas en deux photons gamma, qui vont avoir chacun une énergie égale à la moitié de la masse du pi0 (la masse étant équivalente à l’énergie comme vous le savez). Comme le pi0 a une masse de 135 MeV, il suffit de rechercher parmi les photons en provenance des résidus de Supernova des photons de 67,5 MeV (dans le référentiel au repos du pion neutre)…
Et il se trouve que les deux résidus de supernova observés sont justement entourés de zones gazeuses assez denses, donc propices à ce genre de processus…

C’est de cette façon que l’équipe menée par M. Ackermann, physicien des astroparticules au synchrotron DESY en Allemagne, a trouvé dans les données patiemment collectées durant 4 ans, entre 2008 et 2012 par Fermi-LAT, la trace absolument non équivoque de la présence de ces protons accélérés.
A partir des spectres gamma mesurés, les physiciens des astroparticules parviennent non seulement à prouver qu’il existe bien des protons accélérés dans les résidus de supernova, mais ils peuvent également reconstruire la distribution en énergie de ces protons accélérés et fournissent ainsi des données précieuses aux astrophysiciens.

Ces derniers pourront alors mieux étudier le phénomène d’accélération de particules par les ondes de chocs et les ejecta en expansion des supernovae, dont on estime qu’elles peuvent transférer aux rayons cosmiques jusqu’à 30% de leur énergie cinétique, ce qui est considérable…


Source :
Detection of the Characteristic Pion-Decay Signature in Supernova Remnants
M. Ackermann et al.
Science 2013 Vol. 339 no. 6121 pp. 807-811 (15 February)


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