C'est en utilisant conjointement deux télescopes spatiaux détectant les rayons X : XMM-Newton (pour les rayons X à basse énergie) et le tout nouveau NuStar (pour les rayons X plus énergétiques) que des astrophysiciens américains et européens ont réussi à démontrer que l'observation du spectre X permettait de remonter à la vitesse de rotation du trou noir observé.
Ils se sont intéressé au centre de la galaxie NGC 1365 et surtout à son trou noir supermassif central, qui émet de grosses quantités de rayons X.
Dans le spectre de rayonnement X issu d'un élément particulier accéléré à grande vitesse dans le disque d'accrétion du trou noir, le fer pour le nommer, il était observé une distorsion importante à basse énergie. Deux modèles étaient en compétition pour expliquer le phénomène : soit de gros nuages de gaz à proximité du trou noir produisaient la distorsion des rayons X observée, ou bien c'était directement le champ gravitationnel très intense du trou qui était à l'origine de la distorsion dans le spectre.
Illustration des deux modèles en compétition avant l'avancée décisive de NuStar (NASA/JPL/Caltech) |
XMM-Newton seul ne permettait pas de trancher la question, mais l'observation à plus haute énergie grâce à NuStar a levé définitivement le doute : les nuages de gaz n'y sont pour rien! Les données de NuStar montrent clairement (du fait de l'existence d'un excès de rayons X à haute énergie) que la distorsion du spectre X du fer est due au champ gravitationnel intense.
XMM-Newton, télescope de l'agence spatiale européenne et NuStar, instrument de l'agence américaine se révèlent tout à fait complémentaires pour produire de beaux résultats.
Car, sachant désormais que c'est bien le champ gravitationnel qui tourmente les rayons X et la façon dont cela se passe permet d'évaluer la distance qui sépare le bord du disque d'accrétion de la frontière du trou noir. En effet, plus la matière se trouve proche, plus le champ gravitationnel est puissant et donc plus la distorsion du rayonnement est prononcée.
Or, la relativité générale nous dit que la distance minimale d'un disque d'accrétion dépend directement de la vitesse de rotation du trou noir : plus la distance est faible plus le trou noir tourne vite...
Voilà comment, en observant attentivement des raies de rayons X déformées en mettant à contribution différents instruments spatiaux, on peut déduire à quelle vitesse tournent les objets les plus singuliers que l'on connaisse.
Lire aussi :
Pour les curieux :
NuStar : http://www.nasa.gov/nustar .
XMM-Newton : http://go.nasa.gov/YUYpI6 .
NuStar : http://www.nasa.gov/nustar .
2 commentaires :
Suite à une question soulevée dans http://jpcmanson.wordpress.com/2013/03/05/la-vitesse-de-rotation-dun-trou-noir-sapproche-de-celle-de-la-lumiere/ j'ai l'interprétation suivante du phénomène. Est-elle correcte ?
Comme je l'ai compris, c'est l'horizon des évènements qui "tourne" à la vitesse de la lumière, entraînant l'espace avec lui, donc il n'y a rien de matériel qui soit soumis à la force centrifuge à ce niveau.
L'article traite des rayons X émis par la matière du disque d'accrétion, dont le bord interne est forcément proche, voire confondu avec l'horizon des évènements, d'où vitesse tangentielle proche de celle de la lumière, mais vitesse normale très faible, ce qui fait précisément qu'il y a un disque d'accrétion : très peu de matière franchit l'horizon. Comme je le comprends, ce sont les frottements entre les particules en orbite qui les font ralentir, émettre des rayons X et "tomber" à travers l'horizon des évènements.
Je ne sais pas ce que la théorie prédit à l'intérieur de l'horizon : effectivement, si le moment cinétique se conserve, la matière devrait se mettre en orbite à une vitesse supérieure à celle de la lumière... donc le moment cinétique ne se conserve pas, mais on s'en fiche puisque rien ne ressort ? La question se pose d'ailleurs pour l'astre ayant formé le trou au moment de sa formation : s'il s'effondre en une seule masse ponctuelle, il devrait tourner sur lui-même à une vitesse infinie... Mais a-t-il (encore) une masse ? Est-ce que l'horizon des évènements est réellement "généré" (comment?) par la chose en son centre ou n'est qu'une "empreinte" d'un évènement passé ?
L'interprétation de JPC Manson oublie complètement la relativité générale, qui est le cadre théorique incontournable quand on parle des trous noirs...
On ne doit pas dire que l'"horizon entraine l'espace avec lui..." : l'horizon n'a aucune réalité tangible, c'est une distance au-delà de laquelle les propriétés des particules changent : un photon (et toute autre particule) qui traverse cette frontière ne pourra jamais revenir.
Le trou noir est avant tout une solution de l'équation de la relativité générale. Le trou noir en rotation est une solution qui a été trouvée en 1963 par Roy Kerr, en introduisant en plus du paramètre masse M, un paramètre Moment Cinétique J.
Ca peut se figurer effectivement comme une torsion + courbure de l'espace-temps.
Il existe plusieurs cas de figures en fonction de la valeur du moment cinétique par unité de masse a=(J/M).
Le disque d’accrétion de matière est produit par le champ gravitationnel du trou. Le gaz accrété subit une friction énorme de ses particules, ce qui absorbe l'énergie de rotation et la transforme en chaleur (c'est le moment cinétique acquis par les particules au détriment du trou noir). Ensuite, c'est la très haute température du gaz qui produit l'émission X.
Au final, le moment cinétique du trou est transféré en rayons X et le trou noir ralentit inéluctablement (tant qu'il accréte du gaz).
Le moment cinétique que peut avoir un TN possède une limite (J=M²) au delà de laquelle théoriquement il n'y a plus d'horizon, plus de TN, mais en fait cette limite ne peut jamais être dépassée. Il a été montré en 1986 qu'un TN à la limite critique (vitesse de rotation = c) perd forcément du moment cinétique à la moindre interaction d'une particule dans son ergosphère.
Parler de l'intérieur de l'horizon, moi je ne m'y risque pas ;-) La relativité générale dit qu'il s'agit d'une singularité : masse ponctuelle, densité infinie, etc... mais le temps n'y existe plus vraiment non plus, peut-on alors parler de vitesse si le temps ne s'écoule plus ?
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