C’est une observation assez
incroyable. Un alignement des axes de rotation de dizaines de quasars,
s’étendant sur plusieurs milliards d’années-lumière, a pu être observé grâce au
télescope VLT de l’ESO. Ces quasars, trous noirs supermassifs rayonnants
fortement par leur disque d’accrétion de matière, apparaissent alignés sur la
structure à grande échelle de l’Univers jeune, leur axe de rotation étant
systématiquement aligné sur la direction du filament cosmique de matière qui
les contient, et ce sur plusieurs milliards d’années-lumière…
Vue d'artiste de l'alignement de l'axe de rotation des quasars (ESO/M. Kornmesser) |
C’est une équipe
d’astrophysiciens belges qui publie cette observation étonnante dans la revue Astronomy
& Astrophysics de décembre. Damien
Hutsemékers et ses collègues de l’Université de Liège ont exploité le
spectrographe FORS (FOcal Reducer and
low dispersion Spectrograph) du Very Large Telescope pour étudier un
échantillon de 93 quasars connus auparavant pour former des groupes s’étalant
sur plusieurs milliards d’années-lumière, à une distance de plus de 9 milliards
d’années-lumière d’ici.
La première chose intriguante que
les chercheurs belges ont relevé est l’alignement des axes de rotation de
plusieurs quasars entre eux, alors qu’ils étaient séparés de plusieurs
milliards d’A.L. Et puis ils ont ensuite regardé si ces alignements étaient
liés aux structures de matière à grande échelle (la distribution des galaxies).
Il faut ici rappeler que la structure à grande échelle de l’Univers montre une
répartition des galaxies et amas de galaxie qui forme de vastes filaments
formant comme des surfaces de très grandes bulles « vides », en tout
cas beaucoup moins denses en galaxies.
La réponse fut sans appel :
les quasars observés sont répartis sur les filaments de matière formant cette
vaste toile cosmique, et oui, leur axe de rotation est bel et bien aligné sur
l’ « axe » du filament dans lequel ils se trouvent,
systématiquement et sur des échelles de distance considérables….
Simulation des grandes structures cosmiques (côté de 300 millions d'années-lumière) (ESO/Collaboration Illustris) |
Les astrophysiciens ont calculé
la probabilité que de tels alignements des axes de rotation des trous noirs
supermassifs soient une pure coïncidence, elle n’est que de 1% ! Un tel
comportement d’alignement d’axe de rotation avait déjà été entrevu sur des
galaxies en 2013 à plus petite échelle, mais il n’avait encore jamais observé
sur des quasars, et surtout jamais sur de telles distances de plusieurs
milliards d’A.L.
C’est donc un tour de force d’avoir réussi cette observation indirecte. Pour évaluer la direction de l’axe de rotation d’objets aussi démesurément lointains, la méthode utilisée repose sur l’observation de la polarisation de la lumière. La direction de la polarisation, associée à d’autres informations comme la largeur de certaines raies d’émission dans le spectre, permet de déterminer l’angle de vue du disque d’accrétion de matière du trou noir source du quasar. Et le disque d’accrétion est toujours perpendiculaire à l’axe de rotation, ce qui permet d’en déduire la direction de cet axe de rotation…
C’est donc un tour de force d’avoir réussi cette observation indirecte. Pour évaluer la direction de l’axe de rotation d’objets aussi démesurément lointains, la méthode utilisée repose sur l’observation de la polarisation de la lumière. La direction de la polarisation, associée à d’autres informations comme la largeur de certaines raies d’émission dans le spectre, permet de déterminer l’angle de vue du disque d’accrétion de matière du trou noir source du quasar. Et le disque d’accrétion est toujours perpendiculaire à l’axe de rotation, ce qui permet d’en déduire la direction de cet axe de rotation…
Il est tentant de rapprocher les
indices d’alignement d’axe de rotation de galaxies proches observés à plus
petite échelle avec ces nouvelles observations, en imaginant un mécanisme
commun à son origine, mais les auteurs mettent en garde sur le fait que la
rotation de toute une galaxie peut être très différente de la rotation du trou
noir supermassif qui se trouve dans son centre…
Ces nouveaux résultats semblent
par ailleurs expliquer des mesures de polarisation assez similaires que la même
équipe avait obtenue il y a 15 ans, et qui avait été interprétées à l’époque
par un effet de polarisation de la lumière par le milieu interstellaire, des
effets parasites qui ont pu être rejetés dans ces nouvelles observations.
D’où proviennent de tels alignements ? Pour tenter de répondre à cette question, je ne résiste pas à recopier la dernière phrase de l’article de l’équipe de D. Hutsemékers, qui vaut une bien belle conclusion : « The existence of correlations in quasar axes over such extreme scales would constitute a serious anomaly for the cosmological principle. » (L’existence de corrélations entre les axes de rotation des quasars sur des échelles aussi extrêmes constituerait une sérieuse anomalie pour le principe cosmologique).
Référence :
Alignment of quasar
polarizations with large-scale structures
D. Hutsemékers et al.
A&A 572, A18
(2014)
8 commentaires :
génial quand même ....
je suis d'accord ! ;-)
bonjour,
ce qui me parait surprenant dans cette observation, ce n'est pas l'alignement des axes des quasars (ou plus exactement de leur disque d'accrétion, je suppose?)avec les filaments cosmiques, car que le TN se forme par accrétion de gaz ou par fusions galactiques,il semble naturel de penser que les mouvements de matière se font grosso modo dans l'axe du filament ; c'est plutôt les échelles de corrélation, de l'ordre du GPc, alors que les plus grandes structures calculées (taille actuelle des BAO)et observées (catalogues, FDC, récent calcul de notre basin d'attraction gravitationnel local)sont de l'ordre de 100 MPc, donc 10 fois moins (par exemple illustré dans le résultat de la simulation que vous publiez); ce hiatus est encore aggravé, me semble-t-il, par l'age des quasars (vers z=1.5, soit R=Ro/2.5)
En se référant au texte de l'article, c'est bien les axes de rotation qui sont parallèles aux filaments, et non les disques...Pas très intuitif, non ?
c'est bien les axes de rotation, oui, ce que je précise... et qui est tout à fait surprenant.
Bonjour,
En quoi cette découverte met-elle à mal le principe cosmologique?
Le principe cosmologique dit (pour le dire vite) que l'Univers est identique partout. Il ne devrait donc pas exister de direction particulière.
Bonjour Eric !
Peut on mettre en relation les découvertes de cette équipe avec les travaux de Stephane Le Corre dont vous parliez ici http://www.ca-se-passe-la-haut.fr/2015/03/matiere-noire-et-energie-noire-de-purs_13.html ? (en allant jusque dans les commentaires, je cite : "Je dis que les champs gravitiques « imposent » les plans de rotation. ")
Damien
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