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05/02/25

Les microquasars de faible masse sont aussi des sources de rayons cosmiques


Des chercheurs ont trouvé pour la première fois la preuve que même les microquasars contenant une étoile de faible masse sont des accélérateurs de particules efficaces, ce qui a un impact significatif sur l'interprétation de l'abondance des rayons gamma dans notre galaxie et au-delà. Ils publient leur étude dans The Astrophysical Journal Letters.

La production et l'accélération des rayons cosmiques les plus énergétiques (des particules chargées, essentiellement des protons) reste un sujet mal connu en physique des astroparticules. Une accélération très efficace des particules semble se produire dans les jets des microquasars. Mais, jusqu'à présent, ce phénomène n'a été observé que dans de rares systèmes de microquasars de masse élevée. A ce jour, une vingtaine de microquasars ont été identifiés, dont trois seulement ont été détectés avec certitude dans le domaine des rayons gamma de l’ordre du GeV.

Les écoulements de matière en mouvement rapide (ou « jets ») lancés par les trous noirs constitueraient un site idéal pour l'accélération des particules, mais les détails sur la manière et les conditions dans lesquelles les processus d'accélération peuvent se produire ne sont pas clairs. On sait que les jets les plus puissants à l'intérieur de notre galaxie se produisent dans les microquasars, qui sont des systèmes composés d'un trou noir de masse stellaire et d'une étoile « normale ». Les deux objets orbitent l'un autour de l'autre et, lorsqu'ils sont suffisamment proches, le trou noir commence à avaler lentement sa compagne. En conséquence, des jets sont lancés depuis la région proche du trou noir.

Ces dernières années, il est devenu de plus en plus évident que les jets des microquasars sont des accélérateurs de particules efficaces, mais on ne sait pas exactement dans quelle mesure ils contribuent, en tant que groupe, à la quantité totale de rayons cosmiques dans la galaxie. Pour répondre à cette question, il faut savoir si tous les microquasars sont capables d'accélérer les particules ou seulement certains.

Les microquasars sont généralement classés, en fonction de la masse de l'étoile qui les compose, en systèmes de « faible masse » ou de « forte masse », les systèmes de faible masse étant beaucoup plus abondants. Et, jusqu'à présent, les preuves de l'accélération des particules n'ont été trouvées que pour les systèmes de masse élevée. Par exemple, le microquasar SS 433, dont il a été récemment révélé (il y a un an) qu'il était l'un des plus puissants accélérateurs de particules de la galaxie, contient une étoile d'une masse d'environ dix fois la masse du Soleil.

Par conséquent, on pensait généralement que les microquasars de faible masse n'étaient pas assez puissants pour produire des rayons gamma. Guillem Martí-Devesa, de l'Università di Trieste, en Italie et Laura Olivera-Nieto, du Max-Planck-Institut für Kernphysik à Heidelberg, en Allemagne, viennent de faire une découverte qui ébranle ce paradigme. Ils ont utilisé 16 années de données provenant du télescope gamma spatial Fermi LAT de la NASA pour détecter un faible signal de rayons gamma correspondant à la position de GRS 1915+105, un microquasar dont l'étoile est plus petite que le soleil.

Le microquasar GRS 1915+105 a été détecté pour la première fois en tant que source de rayons X par l'instrument WATCH à bord de l'observatoire GRANAT en 1992. Des observations complémentaires avec le Very Large Array et MERLIN en 1999 dans la bande radio ont révélé une contrepartie très variable avec des éjections bilatérales apparemment superluminales. Il s'agissait de la première observation de mouvements relativistes dans un objet situé à l'intérieur de notre galaxie, ce qui impliquait des vitesses intrinsèques pour les éjectas proches de la vitesse de la lumière. Ces résultats avaient établi la présence d'un jet avec une vitesse v ∼ 0,8c et un angle par rapport à la ligne de visée θ ∼ 63°, ce qui faisait du système un microquasar.

Des mesures récentes de parallaxe ont abouti à une estimation de la distance de GRS 1915+105  d = 9,4 ± 0,6 ± 0,8 kpc. La masse du trou noir a fait l'objet de débats, avec une affirmation initiale de 14 M⊙ en 2001, qui a ensuite été révisée à des valeurs plus basses allant de 10 M⊙ en 2013 à 12 M⊙ en 2014 puis 2023.

Le signal gamma que Martí-Devesa et Olivera-Nieto ont mesuré est à des énergies supérieures à 10 GeV, ce qui indique que le système pourrait accélérer des particules à des énergies encore plus élevées. Aucune périodicité ou variabilité n'est trouvée dans la source gamma, ce qui indique une source persistante. Pour les chercheurs, les propriétés de l'émission sont compatibles avec un scénario dans lequel les protons accélérés dans les jets interagissent avec le gaz proche et produisent des rayons gamma. Martí-Devesa et Olivera-Nieto trouvent que si le jet a fonctionné à une moyenne de 1% de la limite d'Eddington pendant 10% du temps que GRS 1915+105 a passé dans son état de transfert de masse, 10% de la puissance disponible transférée aux protons serait suffisants pour atteindre les ∼3 × 1049 erg nécessaires pour expliquer le signal observé de quelques GeV.

Pour arriver à cette conclusion, les astrophysiciens des particules ont également utilisé les données du radiotélescope de 45 mètres de Nobeyama, au Japon, ce qui leur a permis de montrer qu'il y a suffisamment de gaz autour de la source pour que leur scénario soit possible.

Ce résultat montre donc que même les microquasars abritant une étoile de faible masse sont capables d'accélérer les particules. Comme il s'agit de la classe la plus nombreuse dans les microquasars, ce résultat a des implications significatives sur la contribution estimée des microquasars au contenu en rayons cosmiques de notre galaxie.

Dans la conclusion de leur article, Martí-Devesa et Olivera-Nieto précisent que bien qu’ils ne puissent pas totalement écarter une association avec la source de rayons X proche 4XMM J191551.2+105814, beaucoup plus faible, ou bien avec un blazar inconnu qui serait vu à travers le plan galactique, ils notent qu'il n'y a pas de preuve d'une coupure dans le spectre GeV de la source gamma, ce qui suggère que l'émission pourrait s'étendre à des énergies de rayons gamma encore plus élevées. Une détection dans la bande multi-TeV exclurait définitivement une origine extragalactique et confirmerait l'association avec GRS 1915+105, une détection faisable avec des télescopes Cherenkov. La validation ferme que ce microquasar est un émetteur de rayons gamma permettrait d'établir que les binaires X à faible masse sont bien des accélérateurs de particules de haute énergie et de contraindre leur contribution au contenu en rayons cosmiques de notre galaxie.


Source

Persistent GeV Counterpart to the Microquasar GRS 1915+105

Guillem Martí-Devesa and Laura Olivera-Nieto

The Astrophysical Journal Letters, Volume 979, Number 2 (28 january 2025)

https://doi.org/10.3847/2041-8213/ada14f


Illustrations

1. Vue d'artiste d'un microquasar (NASA)

2. Le spectre des rayons cosmiques, la première cassure, le genou (knee) se situe à environ 4 PeV (4. 106 GeV) (Blümer et al.)

3. Guillem Martí-Devesa


18/06/24

Un quasar mature découvert avec Webb 670 mégannées post Big Bang


L'analyse du spectre infrarouge d'un quasar ancien (un objet quasi-stellaire alimenté par un trou noir) suggère que les trous noirs supermassifs et leurs mécanismes d'alimentation étaient déjà complètement matures lorsque l'Univers avait 5 % de son âge actuel (environ 760 mégannées). Une équipe de chercheurs a en effet trouvé un quasar énergisé par un trou noir de 1,5 milliards de masses solaires à un redshift de 7,08 et ils publient leur découverte dans Nature Astronomy

28/02/24

Un trou noir de 17 milliards de masses solaires qui absorbe 1 Soleil par jour


Environ un million de quasars ont été catalogués dans l’Univers à ce jour. Les plus brillants sont aussi les plus rares et les plus difficiles à trouver. Les propriétés du plus lumineux d'entre eux, 
 J0529−4351, viennent d'être étudiées. Dans leur étude publiée dans Nature Astronomy, des astrophysiciens démontrent que le trou noir qui en est à l'origine fait 17 milliards de masses solaires et absorbe une masse solaire par jour...  

23/09/22

Un délai de 6,7 ans entre deux images du même quasar dans une lentille gravitationnelle


Les lentilles gravitationnelles peuvent produire de multiples images d’un même objet très éloigné. Les quasars lentillés de la sorte sont des sondes très intéressantes car leur luminosité est variable et produit des motifs reconnaissables d’une image à l’autre, ce qui permet de mesurer les délais temporels qui existent entre l’image principale et les images « fantômes ». Aujourd’hui, une étude révèle l’observation du délai temporel le plus énorme jamais vu : plus de 6 ans et demi entre deux images du même objet ! L’étude est publiée dans The Astrophysical Journal.

17/03/22

Le voisinage des quasars de l'Univers jeune


Une étudie se penche sur l'environnement autour des quasars qui existaient moins de deux milliards d'années après le Big Bang, pour retracer les subtilités de la formation des structures dans l'univers jeune. Des surdensités de galaxies poussiéreuses sont observées grâce au réseau de radiotélescopes ALMA. L'équipe internationale publie ces résultats dans The Astrophysical Journal.
 

30/01/22

Résolution record pour l'imagerie d'un jet de blazar issu d'un couple de trous noirs supermassifs


Une équipe européenne a cartographié dans la gamme radio la galaxie active OJ 287 avec une résolution angulaire record de 12 microsecondes d'arc ! Ils ont utilisé la technique de l'interférométrie à très longue base, incluant cette fois un télescope spatial (Spektr-R/RadioAstron), de quoi produire un télescope virtuel d'un diamètre de 193 000 km... On découvre sur les images des détails inédits sur le jet relativiste qui émane d'un couple de trous noirs supermassifs. L'étude est publiée dans The Astrophysical Journal.

11/11/21

Découverte d'un couple de quasars très serré, 1 milliard d'années après le Big Bang


Une équipe d'astrophysiciens rapporte la découverte d'un couple de quasars très serrés, séparés d'à peine 30 000 années-lumière, ce qui équivaut à la distance qui nous sépare du centre de la Voie Lactée. Son petit nom est J2037-4537 et il est situé 1,1 milliard d'années après le Big Bang. L'étude est publiée dans The Astrophysical Journal Letters.

12/01/21

Nouveau record de distance pour un quasar (avec un très gros trou noir...)


Le quasar le plus distant vient d'être découvert, ou du moins sa découverte vient d'être publiée. Il est situé seulement 670 millions d'années après le Big Bang, et arbore déjà un trou noir très très massif, apportant de nouvelles contraintes sur la formation de ces monstres. L'étude a été acceptée pour publication dans The Astrophysicial Journal Letters.

18/08/20

Étonnante émission gamma périodique d'un nuage de gaz induite par un microquasar


Un nuage de gaz anodin qui émet des rayons gamma périodiquement tous les 162 jours, c'est une source bizarre qu'on trouvée une équipe d'astrophysiciens à 15000 années-lumière d'ici dans la constellation de l'Aigle... Mais ce nuage de gaz se trouve être situé à 100 années-lumière d'un objet unique dans notre galaxie, un microquasar qui se trouve avoir une période de précession exactement égale à la période des émissions gamma observées... Le lien paraît évident, mais on ne comprend pas (encore) bien comment ça se passe... une étude publiée dans Nature Astronomy.


06/03/20

Découverte du blazar le plus lointain: dans l'Univers âgé de moins de 1 milliard d'années

Il est nommé PSO J0309+2717, c'est le blazar le plus lointain qui ait jamais été observé. Sa lumière a parcouru 12,9 milliards d'années avant d'arriver dans nos télescopes. Il se trouve dans l'Univers âgé de 900 millions d'années, quand il était 7 fois plus petit qu'aujourd'hui. L'équipe italienne qui a fait cette découverte publie ses travaux dans Astronomy & Astrophysics.



02/03/20

Trois trous noirs supermassifs au coeur d'un quasar


Ce n'est pas un, ni deux, mais trois trous noirs supermassifs que des astrophysiciens français viennent de mettre en évidence au centre d'un quasar. Cette découverte a été faite grâce à la déformation des jets polaires du noyau actif observés à haute résolution, et permet de comprendre le mouvement apparent de cette source radio dans le temps. Une étude parue dans Astronomy & Astrophysics.



21/09/19

Naissance de 6 quasars observée "en direct"


Une équipe d'astrophysiciens a été témoin d'une mutation rapide de six noyaux de galaxies calmes au départ, et se transformant en quelques mois à peine en véritables quasars. Un nouveau type d'activité de trou noir supermassif serait à l'oeuvre. Une étude parue dans The Astrophysical Journal.




29/08/19

Découverte d'un quasar lointain très atypique avec un trou noir énorme


Une équipe d’astrophysiciens européens et japonais vient de publier des résultats d’observation d’un quasar très anormal : situé à seulement 1,6 milliards d’années après le Big Bang, le trou noir supermassif qui l’anime a déjà une masse de 25 milliards de masses solaires tandis que sa galaxie hôte possède très peu de gaz et très peu d’étoiles : 16 fois moins qu’attendu pour une telle masse. Une étude parue dans The Astrophysical Journal.




08/12/17

Découverte du premier quasar situé avant la réionisation complète de l’Univers, 690 millions d’années après le Big Bang


Ce n’est pas une observation anodine que viennent de reporter une équipe d’astrophysiciens américains, européens et chinois dans la revue Nature : un quasar montrant par ses caractéristiques spectrales (et pour la première fois) qu’il se trouve dans l’Univers en cours de réionisation, à 690 millions d’années après le Big Bang. Ce quasar puise son énergie dans un trou noir supermassif de 800 millions de masses solaires, ce qui remet encore en question les processus de croissance de ces trous noirs.




24/03/17

Le trou noir supermassif qui pourrait s'échapper de sa galaxie


Ce trou noir supermassif de 1 milliard de masses solaires se trouve au sein du quasar nommé 3C 186, mais ce quasar a une particularité notable : il ne coïncide pas avec le centre de sa galaxie hôte. Et une équipe d'astronomes montre qu'il est en train de se déplacer à grande vitesse...




21/09/16

Mrk 1018, le Quasar qui soudain s'éteint


Une équipe d’astronomes vient de résoudre l’énigme du mystérieux comportement changeant du trou noir supermassif de la galaxie active Markarian 1018 (Mrk 1018) grâce au Very Large Telescope de l'ESO ainsi qu’aux télescopes spatiaux Chandra et Hubble : un quasar qui s'est "allumé" en 1986 et qui s'éteint aujourd'hui.



28/01/16

La galaxie la plus lumineuse de l'Univers en train de s'auto-détruire

La galaxie la plus lumineuse que nous connaissons, un quasar nommé W2246-0526, a été observée en train d’éjecter la quasi-totalité de son gaz nécessaire à la fabrication de nouvelles étoiles. Le processus montre l’existence de turbulences hors normes.



Tanio Diaz-Santos décrit ce que son équipe a observé comme une marmite d’eau bouillante chauffée par un réacteur nucléaire. L’image est évidemment un peu trompeuse. Le quasar W2246-0526 est énergétisé par encore mieux qu’un réacteur nucléaire : un trou noir supermassif. Et l’eau dans la métaphore de l’astronome chilien doit être remplacée par du gaz interstellaire. W2246-0526 est une découverte récente car c’est en 2015 que ce quasar a été identifié, situé à la belle distance de 12,4 milliards d’années-lumière. Sa luminosité est exceptionnelle, 10 000 fois plus élevée que celle de la Voie Lactée, avec pourtant une taille plus petite.  Il a été découvert grâce au télescope infra-rouge WISE (Wide-field Infrared Survey Explorer).

Vue d'artiste du quasar W2246-0526
(NRAO/AUI/NSF; Dana Berry / SkyWorks; ALMA (ESO/NAOJ/NRAO))
Ce quasar (ou cette galaxie active) fait partie d’une classe de galaxies qui sont appelées des Hot DOGs - défense de rire -  qui signifie Hot, Dust Obscured Galaxies (galaxies chaudes obscurcies de poussière). Ces galaxies ont le point commun d’être essentiellement visibles en infra-rouge et de posséder un bon gros trou noir supermassif très actif. W2246-0526 peut également être classifiée dans la famille de galaxies dite ELIRG (Extra Luminous Infrared Galaxies).

Tanio Diaz et ses collaborateurs ont observé W2246-0526 dans les longueurs d’ondes submillimétriques, à la frontière des infra-rouges et des ondes radio, grâce au réseau de radiotélescopes ALMA, situé dans le désert de l’Atacama au Chili. Ils ont réussi à déterminer la dynamique du gaz expulsé par la galaxie.
De grandes quantités de gaz semblent se trouver ainsi dans un état fortement turbulent et avec des vitesses très élevées pouvant atteindre plus de 500 km/s. La turbulence du milieu interstellaire est déduite par les chercheurs grâce à l'observation de la dispersion de la raie d’émission du carbone, centrée à 157,7 µm mais qui se trouve très élargie, signant une forte dispersion de vitesse de la source d’émission, visible de manière homogène sur plus de 8000 années-lumière à travers la galaxie.
Diaz-Santos et ses co-auteurs estiment que le comportement très turbulent observé peut être lié à l’extrême luminosité de W2246-0526, qui est produite par un disque de gaz surchauffé spiralant vers le trou noir. La lumière intense et énergétique produite par ce disque d’accrétion est ensuite absorbée par les vastes nuages de gaz entourant le disque et le trou, qui réémettent ensuite l’énergie emmagasinée sous la forme de rayonnement infra-rouge.
C’est visiblement cette intense émission infra-rouge qui provoque les turbulences observées dans toute la galaxie. Les astronomes estiment qu’à ce rythme,  W2246-0526 aura rapidement expulsé la totalité de son gaz, celui-là même qui lui sert à former de nouvelles étoiles. Mais il se peut également que l’activité du quasar se calme rapidement par manque de matière à accréter, et avec elle l’éjection rapide de gaz, permettant à la galaxie de connaître enfin une phase plus normale.


Source :

The strikingly uniform, highly turbulent interstellar medium of the most luminous galaxy in the universe
T. Díaz-Santos et al.
The Astrophysical Journal Letters, Volume 816, Number 1 (2016)

19/11/14

Observation d’un alignement étrange des quasars à très grande échelle

C’est une observation assez incroyable. Un alignement des axes de rotation de dizaines de quasars, s’étendant sur plusieurs milliards d’années-lumière, a pu être observé grâce au télescope VLT de l’ESO. Ces quasars, trous noirs supermassifs rayonnants fortement par leur disque d’accrétion de matière, apparaissent alignés sur la structure à grande échelle de l’Univers jeune, leur axe de rotation étant systématiquement aligné sur la direction du filament cosmique de matière qui les contient, et ce sur plusieurs milliards d’années-lumière…



Vue d'artiste de l'alignement de l'axe de rotation des quasars (ESO/M. Kornmesser)
C’est une équipe d’astrophysiciens belges qui publie cette observation étonnante dans la revue Astronomy & Astrophysics de décembre.  Damien Hutsemékers et ses collègues de l’Université de Liège ont exploité le spectrographe  FORS (FOcal Reducer and low dispersion Spectrograph) du Very Large Telescope pour étudier un échantillon de 93 quasars connus auparavant pour former des groupes s’étalant sur plusieurs milliards d’années-lumière, à une distance de plus de 9 milliards d’années-lumière d’ici.
La première chose intriguante que les chercheurs belges ont relevé est l’alignement des axes de rotation de plusieurs quasars entre eux, alors qu’ils étaient séparés de plusieurs milliards d’A.L. Et puis ils ont ensuite regardé si ces alignements étaient liés aux structures de matière à grande échelle (la distribution des galaxies). Il faut ici rappeler que la structure à grande échelle de l’Univers montre une répartition des galaxies et amas de galaxie qui forme de vastes filaments formant comme des surfaces de très grandes bulles « vides », en tout cas beaucoup moins denses en galaxies.
La réponse fut sans appel : les quasars observés sont répartis sur les filaments de matière formant cette vaste toile cosmique, et oui, leur axe de rotation est bel et bien aligné sur l’ « axe » du filament dans lequel ils se trouvent, systématiquement et sur des échelles de distance considérables….
Simulation des grandes structures cosmiques
(côté de 300 millions d'années-lumière)
(ESO/Collaboration Illustris)
Les astrophysiciens ont calculé la probabilité que de tels alignements des axes de rotation des trous noirs supermassifs soient une pure coïncidence, elle n’est que de 1% ! Un tel comportement d’alignement d’axe de rotation avait déjà été entrevu sur des galaxies en 2013 à plus petite échelle, mais il n’avait encore jamais observé sur des quasars, et surtout jamais sur de telles distances de plusieurs milliards d’A.L. 
C’est donc un tour de force d’avoir réussi cette observation indirecte. Pour évaluer la direction de l’axe de rotation d’objets aussi démesurément lointains, la méthode utilisée repose sur l’observation de la polarisation de la lumière. La direction de la polarisation, associée à d’autres informations comme la largeur de certaines raies d’émission dans le spectre, permet de déterminer l’angle de vue du disque d’accrétion de matière du trou noir source du quasar. Et le disque d’accrétion est toujours perpendiculaire à l’axe de rotation, ce qui permet d’en déduire la direction de cet axe de rotation…
Il est tentant de rapprocher les indices d’alignement d’axe de rotation de galaxies proches observés à plus petite échelle avec ces nouvelles observations, en imaginant un mécanisme commun à son origine, mais les auteurs mettent en garde sur le fait que la rotation de toute une galaxie peut être très différente de la rotation du trou noir supermassif qui se trouve dans son centre…
Ces nouveaux résultats semblent par ailleurs expliquer des mesures de polarisation assez similaires que la même équipe avait obtenue il y a 15 ans, et qui avait été interprétées à l’époque par un effet de polarisation de la lumière par le milieu interstellaire, des effets parasites qui ont pu être rejetés dans ces nouvelles observations.

D’où proviennent de tels alignements ? Pour tenter de répondre à cette question, je ne résiste pas à recopier la dernière phrase de l’article de l’équipe de D. Hutsemékers, qui vaut une bien belle conclusion : « The existence of correlations in quasar axes over such extreme scales would constitute a serious anomaly for the cosmological principle. » (L’existence de corrélations entre les axes de rotation des quasars sur des échelles aussi extrêmes constituerait une sérieuse anomalie pour le principe cosmologique).

Référence :
Alignment of quasar polarizations with large-scale structures
D. Hutsemékers et al.
A&A 572, A18 (2014)


13/09/14

Les Quasars Classés se Dévoilent

C’est en 1963 que les quasars ont été formellement identifiés comme étant l’émission associée à des trous noirs supermassifs accrétant de la matière au cœur de galaxies lointaines. Le terme quasar, contraction de quasi-stellar object vient du fait que l’observation en lumière visible de ces objets ressemble à s’y méprendre à une étoile… sauf que leur distance est extrêmement élevée, plusieurs milliards d’années-lumière, rendant leur origine stellaire impossible. 



Rappelons rapidement que toutes les étoiles que nous pouvons voir dans le ciel font partie de notre galaxie, et sont donc situées à moins de 100000 années-lumière de nous.
Le Quasar 3C 175 montrant un puissant jet de matière signant
l'axe de rotation du trou noir supermassif (NRAO/AUI)
La gigantesque luminosité des quasars est dûe au disque de matière (du gaz) qui tourne autour du trou noir géant à une vitesse proche de la vitesse de la lumière. L’échauffement et la friction du gaz produit cette émission lumineuse dans diverses longueurs d’ondes, elle est si intense qu’elle dépasse largement la luminosité des milliards d’étoiles qui constituent la galaxie hôte du monstre, et est visible à plusieurs milliards d’années-lumière de là.
On peut étudier les propriétés d’un tel quasar en faisant de la spectroscopie de sa lumière, en analysant la lumière par décomposition de ses longueurs d’onde. Grâce à cette technique, deux astrophysiciens chinois viennent tout juste de faire une trouvaille très intéressante, qui va permettre de mieux comprendre comment fonctionne un quasar.
Il n’ont pas étudié le spectre d’un seul quasar isolé, mais les spectres de plus de 20000 quasars ! En étudiant cette très grande population de quasars (j’ignorais d’ailleurs qu’on en connaissait déjà autant), Shen et Ho arrivent à montrer que tous les quasars peuvent être classés en fonction de seulement deux petits paramètres physiques. Pour la première fois, ils montrent que ces objets hors du commun ont des propriétés communes reliées à des paramètres simples, et qu’il existe une sorte de classe standard de quasars, de la même façon que les étoiles avaient pu être classées en fonction de leur couleur et de leur luminosité au début du XXème siècle, montrant l’existence de familles d’étoiles.
Les raies d’émission visibles dans le spectre de leur lumière révèlent des informations sur l’environnement des quasars.
Les rapports d’intensité entre différentes raies qui correspondent à des niveaux d’ionisation différents du gaz fournissent une information sur l’intensité du rayonnement du disque à l’origine de cette ionisation. Cette intensité de rayonnement du disque est elle-même directement une fonction de ce qu’on appelle le ratio d’Eddington. Un trou noir ne peut pas avoir un taux d’accrétion de gaz infini, il existe une limite, qui correspond au moment où la force de pression du rayonnement dans le disque d’accrétion (force vers vers l’extérieur) contrebalance exactement la gravité du gaz tombant vers le trou noir (vers l'intérieur).  Le trou noir peut continuer à accréter de la matière, mais à un taux constant.
Le ratio d’Eddington est le rapport de la luminosité d’un disque d’accrétion par rapport à celle d’un disque d’accrétion arrivé à la limite, c'est une sorte d’indicateur d’âge du disque d’accrétion. Mesurer des rapports d’intensité de raies bien choisies dans le spectre permet ainsi de connaître le rapport d’Eddington du quasar, c’est-à-dire la maturité de son disque d’accrétion.

L’autre information clé pouvant être obtenue dans les raies du spectre vient de l’effet Doppler, cet effet qui décale les longueurs d’ondes vers le bleu ou vers le rouge en fonction de la vitesse (rapprochement ou éloignement) de la source émettrice. 
Graphe de classification des quasars
(Shen et Ho, Kavli Institute for astronomy and astrophysics)
C'est la vitesse du gaz situé dans la ligne de visée entre le trou noir géant et nous que nous voyons, et celle-ci dépend de la force de gravitation présente, et donc de la masse du trou noir. Mais le problème dans cette méthode de mesure c'est que cette évaluation dépend de l'angle existant entre l'axe de rotation du trou noir (c'est à dire le plan du disque d'accrétion, orthogonal), et l'axe de visée, dont dépend directement la vitesse d'éloignement/rapprochement. On peut connaître cet axe de rotation dans certains quasars quand des jets de matière et de rayonnement sont bien visibles, car ils sont toujours situés exactement dans l'axe de rotation du trou noir. Mais tous les quasars ne montrent pas forcément leurs jets... C'est pour pallier à cette difficulté majeure que Shen et Ho ont eu l'idée de tracer la population de milliers de quasars en fonction de deux paramètres : sur l'axe des X, un ratio d'intensité de raies, le traceur du ratio d'Eddington (traceur de la maturité du disque d'accrétion et qui dépend aussi de la masse du trou noir), et sur l'axe des Y, l'élargissement Doppler, traceur à la fois de la masse du trou noir et de l'orientation de son axe de rotation.

Ce graphique en 2 dimensions est très riche d'enseignements : il montre pour la première fois qu'il existe un lien entre le ratio d'Eddington et l'environnement à grande échelle des quasars; les trous noirs les plus massifs  (i.e ceux qui ont un taux d'accrétion faible et un ratio d'Eddington petit) existent davantage dans des environnements à grande échelle où les quasars et leur galaxie hôte sont le plus fortement imbriqués.

Par cette nouvelle classification des quasars, Shen et Ho montrent que le comportement des noyaux de galaxie, qui ont une échelle relativement petite, semble lié à ce qui se passe à l'échelle bien plus grande de l'amas de galaxies, ce qui laisse penser à l'existence de relations d'évolution entre ces deux entités, trous noirs supermassifs et amas de galaxies...

Référence :
The diversity of quasars unified by accretion and orientation
Shen, Y. & Ho, L. C.
Nature 513, 210–213 (2014)

26/06/14

Découverte d’un Système Binaire de Trous Noirs Supermassifs au sein d’un Trio

La plupart sinon toutes les galaxies géantes abritent un trou noir supermassif dans leur centre, qui peut avoir une masse de quelques millions à quelques milliards de masses solaires. Et quand de grandes quantités de matière tombent sur le trou noir, des jets puissants de matière et de rayonnement peuvent se former, conduisant à ce qu’on appelle un quasar lorsque le jet se trouve dans la direction d’observation.


Vue d'artiste du système triple de trous noirs supermassifs (Deane et al.)
SDSS J1502+1115 est un quasar de ce type, il est situé à une distance de 4,3 milliards d’années-lumière, dans la constellation du Bouvier.  Cette galaxie active observée depuis de longues années s’était révélée posséder non pas un mais deux trous noirs supermassifs, étant le résultat de la fusion de deux galaxies plus petites. Les deux trous noirs supermassifs avaient été mesurés être distants de 24000 années-lumière.
C’est en voulant confirmer leur existence que l’astronome sud-africain Roger Deane a fait une découverte étonnante : l’un des deux trous noirs supermassifs est en fait un couple de trous noirs supermassifs ! Nous sommes donc en présence d’un trio de trous noirs supermassifs dont deux se trouvent très rapprochés l’un de l’autre.

Il existait jusqu’à présent à notre connaissance seulement 4 systèmes triples de trous noirs, dont la paire la plus rapproché était séparée de 7800 années-lumière, ce qui est bien plus loin que la sphère d’influence gravitationnelle (qui est d’environ 350 années-lumière pour un trou noir de 1 milliard de masses solaires).  Ici dans SDSS J1502+1115, les deux trous noirs supermassifs du trio ne sont séparés que par 450 années-lumière. Ils sont si rapprochés que leur rotation l’un autour de l’autre produit une distorsion hélicoïdale  de symétrie de révolution sur la structure à grande échelle des jets observés en ondes radio. En 2006, un système binaire de trous noirs supermassifs (mais juste binaire celui-là) avait été observé dans la radio-galaxie 0402+379 avec une séparation record de 24 années-lumière.
Cette nouvelle paire serrée de trous noirs supermassifs, dénommés J1502SE et J1502SW (le troisième s’appelant J1502P), a été trouvée par les auteurs après avoir seulement scruté 6 galaxies, ce qui leur fait dire que la probabilité de trouver de tels spécimens est bien plus grande que ce que l’on pensait auparavant. Ils ont utilisé pour cela deux fréquences radio (1,7 GHz et 5 GHz) avec le réseau européen du VLBI (Very Long Baseline Interferometry).
Le système binaire de trous noirs J1502S (Nature.com)

Le plus intéressant, outre de mieux comprendre comment se forment les trous noirs supermassifs gigantesques par fusions successives de plusieurs trous noirs supermassifs plus petits, est que de tels systèmes gravitationnels sont susceptibles de produire des ondes gravitationnelles lors de leur rapprochement et de leur fusion inéluctable. Pour le moment, aucun système binaire de trous noirs supermassifs n’est assez resserré pour pouvoir émettre des ondes gravitationnelles détectables et aucune onde gravitationnelle n’a jamais été détectée directement.  Mais  si Deane et ses collègues n’ont pas eu une extraordinaire chance de trouver ce nouveau  système binaire resserré, cela signifie que de tels systèmes de trous noirs liés sont nombreux et par conséquent aussi les candidats à l’émission d’ondes gravitationnelles détectables.

C’est vrai, dans quelques milliards d’années, nous auront un beau système binaire de trous noirs supermassifs au seuil de notre porte, quand notre galaxie fusionnera avec la galaxie d’Andromède, et quand leurs deux trous noirs supermassifs se rapprocheront inéluctablement… mais comme nous n’avons pas le temps d’attendre, la recherche d’autres systèmes serrés de trous noirs supermassifs, qu’ils soient duos, trios ou plus (qui sait ?) est d’ores et déjà lancée.


Référence :
A close-pair binary in a distant triple supermassive black hole system
R. Deane et al.
Nature online (25 June 2014)