mercredi 18 novembre 2015

Deux satellites en perdition utilisés pour tester la Relativité Générale

L’année dernière, deux satellites dédiés au système de GPS européen Galileo ont subi une erreur de la fusée Soyouz qui les a positionnés sur une mauvaise orbite. Mais aujourd’hui, plutôt que de les considérer perdus à jamais, des chercheurs vont les utiliser pour faire de la science de précision.


Ces deux satellites comme tous ceux de la flottille du programme Galileo contiennent une horloge atomique qui mesure le temps avec une très grande précision. Comme ils ont désormais une orbite elliptique au lieu d’être circulaire, ils ne peuvent pas être utilisés en l’état pour faire du positionnement global de précision. Mais leur horloge atomique fonctionne toujours et la communication avec la Terre aussi. Les chercheurs peuvent donc par exemple mesurer les données temporelles des horloges embarquées sur ces satellites.

Satellite du système Galileo (ESA)
C’est une belle aubaine pour les physiciens qui n’en demandaient pas tant pour pouvoir faire le test le plus précis à ce jour d’un effet de la théorie de la relativité générale d’Einstein : la dilatation du temps par l’action d’un champ gravitationnel. Les chercheurs  du Zentrum für angewandte Raumfahrttechnologie und Mikrogravitation (ZARM, Centre de technologies spatiales appliquées et de microgravité) de Brême en Allemagne et du département SYRTE (Sytèmes de Référence Temps Espace) de l’Observatoire de Paris ont proposé de mesurer comment varient les pulsations de ces deux horloges atomiques durant les orbites des satellites. D’après la relativité générale Einsteinienne, les « battements » des horloges doivent ralentir lorsque le champ gravitationnel est plus intense, c’est-à-dire quand le satellite se rapproche de la Terre, et inversement doivent accélérer lorsqu’il s’en éloigne. Les orbites elliptiques des deux satellites qui étaient considérés en perdition sont telles qu’une distance d’environ 8500 km sépare leur point le plus proche et celui le plus éloigné de la Terre, une distance suffisante pour produire une mesure très précise.

Pour effectuer cette mesure, il faut également connaître avec précision l’altitude de l’orbite du satellite étudié, à tout moment (ou au moins au moment de la récupération des données de l’horloge). Pour ce faire, les physiciens prévoient de mesurer cette altitude directement en pointant un faisceau laser depuis le sol pour détecter la lumière réfléchie sur les satellites.

Ce type d’expérience de mesure de temps en orbite n’est pas une première. Il y a près de 40 ans déjà, en 1976, la NASA avait lancé une horloge atomique à bord de la sonde Gravity Probe A jusqu’à 10 000 km en orbite pour comparer son « battement » à celui d’une horloge identique restée sur Terre. Mais le vol n’avait duré que deux jours. Les mesures sur les satellites Galileo devraient quant à elles durer un an et permettre d’améliorer sensiblement les résultats de 1976 avec une précision améliorée par un facteur 4, soit de l’ordre de 0,004%.

L’effet de dilatation temporelle du champ gravitationnel (ou de la courbure de l’espace-temps si l’on préfère) sera investigué avec encore plus de précision à partir de 2017, avec cette fois-ci un instrument dédié entièrement à cette mesure : ACES (Atomic Clock Ensemble in Space). Cette horloge atomique de haute précision conçue par l’Agence Spatiale Européenne sera installée dans la station spatiale internationale et devrait fournir une précision 20 fois meilleure que celle prévue avec les satellites Galileo.

Le temps sera alors venu d’essayer de remettre les satellites errants sur une orbite plus circulaire pour qu’ils puissent participer tant bien que mal au réseau de GPS Galileo.


Source :

Wayward satellites repurposed to test general relativity
Elizabeth Gibney
Nature News (12 November 2015)

3 commentaires :

Unknown a dit…

ce que je me demande, c'est pourquoi on se fatigue encore à tester la Relativité Générale.
On a fait largement assez de tests montrant qu'elle est indestructible, non ?

Dr Eric Simon a dit…

En fait, le terme "test" est peut-être mal choisi. Il s'agit plutôt de ce qu'on appelle une mesure de précision. Bien sûr, la RG ne sera pas remise en cause mais on la connaîtra encore mieux... Cela dit, l'effet gravitationnel sur l'écoulement du temps n'a quand-même pas été souvent mesuré.

blackhole a dit…

@Philippe Guglielmetti
"indestructible", je ne crois pas qu'en science on puisse affirmer qu'une théorie est indestructible.
Toutes les théories cosmologiques sont basées sur la RG, il paraît donc naturel (normal) de tester (et re tester) sa validité, la moindre faille pourrait avoir des conséquences importantes.