06/03/16

Et si LIGO avait détecté des vestiges de trous noirs primordiaux ?

Je ne résiste pas à vous faire part d'une étude qui vient d'être mise en ligne sur Arxiv et qui propose une explication ébouriffante pour les trous noirs d'environ 30 masse solaires détectés par LIGO : ils pourraient être des vestiges de trous noirs primordiaux et une telle population de trous noirs pourrait expliquer une grande partie de la matière noire...


Il ne s'agit pas de l'étude d'un théoricien seul dans son coin mais de celle d'une équipe constituée notamment du prix Nobel Adam Riess et du fameux Marc Kamionkowski, tous du Department of Physics and Astronomy de l'Université Johns Hopkins à Baltimore.
Illustration de la fusion de trous noirs (LIGO)

Il se trouve que selon les modèles théoriques concernant les trous noirs primordiaux, des trous noirs qui se seraient formés dans les tous premiers instants de l'Univers et notamment dans la phase d'inflation, une plage de masse est toujours compatible pour expliquer la masse manquante (ou matière noire). Cette plage de masse se situe entre 10 et 100 masses solaires. C'est à partir de cette hypothèse que les astrophysiciens de l'Université Johns Hopkins ont fait leurs calculs. Ils montrent que les vestiges des trous noirs primordiaux auraient non seulement pour masse la plus probable 30 masses solaires (qui se trouve être la masse des trous noirs trouvée par LIGO, ce qui a dû mettre la puce à l'oreille de ces spécialistes), mais qu'ils se distribueraient différemment des trous noirs stellaires, ceux issus de la mort d'étoiles massives. Les vestiges de trous noirs primordiaux se répartiraient sous le forme de halos, sous forme de "grappes" de trous noirs. Au sein d'un tel halo, très semblable dans sa forme au halo de matière noire entourant une galaxie tel qu'il est généralement imaginé aujourd'hui, des trous noirs voisins pourraient s'"attraper" avec une probabilité assez faible, devenir liés gravitationnellement en perdant de l'énergie gravitationnelle par l'émission d'ondes gravitationnelles, puis petit à petit ils spiraleraient l'un vers l'autre pour finir par fusionner. C'est un tel événement qu'aurait pu détecter LIGO selon Simeon Bird et ses collègues.

La probabilité d’occurrence de tels événements est assez imprécise du fait de notre connaissance imparfaite de la structure des halos galactiques aux petites échelles. Mais les estimations raisonnables qui ont été effectuées par les astrophysiciens de Baltimore donnent une valeur qui se trouve dans la plage déterminée par LIGO à partir de l'événement GW 150914, c'est à dire entre 2 et 53 événements par an dans un volume de 1 Gpc3 (1 Gpc = 3.26 milliards d'années lumière).

Les événements de fusion de vestiges de trous noirs primordiaux peuvent théoriquement être distingués des fusions de trous noirs stellaires, grâce à leur masse prédominante (aux alentours de 30 masses solaires) d'une part (alors que les trous noirs stellaires peuvent avoir un peu n'importe quelle masse), et d'autre part par leur caractéristique orbitale (une orbite plus elliptique que pour un couple binaire "classique", générant alors des harmoniques à plus haute fréquence dans les ondes reçues. Enfin, les nombreux événements de ce genre qui peupleraient les halos des galaxies devraient produire un bruit de fond d'ondes gravitationnelles particulier. Ces caractéristiques particulières dans le signal des ondes ne sont pas encore accessibles aux instruments de détection d'ondes gravitationnelles actuels mais le seront dans les futurs détecteurs. Mais la détermination des masses des trous noirs, elle, est bien accessible dès aujourd'hui et pourrait donner de bons indices.

Le taux d'occurence de ces événements, évalué par Bird et ses collègues, indique que LIGO, VIRGO et leurs homologues pourraient détecter plusieurs milliers de fusion de trous noirs primordiaux, et autant de masse invisible (noire) durant leur durée d'exploitation de quelques années... en attendant les futurs observatoires gravitationnels que seront le Einstein Telescope, DECIGO et BBO. Si la prochaine fusion de trous noirs observée par LIGO donne à nouveau une trentaine de masses solaires pour chaque composante, cette hypothèse sera d'autant plus renforcée, et terriblement excitante, comme disent les américains...


Source : 

Did LIGO detect Dark Matter ?
S. Bird et al.

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