mercredi 6 juillet 2016

Les satellites de Mars : résultat d'un impact géant sur la planète rouge


Deux études indépendantes viennent de montrer que l'origine des deux satellites de Mars, Phobos et Deimos, est très probablement une collision majeure entre Mars et une plus petite planète.



La première de ces deux études à paraître dans The Astrophysical Journal, qui est le fruit d'une collaboration à laquelle participent des astronomes français du Laboratoire d'Astrophysique de Marseille (Aix Marseille Université/CNRS), conclut que Phobos et Deimos ne peuvent pas être des astéroïdes capturés par Mars. Bien que leur forme ressemble à s'y méprendre à des astéroïdes, les orbites de Phobos et Deimos est quasi parfaitement circulaire et dans un même plan, le plan équatorial de Mars. Ils excluent la capture d'astéroïde sur des bases statistiques et à partir de la composition des deux satellites : le matériau de base est légèrement différent de celui qui aurait formé Mars. Phobos et Deimos sont formés de poussière faite de grains très fins, de l'ordre du micron ou inférieur. C'est cette finesse de grain qui fait dire aux astronomes que ce matériau ne peut pas résulter simplement d'une érosion produite par le rayonnement cosmique, mais est bel est bien la nature originelle du matériau constituant les deux satellites.
Et de tels grains de poussière aussi fins n'ont pu se former que par condensation de gaz, par exemple dans la zone externe d'un disque de débris. Un tel matériau est par ailleurs cohérent avec l'existence d'une forte porosité de Phobos et Deimos, qui se traduit par la densité très faible qui est observée.


La seconde étude, publiée dans la revue Nature Geoscience, produite par une collaboration franco-belgo-japonaise, a également étudié de près Phobos et Deimos et montre par des simulations que les deux satellites ont pu se former par l'agrégation de très nombreux débris autour de Mars, résidus d'une gigantesque collision avec une planète trois fois plus petite que Mars. On savait déjà depuis quelques années que la composition chimique de Phobos était presque exactement la même que celle de la surface de Mars, laissant penser qu'il aurait pu s'être formé au même moment que la planète rouge. Mais sa densité, en revanche, est très inférieure à celle de la croûte martienne, ce qui posait des questions. L'équipe propose pour la première fois un scénario très cohérent pour la formation de Phobos et Deimos. L'impact se serait produit entre 100 et 800 millions d'années après la formation de Mars. Il aurait produit un vaste disque de poussières autour de Mars, découpé en deux zones : une zone interne plus dense, restant en fusion et une zone externe gazeuse. Un corps massif se serait formé à partir des débris les plus proches de Mars, de l'ordre de 1000 fois plus massif que Phobos. Ses perturbations gravitationnelles auraient permis la recomposition de plusieurs autres petits corps plus externes, formant une dizaine de petites lunes. Après quelques millions d'années, le gros satellite et de nombreux petits seraient finalement tombés sur Mars, perturbés par les effets de marée de la planète rouge, laissant derrière eux seulement deux petits corps.
La simulation qu'ont effectuée les astronomes français, belges et japonais ne reproduit pas la totalité du scénario en un seul calcul, mais les différentes étapes : l'impact, la dynamique des débris, leur assemblage, et enfin leur évolution autour de Mars.


Ces deux études indépendantes concluent ainsi toutes les deux au scénario de l'impact. On peut alors commencer à chercher des traces de cet impact massif à la surface de Mars. Or il se trouve que l'hémisphère nord de Mars est légèrement plus bas en altitude que son hémisphère sud, ce qui accrédite l'idée qu'un impact géant aurait pu se produire de ce côté-là de la planète.

Il ne faudra pas attendre très longtemps pour en savoir beaucoup plus sur Phobos et Deimos, car l'agence spatiale japonaise, la JAXA, doit lancer la mission MMX (Mars Moons Exploration) en 2022, qui devra rapporter des échantillons de Phobos sur Terre 5 ans plus tard, et l'ESA, associée à l'agence spatiale russe, devrait également envoyer une sonde du même type vers 2025... L'histoire de Mars et de ses satellites n'aura alors plus aucun secrets pour nous.



Sources :

Accretion of Phobos and Deimos in an extended debris disc stirred by transient moons
Pascal Rosenblatt et al.
Nature Geoscience (4 juillet 2016)

Reconciling the orbital and physical properties of the martian moons
Thomas Ronnet et al.
The Astrophysical Journal, sous presse.


Illustrations

1) Vue d'artiste de la collision sur Mars ayant donné naissance à ses satellites (Université Paris Diderot / Labex UnivEarthS)

2) Vidéo illustrant le processus d'impact, suivi de l'accrétion des débris et la ségrégation des satellites (Labex UnivEarthS)

3) Les satellites de Mars Phobos et Deimos, imagés par la sonde américaine Mars Reconnaissance Orbiter, échelle différente sur les deux images(NASA/JPL)

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