jeudi 20 avril 2017

Un vaste halo d’hydrogène diffus englobe notre galaxie


Notre galaxie est bien englobée dans un très vaste halo d’hydrogène diffus, c’est ce que viennent de montrer des astronomes américain et chinois en observant l’atténuation de la lumière provenant de plus de 700 000 galaxies. La masse de ce gaz correspond à la fraction jusqu’alors non visible de la matière ordinaire formant la Voie Lactée.





Huanian Zhang et Dennis Zaritsky (Université de l’Arizona) ont exploité très exactement 732 225 galaxies du catalogue de données spectrales obtenues par le télescope de 2,5 m du Sloan Digital Sky Survey. L’idée était d’observer l’atténuation apparaissant à la longueur d’onde caractéristique de la raie de l’hydrogène neutre H𝛂 (à 656,3 nm). Les astronomes connaissent depuis de nombreuses années l’existence de halos de gaz entourant les galaxies, mais un tel halo d’hydrogène neutre et froid n’avait encore jamais pu être mis en évidence directement dans notre propre galaxie. Il faut se souvenir que la grosse majorité de la masse des galaxies est attribuée à la matière sombre, seulement « visible » par ses interactions gravitationnelles. Le reste de la matière, ordinaire (ou baryonique), est constituée des étoiles et du gaz. Mais parmi cette fraction de la masse, nous n’en connaissions environ que la moitié. Une grande partie du gaz nous échappait encore. Les observations de Zhang et Zaritsky, qui sont publiées dans Nature Astronomy, viennent lever un voile sur cette matière élusive.
Les chercheurs montrent que l’hydrogène diffus est partout, dans toutes les directions. L’atténuation moyenne observée sur la lumière des centaines de milliers de galaxies à la longueur d’onde de 656,3 nm est de l’ordre de 0,779 ± 0.006%, très faible, mais très significative. Huanian Zhang et Dennis Zaritsky peuvent également déterminer  que cet hydrogène est bien proche de nous et non distribué dans le milieu intergalactique. En effet, l’hydrogène existant entre galaxies est constitué à 99,9% d’hydrogène ionisé, qui ne montre pas la raie d’absorption H𝛂. Tant que les atomes d’hydrogène neutre ne sont pas excités par une source d’énergie quelconque, ils sont très difficiles à détecter. Des simulations numériques prédisent depuis plusieurs années que de grandes quantités d’hydrogène doivent former des halos entourant les disques galactiques. Les observations viennent donc confirmer ces calculs. Les astronomes indiquent que le gaz détecté n’a pas de mouvement particulier, il n’est ni en cours d’éjection de la galaxie ni en cours de chute vers le centre.

L’une des plus grandes difficultés a été de prouver que l’hydrogène détecté était bien situé à l’extérieur du disque galactique et non juste autour du soleil au sein du disque galactique. Pour voir cette différence, les astronomes ont cherché la présence de petites différences de décalage spectral sur la raie étudiée. Si l’hydrogène était situé tout autour du Soleil dans le disque, le mouvement orbital du système solaire autour de Sgr A* montrerait une différence de vitesse particulière avec le gaz environnant lui aussi en rotation, une différence qui serait visible dans les raies spectrales d’absorption vues dans différentes directions. A contrario, si le gaz est plus éloigné, entourant le disque galactique, sous une forme quasi-stationnaire, le décalage spectral ne serait dû qu’au seul mouvement du système solaire. Et c’est cela qu’observent Zaritsky et Zhang : dans une direction, le gaz semble se rapprocher, et dans la direction opposée, il paraît s’éloigner. Il est donc bien majoritairement dans le halo et non dans le disque.
Il reste maintenant aux chercheurs à poursuivre leur étude pour toujours mieux contraindre la distribution et les vitesses du gaz au sein du halo et pourquoi pas mieux connaître sa densité et sa température par l’observation d’autres raies d’absorption. Les mesures spectroscopiques de centaines de milliers de galaxies lointaines s’avèrent pour cela un outil très performant.

Référence

The Galaxy’s veil of excited hydrogen
Huanian Zhang & Dennis Zaritsky
Nature Astronomy 1, 0103 (2017)
http://dx.doi.org/10.1038/s41550-017-0103

Illustration
Vue d'artiste du halo de gaz chaud englobant la Voie Lactée et ses galaxies naines satellites (NASA/CXC/M.Weiss/Ohio State/A Gupta et al.)

2 commentaires :

Nicophil a dit…

1) Ce halo est de la matière non lumineuse, donc de la matière sombre : de la matière sombre baryonique, certes, mais il n'y a pas que la matière sombre non baryonique dans la vie.

2) La masse de ce halo et la masse totale de la Voie lactée restent très mal connues, cf. https://www.blogger.com/comment.g?blogID=3730656447404670771&postID=8416221535332271387

LUXORION a dit…

Le gaz interstellaire comme intergalactique se compose essentiellement d'hydrogène non pas ionisé (bug) mais neutre, HI, c'est-à-dire qu'il n'émet pas dans la raie de l'hydrogène alpha, cette dernière étant typique d'un milieu ionisé (HII). Comme vous l'expliquez, les chercheurs peuvent donc en déduire que ce gaz froid et diffus se situe à courte distance, dans le halo Galactique.