13/04/17

Un pont de matière sombre relie les paires de galaxies


Dans le modèle standard décrivant la formation des grandes structures cosmiques, un réseau de filaments de matière noire doit connecter entre eux les halos de matière noire entourant les galaxies. Une étude statistique effectuée sur 23000 galaxies regroupées en paires vient de montrer, grâce à l'effet de "lentille gravitationnelle faible", l'existence de tels ponts de matière noire entre galaxies.




Les galaxies étudiées sont des galaxies lumineuses rouges répertoriées dans les relevés du Sloan Digital Sky Survey (SDSS III) et du Baryon Oscillation Spectroscopic Survey (BOSS). Seth Epps et Mike Hudson (Université de Waterloo, Canada) ont mesuré l'effet de lentille gravitationnelle faible entourant des paires de galaxies espacées de quelques dizaines de millions d'années-lumière avec le télescope Canada-France-Hawaï (CFHT). Mais au lieu de regarder paire de galaxie par paire de galaxie, ils ont moyenné leurs observations de manière à obtenir une vue globale moyenne sur plusieurs milliers de galaxies. Les astronomes parviennent ainsi à produire une cartographie de la répartition type de la masse autour des paires de galaxies et voient apparaître avec une très grande signifiance statistique (5 sigmas) ce qui ressemble à un pont de matière invisible reliant les galaxies au sein d'une paire.
L'évaluation de la masse moyenne de ce pont de matière noire donne 1,6 1013 M (16000 milliards de masses solaires) pour une longueur de l'ordre de 10 Mpc (32 millions d'années-lumière) et une largeur de 3 Mpc (10 millions d'années-lumière). La masse moyenne de ce pont de matière noire est ainsi du même ordre de grandeur que la masse de chaque halo sombre des galaxies étudiées (1013 M). 
La formation de structures filamenteuses qui connectent entre elles des régions denses comme les galaxies est une prédiction de simulations numériques, qui sont devenues seulement récemment observables.
L'observation rapportée ici dans Monthly Notices of The Royal Astronomical Society est en accord raisonnable avec les prédictions du modèle. Ces résultats vont servir de base pour de futures études sur les filaments de matière sombre. Seth Epps et Mike Hudson ont en effet développé une méthode "simple" de moyennage d'un grand nombre d'observations, qui peut être appliquée à de nombreuses données de lentilles gravitationnelles, pourvu que l'on dispose par ailleurs des données des redshifts des groupes de galaxies étudiées (par spectroscopie). Les futurs grands relevés obtenus avec des télescopes terrestres ou par les missions Euclid ou WFIRST permettront de traquer plusieurs milliards de galaxies. Avec des techniques statistiques toujours plus raffinées, il deviendra possible à partir de ces données d'étudier plus en détails ces filaments invisibles, ainsi que leur caractéristique en fonction d'autres paramètres comme la masse des halos, leur séparation ou leur distance...

Référence

The weak-lensing masses of filaments between luminous red galaxies 
Seth D. Epps  Michael J. Hudson
Mon Not R Astron Soc (2017) 468 (3): 2605-2613.


Illustration 

Cartographie de la masse autour d'une paire de galaxies (les galaxies elles-mêmes sont en blanc), la masse invisible en rouge)  (S. Epps & M. Hudson / University of Waterloo)

3 commentaires :

Unknown a dit…

Bonjour, je ne dirais pas "effet de microlentille gravitationnelle" (en général réservé au lentillage par une petite source ponctuelle, p.ex. exoplanète ou MACHO), mais plutôt "effet de cisaillement gravitationnel". Cordialement, Yannick Copin.

Pascal a dit…

Vous avez raison, le terme de weak-lensing doit être traduit par "effet de lentille gravitationnelle faible" dont fait partie le cisaillement, par opposition aux classiques effets de lentille gravitationnelle forte, et ne doit pas être confondu avec celui de microlentille gravitationnelle réservé à des objets denses de faible masse.

Cordialement

Dr Eric Simon a dit…

Au temps pour moi! Merci pour vos remarques, "weak" n'est pas la même chose que "micro", j'en conviens. J'ai corrigé le texte.