26/04/17

XB091D, le pulsar le plus lent observé au sein d'un amas globulaire


Une équipe de chercheurs russes, français et italiens vient de publier une étude caractérisant le pulsar le plus lent trouvé dans un amas globulaire. Ce pulsar est situé dans la galaxie d'Andromède et semble être tout juste en train de réaccélérer sa rotation...




Il est nommé XB091D et a été détecté et suivi en rayons X par le télescope spatial européen XMM-Newton. Il s'agit donc d'un pulsar X binaire : un pulsar qui est accompagné d'une étoile "normale" et qui en profite pour lui arracher de la matière, ce qui produit cette luminosité en rayons X, mais aussi accélère la rotation propre de l'étoile à neutrons. Rappelons que les pulsars naissent de supernovas de type II (supernovas par effondrement de cœur) et ont au départ une forte vitesse de rotation (plusieurs centaines de tours par seconde). Mais ils ralentissent ensuite rapidement du fait de leur émission électromagnétique qui évacue une bonne partie de leur énergie de rotation, pour finalement atteindre une période de rotation entre 1 s et 10 s. Les pulsars émettent notamment un faisceau d'ondes radio focalisé, dont l'axe d'émission ne coïncide pas avec leur axe de rotation, ce qui permet de les trouver en observant des pulsations caractéristiques d'ondes radio. La pulsation observée correspond directement à la vitesse de rotation de l'étoile à neutrons. 
Il arrive également que des rayons X pulsés soient observés, ce qui signe non seulement la nature du pulsar, mais aussi le fait qu'un disque d'accrétion de gaz l'entoure. A proximité de l'étoile à neutrons, le disque de gaz se trouve déchiré par le champ magnétique énorme de l'étoile à neutrons et spirale vers sa surface, formant un point chaud à plusieurs millions de degrés, qui rayonne en rayons X. Dans ce processus, la chute du gaz sur la surface de l'étoile à neutrons lui fournit de l'impulsion et de l'énergie de rotation, qui l'accélère.

C'est ce qui se passe avec XB091D. Mais la période de rotation qui est mesurée est exceptionnellement longue pour un pulsar de ce type : 1,2 s. Il fait moins d'un tour sur lui-même en 1 seconde. Le précédent record de lenteur pour un pulsar situé dans un amas globulaire était 10 fois plus rapide.
Les astrophysiciens en arrivent à la conclusion que l'étoile à neutron a dû "capturer" son étoile compagne il y a moins de 1 million d'années, et l'accrétion de matière qu'elle en tire la fait lentement réaccélérer. Les astrophysiciens estiment que la vitesse de rotation pourra être multipliée par 1000 en quelques centaines de milliers d'années, XB091D redevenant le pulsar milliseconde qu'il a dû être à sa naissance. XB091D serait donc observé au tout début de sa phase de "rajeunissement".
Il aura fallu 38 observations réparties sur 12 ans avec XMM-Newton pour Ivan Zolotukhin et ses collaborateurs  pour arriver à accumuler suffisamment de photons X pour analyser la nature de ce pulsar qui était seulement le 2ème pulsar observé en dehors de notre galaxie ou de ses galaxies satellites. Depuis, deux nouveaux spécimens ont été trouvés. Pour donner une idée du flux de rayons X détectés par XMM-Newton, celui-ci était de l'ordre de 12 photons par minute seulement, une aiguille dans une botte de foin, comme souvent en astronomie...
L'amas globulaire B091D qui abrite cette source de rayons X pulsés est l'un des plus vieux amas globulaires de la galaxie d'Andromède, avec des étoiles montrant un âge vénérable de 12 milliards d'années pour les plus âgées. Qui plus est, cet amas est très dense. Avec un diamètre de 90 années-lumière, il contient plus d'un million d'étoiles. L'étoile compagne de XB091D est quant à elle une étoile évoluée de 0,8 masse solaire; la période de rotation du couple est de 30,5 heures.
Notre galaxie contient 150 amas globulaires, et pas un seul pulsar X lent comme XB091D n'y est observé. Les astrophysiciens pensent que c'est la différence de densité en étoiles qui joue un rôle important. La densité en étoiles au centre de B091D (10 millions de fois plus forte que dans le voisinage du Soleil!) est beaucoup plus élevée que dans des amas globulaires classiques. Cette caractéristique exceptionnelle fait dire aux spécialistes que B091D serait en fait le résidu d'une ancienne galaxie naine qui se serait fait dévorée par la galaxie d'Andromède. Mais c'est aussi cette très forte densité qui aurait permis à notre étoile à neutron, via une probabilité de rencontres très élevée, de capturer une étoile voisine il y a environ 1 million d'années et de lui arracher ensuite lentement son gaz.
La patiente caractérisation du pulsar XB091D met ainsi en lumière une pièce manquante dans le modèle théorique du recyclage des pulsars.

Référence

The Slowest Spinning X-Ray Pulsar in an Extragalactic Globular Cluster
Ivan Zolotukhin et al.
The Astrophysical Journal, Volume 839, Number 2 (25 april 2017)

Illustration

1) Vue d'artiste de XB091D et sa localisation (A. Zolotov)
2) Le télescope spatial XMM-Newton (ESA)

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