samedi 20 avril 2019

Une étoile minuscule trahie par sa super-éruption


Une éruption d'étoile 10 fois plus forte que ce qu'à pu produire notre Soleil au maximum (à notre connaissance), ce n'est pas très extraordinaire, mais quand cette éruption a lieu sur une étoile extrêmement petite et très froide, ça le devient. Cette étoile qui se situe à la limite entre naine brune et étoile est appelée ULAS J224940.13−011236.9, elle a été détectée uniquement grâce à cette éruption hors norme.




C'est avec le Next Generation Transit Survey (NGTS), un ensemble de 12 télescopes de taille relativement modeste dédiés à la détection d'exoplanètes, que cette éruption d'étoile naine a été détectée. Les astrophysiciens réunis autour de James Jackman (University of Warwick) cherchaient spécifiquement des étoiles naines éruptives quand ils sont tombé sur cette énorme éruption de lumière blanche. Mais l'analyse de cette lumière montre que l'objet qui en est l'origine est à peine une étoile! Sa température est inférieure à 2000 K et sa taille est à peine plus grande que celle de Jupiter... C'est le spécimen le plus froid et le plus petit jamais vu produire une telle éruption.
Jackman et ses collaborateurs ont publié il y a quelques jours leur découverte dans les Monthly Notices of the Royal Astronomical Society: Letters. Ils y précisent que ces éruptions stellaires sont censées être produites par une soudaine libération d'énergie magnétique, ce qui permet à des particules chargées (électrons et protons) de chauffer le plasma sur la surface stellaire, ce qui produit alors de grandes quantités de rayonnements visible, UV et X.


C'est une surprise pour les astrophysiciens de voir une étoile aussi petite produire une telle éruption. Normalement, l'activité des étoiles de faible masse décroit quand leur masse décroit. La chromosphère de l'étoile, notamment, doit être de plus en plus froide et faible, or c'est là que prennent naissance les éruptions. La présence de l'éruption observée indique qu'une forte activité magnétique peut persister même à ce niveau très faible de masse. Il faut bien comprendre que ULAS J224940 est à peine une étoile. La naine de type L, qui est située à 250 années-lumière aurait presque pu être classée parmi les naines brunes, les étoiles ratées, ces corps dont la température interne n'a pas été suffisante pour déclencher le processus de fusion de l'hydrogène et la génération d'énergie thermonucléaire propre aux étoiles. Avant son éruption du 13 août 2017, elle n'avait d'ailleurs pas été détectée. Depuis, elle a été caractérisée durant plus de quatre mois non seulement par le NGTS de l'Observatoire Paranal au Chili, mais aussi par les télescopes du 2MASS (Two Micron All Sky Survey) et de WISE (Wide-field Infrared Survey Explorer). La superéruption de ULAS J224940 a multiplié sa luminosité normale par un facteur 10 000 ...
Ce n'est pas l'éruption la plus intense d'une naine de type L, elle n'est qu'en seconde position derrière ASASSN-16ae trouvée en 2016, mais c'est en revanche la plus froide (1930 K) et la plus petite dans son genre (son rayon vaut 0,1 fois le rayon solaire).

La superéruption de ULAS J224940 l'aura rendue visible durant seulement 9,5 minutes. Des courtes minutes qui auront permis aux astronomes d'enregistrer suffisamment de données pour parfaire leurs connaissances sur les étoiles de très petite taille, dont le nombre est considérable à l'échelle de la galaxie, mais qui restent très discrètes la plupart du temps... Cette découverte va notamment inciter les spécialistes à revisiter un peu leurs modèles décrivant le stockage d'énergie magnétique par les étoiles naines, et l'équipe de Jackman, elle, s'est déjà lancée à la recherche d'autres spécimens du même genre.


Source

Detection of a giant white-light flare on an L2.5 dwarf with the Next Generation Transit Survey
James Jackman et al.
Monthly Notices of the Royal Astronomical Society: Letters Volume 485, Issue 1, (May 2019)


Illustration

1) Vue d'artiste d'une naine de type L en éruption (Warwick University/Mark Garlick)

2) Le réseau NGTS à l'Observatoire de Paranal au Chili (ESO, R.West)

5 commentaires :

Alexis François a dit…

Si j'ai bien compris, il s'agirait d'un objet que l'on pourrait classer entre les naines M et les naines brunes ?

Et qu'en est il de la masse de J2249 ? Elle arrive à fusionner des noyaux d'hydrogène ou est-ce seulement de la fusion sporadique du deutérium comme dans le cas d'une naine brune de plus de 13 masses joviennes ?

Pascal a dit…

Bonjour Alexis,

Les naines L, comprises entre les M et les T, ont une température de surface entre 1300 et 2400 K ; cette classe spectrale "chevauche" la frontière étoiles / naines brunes, en admettant que la ligne soit tracée par la fusion de l'hydrogène ; il ne semble pas toujours possible de déterminer par l'observation spectroscopique de quel côté l'astre se place (les 2 peuvent avoir même température de surface) ; dans l'abstract, les auteurs utilisent le terme "star"...

Alexis François a dit…

Bonjour Pascal !

Merci pour votre réponse. Je m'interesse énormément (en tant qu'amateur) aux naines brunes. Je trouve cette catégorie d'astres assez fascinante, mi-planète, mi-étoile.

Concernant j2249, as t'on des informations concernant sa masse ?

Aussi, y a t'il de la littérature que vous me conseilleriez en ce qui concerne les naines brunes ?

Dr Eric Simon a dit…

Non Alexis, les chercheurs n'ont pas mesuré ou évalué sa masse. Ils n'en parlent jamais dans leur article. Vous pouvez d'ailleurs lire cet article sur arXiv : https://arxiv.org/abs/1902.00900

Pascal a dit…

Vu le type spectral et la température, la masse ne doit pas être loin de la limite étoile/naine brune, soit 70 ou 75 Mj.