vendredi 6 mars 2020

Découverte du blazar le plus lointain: dans l'Univers âgé de moins de 1 milliard d'années

Il est nommé PSO J0309+2717, c'est le blazar le plus lointain qui ait jamais été observé. Sa lumière a parcouru 12,9 milliards d'années avant d'arriver dans nos télescopes. Il se trouve dans l'Univers âgé de 900 millions d'années, quand il était 7 fois plus petit qu'aujourd'hui. L'équipe italienne qui a fait cette découverte publie ses travaux dans Astronomy & Astrophysics.



Silvia Belladitta (INAF, Milan) et ses collaborateurs ont exploité les données du télescope spatial Swift pour étudier le spectre des rayons X en provenance de cette source qui paraissait très lointaine. Ils ont aussi observé PSO J0309+2717 en ondes radio et aussi avec le télescope optique LBT (Large Binocular Telescope) muni du spectrographe Multi-Double Object Spectrographs (MODS), ce qui leur a confirmé le redshift associé à cette source. Ils obtiennent une valeur de redshift de 6,1±0,03, ce qui indique un âge d'Univers de moins d'un milliard d'années, 900 millions exactement. 
Jusqu'à aujourd'hui, seulement 7 blazars ont été identifiés avec un redshift compris entre 5 et 5,5, le précédent recordman de distance avait un redshift de 5,47 (soit une localisation 1,1 milliard d'années après le Big Bang)...
Il faut rappeler ici que ce qu'on appelle un blazar n'est rien d'autre qu'un quasar dont le jet du trou noir supermassif est dirigé vers nous. L'émission du blazar est l'émission du jet en provenance directe d'un des pôles du trou noir supermassif qui accrète d'énormes quantités de matière. Les jets des trous noirs sont produits par des effets magnétiques induits par le disque d'accrétion qui se développe autour. Les blazars que nous pouvons voir sont uniquement les quasars pour lesquels la Terre se trouve dans l'axe du jet de matière relativiste.  
La plupart des quasars qui ont été découverts dans l'Univers jeune (environ 1 milliard d'années) sont alimentés par un trou noir supermassif très obscurci par de grosses quantités de gaz et de poussière. Celui-ci fait donc exception puisque le disque d'accrétion se trouve vu exactement de face et le trou noir est donc exposé sans obscurcissement. Les astrophysiciens peuvent étudier l'émission de rayonnement dans toutes les longueurs d'ondes et en tirer des informations précieuses. 
Belladitta et ses collaborateurs montrent que les spectres mesurés prouvent clairement la présence d'un noyau actif très brillant énergisé par un trou noir supermassif et que la source correspondante forme actuellement la source radio et la source de rayons X persistantes les plus puissantes de l'Univers âgé de moins de 1 milliard d'années. 
Etant donné la nature particulière des blazars, le fait que nous ne pouvons les voir que si nous nous trouvons dans le bon axe, l'axe du jet du trou noir, le fait d'en détecter un signifie qu'il en existe de très nombreux autres à la même époque cosmique, mais orientés différemment. Les astrophysiciens estiment qu'il devrait en exister au moins 100 du même type que PSO J0309+2717 mais que nous ne pourrons jamais voir. Ces blazars sont des trous noirs supermassifs qui sont en train de grossir très vite et représentent les graines des futurs trous noirs supermassifs plus calmes qui se retrouvent au centre des galaxies de l'Univers tardif.
Silvia Belladitta et ses collègues, sur la base de leurs observations, sont capables de donner une estimation de la masse du trou noir qui est le moteur de ce blazar : environ 1 milliard de masses solaires. Il y avait donc bien déjà de nombreux trous noir d'au moins 1 milliard de masses solaires seulement 900 millions d'années après le Big Bang. Cette information apporte bien sûr des fortes contraintes sur les modèles théoriques qui tentent de décrire l'origine des trous noirs supermassifs et des galaxies.


Source

The first blazar observed at z > 6
S. Belladitta et al.
A&A 635, L7 (6 march 2020) 


Illustration

Contour dans le domaine radio du blazar PSO J0309+2717 (S. Belladitta et al.)

3 commentaires :

moijdik a dit…

"Cette information apporte bien sûr des fortes contraintes sur les modèles théoriques qui tentent de décrire l'origine des trous noirs supermassifs et des galaxies"
on a inventé une matière noire pour former des puits gravitationnels dans lesquels la matière tombe et forme des galaxies. Va-t-on nous inventer une autre matière noire dans laquelle la matière tombe pour former des trous noirs? Il y a fort à parier que ce soit mathématiquement possible (il suffit de rajouter, à la main dans les modèles, de la matière comme on l'a fait avec la matière noire), ce serait de la matière noire de matière noire, faisant tomber au centre des galaxies la matière noire qui forme des puits gravitationnels plus profond pour la matière visible (devenant au passage non visible car dans un trou noir) au début de l'univers, accélérant d'avantage la formation des galaxies (pour l'instant la lumière des premières galaxies pose aussi problème aux modèles)
A priori, on devrait arriver à cette conclusion (un peu comme la conclusion des univers parallèles, qui a forcément mis du temps pour émerger à force de ne pas trouver d'autres solutions) si personne ne trouve d'autres manières pour arriver à décrire comment se forment les trous noirs centraux. Peut-être que personne n'avance cette hypothèse parcequ'elle sent le réchauffé (une matière noire de matière noire...) d'une idée (la matière noire) qui bat de l'aile (aucune détection directe, incohérence dans les mesures (Tully-Fisher et Cie), modèles de moins en moins satisfaisants dans le détail, structure théorique nulle depuis le vide sidéral enregistré par le LHC). Mais, faute de l'avouer publiquement (pas évident d'annoncer un résultat qui défie une nouvelle fois l'entendement, certains ont dû y perdre leur carrière), ils le font à demi-mot: personnellement, je comprends que les scientifiques sont en train de nous dire que leur raisonnement logique les amène à considérer une nouvelle matière noire

Bref, on touche clairement les défauts et manquements du modèle standard, il lui manque désespéramment de nouveaux ingrédients (la matière noire, description des effets "noires" par des particules, quid de l'énergie noire) ou hypothèses (les interactions à grandes échelles dans le temps et dans l'espace, à priori en évolution, ie il doit être possible de faire de la géométrie différentielle avec toutes les interactions) et les mesures cosmologiques sont là pour nous le rappeler.

Dr Eric Simon a dit…

Non, on n'a pas besoin d'inventer une nouvelle substance pour expliquer l'apparition des premiers trous noirs. Les puits gravitationnels classiques suffisent.

moijdik a dit…

De ce que je comprends, les puits gravitationnels formés par la matière noire suffisent effectivement pour permettre aux galaxies de matière ordinaire de se former (et même de se maintenir) mais les trous noirs centraux n'en sont pas une conséquence logique parceque d'après les modèles d'effondrement, ils se forment trop vite, d'autant que les mesures indiquent une densité trop faible de matière noire au centre des galaxies (on cherche plutôt à trouver des processus qui auraient tendance à l'en éjecter, cf conf de Combes). Un peu comme si on nous disait: "il nous faudrait une matière noire² très concentrée qui attire la matière au centre des galaxies pour produire rapidement des gros trous noirs, et qui dans le même temps repousse depuis le centre des galaxies la matière noire dans un halo attirant la matière normale pour produire rapidement ces galaxies". De toute évidence, je ne comprends pas plus la théorie du Big-bang que ceux qui veulent la défendre, mais je pense que s'il fallait des mots pour résumer la situation, ce serait ceux-là, en tout cas si l'on reste dans l'optique d'une description sous forme de matière ou d'énergie
Si l'on cherche à remanier les interactions (via leurs effets), c'est autre chose...