11/04/20

Saturne : la chaleur des aurores polaires se diffuse vers l'équateur


La température élevée des hautes couches atmosphériques de Saturne ne peut pas être expliquée par le seul échauffement solaire. Des nouvelles données obtenues par la sonde Cassini lors de ses dernières orbites autour de Saturne fournissent aujourd'hui une explication viable de la source de chaleur qui serait responsable de cette température deux fois trop élevée. Une étude parue dans Nature Astronomy.



La chaleur générée par les aurores polaires (les courants électriques associés) se diffuserait très largement depuis les pôles, beaucoup plus facilement que ce qu'on pensait. C'est ce que Zarah Brown (Université de l'Arizona) et ses collaborateurs américains et britanniques déduisent de mesures de densité de l'atmosphère de Saturne. 
Les planétologues ont réussi à cartographier à la fois la densité et la température de la haute atmosphère de Saturne et ont construit une image de la circulation de la chaleur selon la latitude sur Saturne. La méthode qu'ils ont utilisée mérite le détour. Pour mesurer la température de l'atmosphère de Saturne, les chercheurs on mesuré la densité de l'atmosphère en fonction de l'altitude. Or la relation qui existe entre altitude et densité dépend justement de la température. Et pour mesurer la densité atmosphérique avec la sonde Cassini, les planétologues ont exploité le phénomène d'occultation d'étoiles. Durant six semaines lors des 22 dernières orbites de Cassini, le spectromètre imageur UV de la sonde a été pointé sur plusieurs étoiles brillantes des constellations d'Orion et du Grand Chien et a enregistré comment leur lumière disparaissait au niveau du limbe de Saturne lorsque la planète les occultait. 23 occultations ont ainsi été enregistrées et analysées pour finalement fournir des valeurs de densité en fonction de l'altitude, pouvant être traduites en valeurs de température en fonction de la latitude au niveau de Saturne.

Zarah Brown et ses collaborateurs trouvent que la température est maximale au niveau des pôles, là où se développent les aurores, ce qui était déjà inféré. Mais ce qui est nouveau, c'est que le gradient de température entre les pôles et l'équateur est bien moins prononcé que ce disaient les modèles jusque là. En construisant une carte complète de la répartition de la température en fonction de la latitude et de l'altitude dans l'atmosphère de Saturne, les chercheurs peuvent en déduire la vitesse des vents saturniens. Le réchauffement d'une grande partie de l'atmosphère depuis les pôles indique que la circulation atmosphérique y est donc très efficace. Le système des vents semble pouvoir distribuer l'énergie thermique produite dans les aurores polaires, qu'elles soient issues du pôle nord ou du pôle sud de Saturne.
Brown et ses collègues déterminent la présence d'un flux important en direction de l'équateur, entre 70° et 30° de latitude, dans les deux hémisphères, ainsi que des ondes atmosphériques qui facilitent le transport de chaleur des hautes latitudes vers les basses latitudes. Aux faibles latitudes, les vents qui sont déduits, produits par les gradients de potentiel le long des isobars sont orientés vers l'Est, ce qui est à rapprocher des flux stratosphériques qui sont observés par ailleurs,
  
Les résultats de cette étude fournissent une preuve forte de la redistribution de l'énergie des aurores polaires vers les basses latitudes. Ils soulignent aussi l'importance des effets dynamiques dans le contrôle des températures de l'atmosphère de Saturne, des effets qui peuvent exister dans d'autres planètes gazeuses du même type.


Source

A pole-to-pole pressure–temperature map of Saturn’s thermosphere from Cassini Grand Finale data
Z. Brown et al.
Nature Astronomy (6 april 2020)


Illustration

1) Vue d'artiste de Cassini autour de Saturne dans son "Grand Final" (NASA / JPL-Caltech)

2) Cartographie de la température en fonction de l'altitude (pression) et de la latitude, comparaison avec le modèle (Z. Brown et al.)

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