La lumière intra-amas est la lumière diffuse qui existe entre les galaxies qui composent de grands amas de galaxies. Cette lumière est émise par des étoiles qui errent en dehors des galaxies. Une équipe d'astrophysiciens a observé comment évolue la fraction de cette lumière dans le temps entre des amas à différentes époques cosmiques. Ils montrent que cette fraction n'évolue pas, étrangement. Ils publient leur étude dans Nature.
La lumière intra-amas a été détectée pour la première fois dans l'amas de galaxies de Coma en 1951 par Fritz Zwicky, qui avait déclaré que l'une de ses découvertes les plus intéressantes était l'observation de cette matière intergalactique lumineuse et faible dans l'amas. L'amas de Coma, qui contient au moins 1 000 galaxies, étant l'un des amas les plus proches de la Terre (330 millions d'années-lumière), et Zwicky avait pu détecter la lumière diffuse même avec un modeste télescope de 18 pouces. La lumière intra-amas est principalement distribuée dans la région centrale des amas, dans la plupart des cas autour de la galaxie la plus brillante (BCG) jusqu'à plusieurs centaines de kilo-parsecs. Certaines études rapportent qu'une lumière diffuse significative est également présente autour des galaxies satellites intermédiaires et massives.
Aujourd'hui, plusieurs théories s'affrontent pour expliquer l'existence des étoiles vagabondes qui ne sont liées à aucune galaxie dans les amas, et qui seraient responsable de cette lumière diffuse, notamment la possibilité que ces étoiles aient été arrachées aux galaxies, ballottées après des fusions de galaxies, ou bien qu'elles aient été présentes dès le début de la formation de l'amas il y a plusieurs milliards d'années.
C'est avec le télescope spatial Hubble dans le proche infra-rouge que Hyungjin Joo et James Jee (Université de Yonsei) ont recherché cette lumière intra-amas et apportent un nouvel éclairage sur cette question. Les nouvelles observations de Hubble suggèrent que ces étoiles errent à l'intérieur des amas de galaxies depuis plusieurs milliards d'années et qu'elles ne sont pas le produit d'une activité dynamique plus récente.
L'étude a porté sur 10 amas de galaxies situés à près de 3 milliards d'années-lumière après le Big Bang (un redshift supérieur à 1). Les chercheurs coréens révèlent que la fraction de la lumière intra-amas par rapport à la lumière totale des amas reste constante, entre ces amas lointains et des amas proches, aux alentours de 20%. Joo et Jee excluent donc que les étoiles puissent avoir été dispersées en dehors de leur lieu de naissance galactique lors de déplacements de galaxies dans le gaz intra-amas, parce que dans ce cas, la fraction lumineuse intra-amas augmenterait au fil du temps jusqu'à aujourd'hui. Mais ce n'est pas le cas dans leurs nouvelles données.
Parallèlement à l'évolution de la fraction de la lumière intra-amas avec le décalage vers le rouge, les chercheurs ont également étudié si il existait une corrélation entre cette fraction et la masse du halo de l'amas. Sous l'hypothèse que les halos massifs représentent des populations plus âgées, une forte corrélation impliquerait une évolution temporelle significative. Les données obtenues par Joo et Jee, mises dans un graphe donnant la fraction de lumière intra-amas en fonction de la masse des amas (qui provient d'études de lentilles faibles) ne montrent aucune corrélation significative, ce qui renforce leur conclusion.
A l'heure actuelle, aucune théorie ne permet d'expliquer pleinement ce phénomène. Joo et Jee avancent tout de même l'idée selon laquelle, dans leurs premières années de formation, les galaxies auraient pu être si petites qu'elles auraient pu laisser filer des étoiles assez facilement en raison d'une emprise gravitationnelle trop faible. Ce qui paraît sûr c'est que comprendre l'origine des étoiles intra-amas, permettra de nous aider à comprendre l'histoire de l'assemblage des amas de galaxies, et ces étoiles errantes, si elles sont bien là depuis très longtemps, seront très utiles car elles peuvent servir de traceurs visibles de la matière noire qui enveloppe les amas de galaxies. Ce ne se serait pas le cas si elles peuplaient l'espace intra-amas depuis peu suite à des rencontres entre galaxies, où elles n'auraient pas eu le temps de se disperser dans l'ensemble du champ gravitationnel de l'amas et ne pourraient donc pas suivre la distribution de la matière noire. La cartographie de la lumière intra-amas pourrait donc donner une cartographie de la distribution du potentiel gravitationnel et donc de la matière noire, une méthode complémentaire à celle des lentilles gravitationnelles.
Les capacités et la sensibilité du télescope James Webb dans le proche infrarouge permettront d'étendre considérablement la recherche d'étoiles intra-amas plus loin dans l'univers, et devraient donc contribuer à résoudre ce petit mystère.
Source
Intracluster light is already abundant at redshift beyond unity
Hyungjin Joo & James Jee
Nature volume 613 (4 january 2023)
Illustrations
1. les 10 amas de galaxies à un redshift supérieur à 1 observés dans cette étude (Joo & Jee)
2. Evolution de la fraction de lumière intra-amas en fonction du redshift (Joo & Jee)
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