Dans une étude publiée dans Nature Astronomy, une équipe d'astrophysiciens montre que les "bulles eRosita", visibles en rayons X et qui s'étendent de part et d'autre du disque de la Voie Lactée n'ont probablement pas pour origine une activité passée du trou noir Sgr A* comme on le pensait...
Bien qu'elles présentent une similitude frappante de forme avec les "bulles de Fermi", qui sont elles visibles en rayons gamma, les bulles eRosita sont plus grandes et plus énergétiques que leurs homologues. Ces structures sont connues ensemble sous le nom de "bulles galactiques" en raison de leur taille et de leur emplacement. Ces bulles existent dans le gaz qui entoure la Galaxie, une zone appelée milieu circumgalactique et sont "remplies" de gaz plus chaud qu'à l'extérieur.
Anjali Gupta (Ohio state university) et ses collaborateurs voulaient étudier le milieu circumgalactique et voir à quel point les bulles eRosita (qui tiennent leur nom du télescope à rayons X qui les a découvertes) étaient différentes par rapport aux régions plus éloignées. Des études antérieures avaient supposé que ces bulles étaient chauffées par le choc du gaz lorsqu'il souffle vers l'extérieur de la galaxie. Mais Gupta et al. ont découvert que la température du gaz à l'intérieur des bulles n'est pas significativement différente de la zone à l'extérieur. De plus, l'étude démontre que ces bulles sont brillantes en rayons X parce qu'elles sont remplies de gaz extrêmement dense, et non parce qu'il est à des températures plus élevées que le milieu environnant. Étant donné que les températures avant et après le choc sont similaires et que le taux de compression du choc est élevé, les chercheurs excluent que les coquilles des bulles tracent des chocs adiabatiques, contrairement à ce qui était supposé dans les études précédentes.
Les chercheurs, pour arriver à ces conclusions, ont utilisé des observations du télescope à rayons X Suzaku, une mission collaborative entre la NASA et la JAXA japonaise. Ils ont analysé plus de 200 observations archivées datant de 2005 à 2014 pour caractériser l'émission diffuse des bulles galactiques, ainsi que des autres gaz chauds qui les entourent. Et, ils font encore mieux, car en plus de températures similaires entre les bulles et le milieu environnant et une densité de gaz plus élevée dans les bulles, qui explique leur brillance en rayons X, Gupta et ses collaborateurs ont fait une autre découverte cruciale dans les données de Suzaku, qui permettent de comprendre l'origine de bulles de eRosita. Ils ont pu mesurer des abondances relatives de certains éléments, grâce à la détection de raies d'émission spécifiques.
Les astrophysiciens ont mesuré les ratios Néon/Oxygène et Magnésium/Oxygène dans le volume des bulles, et surprise ! Ces rapports d'abondance sont différents des valeurs solaires. Or, pour expliquer l'existence des bulles galactiques, il existe deux scénarios : le premier est une forte activité passée du trou noir supermassif, qui aurait formé une sorte de petit quasar, produisant des vents puissants de part et d'autre du plan galactique, produisant des chocs dans le gaz circumgalactique, le réchauffant et le faisant émettre des rayons X et des rayons gamma. Le second scénario est une forte activité de production d'étoiles au centre galactique, liée à une forte présence de supernovas, qui ensemble peuvent produire des vents intenses ayant les mêmes effets à grande échelle. Mais la grosse différence qui existe entre les deux scénarios, c'est que dans le premier, le gaz qui est soufflé par l'activité du trou noir reste tel quel, il n'est pas modifié, il devrait avoir une abondance d'éléments proche de celle du Soleil. Alors que dans le scénario de la flambée d'étoiles, le gaz soufflé doit se retrouver enrichi en éléments lourds, plus lourds que l'hélium, des éléments qui sont formés dans les étoiles et expulsés lors des explosions de supernovas.
Les résultats de Gupta et ses collaborateurs suggèrent donc fortement que les bulles galactiques ont été formées par l'activité de formation d'étoiles nucléaires ou par l'injection d'énergie par des étoiles massives et d'autres types dans le centre galactique, plutôt que par une activité passée du trou noir supermassif. Sgr A* n'aurait donc pas été un petit quasar... L'idée me plaisait bien pourtant.
Pour étudier plus avant les implications que leur découverte pourrait avoir pour d'autres aspects, l'équipe de Gupta espère maintenant utiliser de nouvelles données de missions spatiales à venir pour continuer à caractériser les propriétés de ces bulles, mais aussi travailler sur de nouvelles façons d'analyser les données déjà existantes.
Source
Thermal and chemical properties of the eROSITA bubbles from Suzaku observations
Anjali Gupta et al.
Nature Astronomy (1st may 2023)
Illustration
Les bulles eROSITA (MPE/IKI)
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