dimanche 3 juin 2012

Les Mystères de l'Astronomie (3/8) : Où sont les Baryons Manquants ?


La revue Science en fait sa couverture cette semaine : les Mystères de l'Astronomie... Les rédacteurs de la célèbre revue américaine ont sélectionné, sur l'avis de nombreux spécialistes, 8 mystères astrophysiques, qui sont aujourd'hui incompris et qui devraient pouvoir être élucidés par l'observation, à moins qu'ils ne le soient jamais. Ils restent autant de questions très intrigantes... Nous allons passer en revue un à un ces grand mystères d'aujourd'hui.

3/8 : Où sont les Baryons Manquants ?

Pour décrire l'Univers, on a besoin de savoir ce qu'il contient et où se trouvent ses composantes. Mais pour l'instant, les astronomes sont encore loin d'avoir complété l'inventaire. Ce n'est pas seulement le cas pour l'énergie noire et la matière noire, qui représentent ensemble 96% de l'Univers, mais aussi une partie des 4% de matière dite baryonique : et oui, plus de la moitié de ces 4% restant manquent à l'appel! Par matière baryonique, on entend la matière ordinaire : atomes, ions, protons, neutrons, etc qui composent les étoiles, les planètes, la poussière, le gaz, ...
Illustration d'artiste du WHIM  (NASA/Chandra)
Le terme "baryonique" vient du fait que ses constituants élémentaires : protons et neutrons sont des particules appelées des baryons.
Les cosmologistes ont calculé la densité de baryons dans l'Univers primordial à partir de mesures du fond diffus cosmologique. Même si l'univers a beaucoup évolué en 13,7 milliards d'années, sa quantité de baryons devrait toujours être là. Or il n'en visiblement rien... Leur nombre chute mystérieusement, comme si ils s'évaporaient dans le temps. En analysant la lumière de quasars distants afin de quantifier le deutérieum dans des nuages baryoniques anciens, les astrophysiciens arrivent à déduire que presque tous les baryons primordiaux étaient encore là il y a 10 milliards d'années. En revanche, lorsqu'ils étudient l'Univers récent en additionnant les masses des étoiles, du gaz, et de tout ce qu'ils peuvent observer, la quantité obtenue n'est que de la moitié.
Bien que les galaxies semblent être les objets les plus massifs de l'Univers, elles ne participent que de l'ordre de 10% de sa masse "baryonique". Un autre 10% provient de gaz chaud situé entre les galaxies, un autre 30% vient de nuages de gaz froid situé également dans les interstices intergalactique.
Les astrophysiciens pensent que les 50% manquant se trouvent entre les galaxies sous forme d'un plasma chaud et diffus, qui aurait une densité un million de fois plus faible que celle du gaz trouvé entre les étoiles.
Ils appellent cette matière le WHIM (Warm-Hot Intergalactic Medium).
La température de ce milieu est si élevée (entre 100000 K et 10 millions K) qu'il est très ionisé et ne peut absorber et émettre que dans les longueurs d'ondes de l’ultra violet lointain ou des rayons X mous. A cause de ces caractéristiques, la lumière qui passe à travers ce milieu ne produirait pas de lignes spectrales dont les astronomes raffolent pour leurs études sur le gaz interstellaire. La détection du WHIM est ainsi un vrai challenge.
Parmi les pistes utilisées pour traquer ce WHIM, une est d'utiliser des raies spectrales de Oxygène VI (ionisé 6 fois). Cette méthode a notamment été utilisée pour observer les environs de 42 galaxies proches avec le spectrographe du télescope spatial Hubble. Jason Tumlinson et al., du Space Telescope Science
Simulation de la répartition du WHIM (en bleu) entre les galaxies (NCSA/University of Colorado
Institute ont ainsi pu découvrir que cet environnement cirumgalactique contenait presque autant de matière baryonique que les étoiles contenues dans les galaxies. Cela fait avancer un peu le problème, mais ce dernier reste entier.
Une variante de ce mystère est alimentée par le déficit de baryons apparaissant au sein des halos de matière noire abritant les galaxies. Là aussi, les baryons manquent. Et le déficit est plus important dans les petites galaxies que dans les grands amas de galaxies. Certains astronomes pensent que cela pourrait être du au fait qu'elles n'auraient pas assez de force gravitationnelle pour retenir  leur gaz lors d'événements violents (explosions de supernovae, ...) en expulsant dans l'espace intergalactique.

La prise en compte des baryons manquant à la fois à l'échelle cosmique et à l'échelle locale (galactique) devrait aider les astrophysiciens à mieux comprendre comment ont évolué galaxies et grandes structures.

Comme cette matière à faible densité est un réservoir de base pour la formation de nouvelles étoiles, et que son flux vers et hors des galaxies joue un rôle très important dans leur évolution, la recherche de ces baryons manquants est devenue une clé pour comprendre comment l'Univers est devenu ce qu'il est aujourd'hui.


Source :
science, vol 336 (1 June 2012)

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