lundi 29 octobre 2012

Annonce d'une découverte par Fermi : conf NASA Jeudi 1er Novembre

On vient d'apprendre que la NASA, qui gère le satellite gamma Fermi, organise une conférence de presse Jeudi 1er Novembre à Washington au sujet d'une découverte concernant l'Univers primordial....

C'est suffisamment étonnant pour être remarquable, et pour le moment l'embargo sur les détails tenu par la revue Science est respecté...

Détails sur l'heure, le lieu et les participants :
http://www.nasa.gov/home/hqnews/2012/oct/HQ_M12-209_FERMI_Telecon.html
NASA's Fermi to Reveal New Findings About the Early Universe 

RENDEZ-VOUS JEUDI à 19H HEURE FRANCAISE POUR SUIVRE CETTE ANNONCE EN DIRECT ici :
http://www.nasa.gov/news/media/newsaudio/index.html


MISE A JOUR 1ER NOVEMBRE : la découverte annoncée, voir ici : http://drericsimon.blogspot.fr/2012/11/fermi-mesure-le-nombre-total-detoiles.html 

Le Canon à Neutrons de Curiosity pour Détecter l'Eau Martienne

Le robot Curiosity qui se promène actuellement sur Mars est bourré d'instruments. Il est notamment équipé d'un instrument de mesure nucléaire très intéressant. Il s'agit ni plus ni moins de détecter la présence d'eau ou de minéraux hydratés dans une couche de 1 m de profondeur en dessous du robot...

Cet outil hors norme est appelé le DAN, pour Dynamic Albedo of Neutrons. De quoi s'agit-il et comment marche-t-il ? 
Le DAN est constitué d'un canon à neutrons énergétiques et de détecteurs de neutrons thermiques (peu énergétiques). Le "canon", qu'on appelle dans notre jargon un générateur électrostatique, produit des réactions de fusion nucléaire entre des ions de deutérium accélérés  (isotope stable de l'hydrogène) et une cible contenant des noyaux de tritium (isotope radioactif de l'hydrogène), la même réaction de fusion que celle qui sera utilisée dans le réacteur expérimental ITER, à une toute autre échelle...

Position du DAN sur Curiosity (NASA/JPL)
Les réactions de fusion entre deutérium et tritium produisent des noyaux d'hélium (particules alpha), ainsi que des neutrons monoénegétiques de 14.1 MeV exactement. Ces neutrons énergétiques sont donc émis vers le sol martien et peuvent y parcourir jusqu'à environ 1 m en perdant petit à petit leur énergie. L'une des caractéristiques très utiles des neutrons est leur grande propension à interagir avec les noyaux d'hydrogène, notamment par diffusion : ils rebondissent sur les protons comme des boules de billard pourraient le faire (on parle de diffusion élastique).

En positionnant des détecteurs de neutrons à la bonne position sur le rover, on peut alors détecter d'une part si il y a de la matière hydrogénée (de l'eau) dans le sol mais aussi combien il y en a et à quelle profondeur.
Les détecteurs utilisés pour détecter des neutrons sont des détecteurs à gaz (de l'hélium-3 sous pression), qui permettent de compter tous les neutrons qui arrivent, quelle que soit leur énergie.
Cette technique a déjà été et est encore utilisée dans l'industrie de l'exploration pétrolière où ce même type de générateur de neutrons et détecteurs sont descendus dans des puits de forage afin de déterminer la présence d'hydrocarbures (riches en hydrogène).

Schéma du principe de l'interrogation neutronique du sol  (NASA)
Sur Curiosity, le générateur de neutrons conçu et exploité par une équipe Russe (une large collaboration de l'Institut de Recherches Spatiales de Moscou, du All Russia Research Institute of Automatics à Moscou et du Joint Institute of Nuclear Research de Dubna) émet ses neutrons par pulses successifs, et les neutrons revenant du sol sont détectés entre chaque pulse, de cette manière, les détecteurs ne sont pas aveuglés par les neutrons primaires émis par le générateur. De plus, le flux de neutrons est mesuré en fonction du temps après chaque pulse, les courbes temporelles fournissant des signatures très nettes de la présence d'hydrogène et de sa localisation. 
La signature est rendue encore plus claire par une sélection en énergie des neutrons arrivant au détecteur par l'utilisation d'un filtre de cadmium. Plus les neutrons qui reviennent du sol sont énergétiques, moins il y a d'hydrogène, et d'eau.

Les scientifiques espèrent trouver de l'hydrogène sur Mars sous deux formes : de la glace d'eau, bien sûr, mais aussi de l'eau sous forme de molécules d'hydrates insérées dans les cristaux rocheux.

L'instrument a produit ses premiers neutrons le 17 août 2012. Il  est utilisé quand le rover est à l'arrêt. des mesures de courte durée (inférieures à 2 minutes) permettent d'obtenir une estimation de la distribution d'hydrogène "eau-équivalent" avec une précision d'environ 1%. Des mesures plus longues (environ 30 minutes), sont nécessaires pour déterminer la répartition verticale de l'eau avec une précision sur la masse (inégalée) de 0.1%...

Un bel exemple de physique nucléaire appliquée au service de la planétologie.

vendredi 26 octobre 2012

Des Bandes Nuageuses sur Uranus

 De toutes nouvelles images à haute résolution de l'autre planète bleue, Uranus, viennent d'être rendues publiques et montrent des choses encore inexpliquées... De jolies bandes, à l'image de ce que qu'on connaît mieux sur Jupiter et Saturne, et d'autres phénomènes...

Uranus. Credit: Lawrence Sromovsky, / University of Wisconsin-Madison
Uranus, qui est la septième planète de notre système, est une petite géante composée essentiellement de méthane, d'eau, d'ammoniac et d'hydrocarbures, le tout à des températures très fraîches et sous haute pression.
Elle a été en quelques sorte redécouverte en 1986 quand la sonde Voyager 2 la frôla et fit ses plus célèbres clichés, montrant une planète bleu-vert, à l'aspect relativement uniforme.

L'image que nous offrent les physiciens de l'Université du Wisconsin qui ont scruté Uranus avec le télescope Keck II, situé à Hawaï, est bien différente et pourrait presque être considérée comme une nouvelle redécouverte de ce monde lointain.
Cette nouvelle image est le fruit d'une combinaison de plusieurs images prises dans l'infra-rouge. L'équipe de Lawrence Sromovsky ont utilisé cette technique pour réduire au maximum le bruit de fond et découvrir de nouveaux détails sur l'atmosphère uranienne. Ces résultats ont été annoncés la semaine dernière lors de la 44ème rencontre annuelle de l'American Astronomical Society’s Division of Planetary Sciences qui s'est tenue à Reno, Nevada.
Uranus vue par Voyager 2 (NASA/JPL)
 
Et ce que révèlent ces images sont de nombreuses nouveautés sur Uranus : des nuages en mouvement, des ouragans énormes, et des formes d'ondulations jamais vues nulle part auparavant, qui se situent juste au sud de l'équateur de la planète.
Les motifs d'ondulation en forme de tresse pourraient être dus à des phénomènes de cisaillement du vent ou des instabilités atmosphériques, mais c'est encore une grosse inconnue...
Les données montrent également que des nuages d'hydrogène, d'hélium et de méthane se déplacent à des vitesses de l'ordre de 900 km/h... 

Les images ont également permis de révéler des bandes autour d'Uranus, mettant en évidence une bizarrerie importante de la planète. Uranus est inclinée presque complètement sur ​​le côté, avec les bandes de nuages qui apparaissent ainsi verticales et non horizontales ​​comme celles de Jupiter. 

De plus, le pôle Nord de Uranus possède d'inhabituelles taches de convection qui indiquent probablement la présence d'un ouragan polaire gigantesque.
Uranus vue par Hubble Telescope (NASA)
Les systèmes météorologiques paraissent tout de même relativement stables sur Uranus, à l'image de ce qu'on connait sur les autres géantes gazeuses, les cyclones restant le plus souvent à la même latitude pendant des années.
Il faut garder en tête que c'est le Soleil qui fait le climat, et aussi sur Uranus. Or il est 900 fois moins lumineux sur Uranus qu'en Provence... 
Mais il semblerait que certaines tempêtes uraniennes montrent des changement incompris dans leur forme et leur taille et semblent plus puissantes que ce qu'elles devraient être compte tenu du faible éclairement solaire disponible...

Le monde d'Uranus redécouvert nous montre que notre système solaire est d'une richesse complexe. Tout semble encore à découvrir, même dans notre voisinage...



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mardi 23 octobre 2012

La Soupe Primordiale de Quarks et Gluons

Il y a 12 ans, au tournant du siècle, des physiciens parvenaient à reproduire une forme exotique de matière qu'on appelle plasma de quarks et de gluons, grâce à un accélérateur géant. Cette matière exotique qui formait l'Univers quelques microsecondes seulement après le "temps 0".

Et 12 ans plus tard, après de nombreuses et très subtiles mesures répétées sur des plasmas quark-gluons, on commence tout juste à concevoir un "modèle standard" de ce plasma. Chaque plasma créé est comme une sorte de petit big bang, sans l'expansion qui suit bien sûr, mais il permet aux physiciens d'explorer l'Univers tel qu'il était probablement dans ses premiers instants, en même temps que d'explorer la matière nucléaire dans ses états extrêmes.

Simulation d'un plasma Quarks-gluons à STAR (BNL)
Les études du plasma quarks-gluons (qu'on appellera PQG) semblent évoluer un peu de la même manière que celles du fond diffus cosmologique : découvert en 1965, puis observé assez finement en 1992 par le satellte COBE, puis encore plus finement par WMAP en 2003, et encore avec plus de détails très bientôt avec Planck... Et ce n'est qu'à partir de 2003 qu'on a pu en tirer des informations cruciales notamment sur l'âge de l'Univers.
Le PQG, lui, est sur la même trajectoire, entre les premiers cris de joie de sa découverte (ou plutôt de sa production) et l'obtention des premiers paramètres numériques le caractérisant.

Mais la production de plasma de quarks et gluons est fragile. Elle ne repose actuellement que sur deux machines : le (toujours fameux) LHC et le moins connu (mais néanmoins fameux) RHIC (Relativistic Heavy Ion Collider), situé à Brookhaven, NY.

Tunnel du RHIC (BNL)
Le RHIC est un accélérateur spécifique, entièrement dédié à la production du PQG : il accélère des ions (des noyaux d'atomes) à des vitesses relativistes et les collisions de ces noyaux provoquent l'apparition de cette soupe de particules très élémentaires.

Pour créer cette délicieuse soupe, il faut littéralement faire fondre les noyaux d'atomes. Rappelons que les noyaux sont constitués de protons et de neutrons, qui eux-mêmes sont formés de trois quarks chacun (deux quarks up et un quark down pour le proton et deux quarks down et un quark up pour le neutron), qui sont reliés entre eux, ou plutôt englués entre eux par de nombreux gluons, de diverses "couleurs".
Les gluons sont les bosons vecteurs de la force nucléaire dite "forte" qui attire si fortement les quarks entre eux.
Les quarks s'attirent tellement fort qu'on ne parvient pas à en isoler un tout seul. Quand on commence à arriver à faire sortir un quark d'un proton, il s'arrange tout de suite à produire autour de lui une série de couples quarks-antiquarks à partir du vide et forme alors un jet de particules pleines de quarks.

Mais il est tout de même possible de former un plasma de quarks en faisant fondre les nucléons (protons et neutrons) de deux noyaux d'atomes lourds, typiquement des noyaux de plomb ou d'or.

Détecteur STAR au RHIC
On obtient des quarks et des gluons, qui ne sont plus liés entre eux! Et durant un temps extrêmement court, de l'ordre du temps de Planck, ce plasma est la  "chose" la plus chaude de l'Univers, avec quelques milliers de milliards de degrés... Mais très vite, le plasma se refroidit, et il se transforme en  plusieurs milliers de particules bien plus ordinaires, que les physiciens peuvent détecter confortablement. En 2001, les physiciens du RHIC (détecteur STAR) ont pu montrer que le plasma s'écoulait comme un liquide sans aucune viscosité, grâce à l'observation de la distribution ellipsoïde des jets de particules produites.

En 2003, une autre équipe travaillant avec le second détecteur du RHIC, PHENIX, a montré que les collisions de noyaux d'or (quel gâchis) produisaient bien moins de jets que des collisions de protons, ce qui était inattendu.
Les études sur le PQG permettent également d'étudier avec force détails les relations quarks-antiquarks.
Ce qui se passe lors de l'accélération prodigieuse des noyaux lourds avant leur collision est un effet purement relativiste : la contraction de Lorentz (contraction des distances dans le sens de la vitesse) aplatit complètement les noyaux d'atomes comme des crêpes, et la dilatation du temps ralentit considérablement tout ce qui se passe dans leur interieur : les gluons se retrouvent comme figés dans une sorte de disque de verre.
Lorsque les deux noyaux collisionnent, les quarks se passent à travers l'un de l'autre, mais les "disques" de gluons, eux, s'entrechoquent en créant un état chaud en déséquilibre qu'on appelle un "glasma". Ce milieu s'équilibre ensuite très vite pour former le plasma à proprement parler, qui s'étend puis se refroidit à son tour pour produire de nombreuses particules.
Le Big Bang au bout du tunnel... (CERN)

La grosse question qui se pose est la suivante : "Est ce que la bonne vieille théorie quantique des champs s'applique encore, ou bien faut-il utiliser des théories plus exotiques ?" Il n'y a pas encore de réponse.

Le LHC aussi a commencé à fabriquer du plasma de quarks et de gluons. Il n'emploie pas des noyaux d'or, mais des noyaux de plomb. Son premier PQG date de 2010 et le détecteur ALICE est dédié uniquement à ces recherches, qui bénéficient d'une énergie de collision près de 14 fois plus grande que celle pouvant être atteinte avec le RHIC.
Des chercheurs au LHC ont ainsi trouvé un comportement inattendu : dans le cas de collisions "ultra-centrales", dans lesquelles les noyaux se frappent exactement en leur milieu, ils ont pu observer des formes de flux causées par des fluctuations quantiques de la forme des noyaux. Ils ont pu décrire la forme unique de chaque collision comme une somme de formes géométriques simples : ovales, triangles, carrés et d'autres. Très étrange...

En 2010 et 2011, les physiciens de RHIC ont cherché le "point critique", la frontière entre matière à l'état normal et l'état de plasma. Le RHIC possède en effet le gros avantage par rapport au LHC de pouvoir faire varier l'énergie de collision, et surtout d'abaisser cette énergie, ce que le LHC ne peut pas faire.
Ce qu'ont trouvé les physiciens américains, c'est que la transition, sous certaines conditions, peut montrer une variation abrupte, un peu à l'image de l'eau qui se met à bouillir exactement à 100°C. Ce point critique pourrait bien se situer aux environs de 20 GeV par nucléon d'après les résultats obtenus en 2011.
Mais d'autres équipes expliquent qu'à des énergies aussi "basses", la production de plasma devrait s'arrêter, alors que les physiciens de STAR n'ont pas vu une telle chute de production de plasma quark-gluons...

Graphe de transition matière-plasma quarks-gluons (Science)
Au contraire, même aux plus basses énergies, le RHIC parvient toujours à créer un plasma, ce qui laisse songeur plus d'un physicien, étant donné qu'ils ont cherché durant plus de vingt ans à créer un tel plasma de quarks et de gluons, et que maintenant, ils se demandent comment ils peuvent faire pour le faire disparaître (ou au moins ne pas le créer...).
C'est malheureusement au moment où la science du plasma quarks-gluons, reflet de l'Univers très primordial, devient enfin mature et que l'on commence à pouvoir étudier ces étrangetés, qu'il est question de réduire drastiquement le budget de sa machine-phare, le RHIC, gérée par le Department of Energy qui gère toutes les grosses installations de physique des hautes énergies américaines.
 
La décision qui sera rendue en janvier prochain impactera fortement ces recherches, car le LHC a lui seul ne pourra jamais explorer cette physique comme le fait le RHIC : non seulement leurs domaines d'énergie sont différents, mais leurs durées utiles de fonctionnement en faisceau de type "noyaux lourds" sont également sans commune mesure : 6 mois par an pour le RHIC contre 1 mois tous les deux ans pour le LHC...

Les instances scientifiques américaines feront-elles le bon choix (que vous avez deviné) ? Réponse en janvier.

mercredi 17 octobre 2012

Un Filament de Matière Sombre vu en 3D

Encore un nouvel exploit ! Pour la première fois, une équipe d'astronomes a pu visualiser, et en trois dimensions, l'extension d'un filament de matière noire autour d'un gros amas de galaxies. Les modèles de matière noire (pardon, sombre) les plus aboutis stipulent que cette dernière forme des halos autour des galaxies ainsi que des sortes de filaments qui relient les galaxies entre elles au sein des amas de galaxies, et les amas de galaxies entre eux.

C'est sur l'amas MACS J0717, l'un des plus gros amas que l'on connaisse, situé à plus de 5 milliards d'années-lumières, que se sont penchés Harald Ebeling de l'université de Hawaï et ses collègues. 
Ils y ont découvert un long filament de matière noire (pardon, sombre) de plus de 60 millions d'années lumières... (ce qui est est considérable, même pour les habitués des chiffres dits astronomiques).

La géométrie du filament de MACS J0717 (en bleu) (NASA/ESA/H. Ebeling)
 Pour cela, ils ont utilisé (bien sûr) le télescope spatial Hubble, mais aussi des télescopes terrestres, le Subaru et le CFH, tous deux à Hawaï. C'est grâce à la technique de lentille gravitationnelle, vous vous en serez douté, qu'ils sont parvenus à reconstruire une "image" de l'invisible filament.
Ce filament de matière sombre semble sortir du coeur de l'amas MACS J0717 et s'étend sur cette distance énorme de 60 millions d'A.L. presque dans notre ligne de vue.
Pour extirper l'effet de projection en 2 dimensions, l'équipe a utilisé des mesures de vitesses de galaxies apparemment noyées dans le filament, pour en déduire des distances. Ils ont pu ainsi reconstituer la véritable forme du filament dans toutes ses dimensions. L'effet de perspective obtenu est représenté ci-contre.

Harald Ebeling en conclut que si le filament découvert dans MACS J0717 est représentatif des filaments de matière sombre entre amas, vu ses dimensions, cela signifierait que les filaments inter-galactiques contiennent bien plus de matière (noire) que ce qui est aujourd'hui prédit par les théoriciens... Ils pourraient contenir pas moins de la majorité de toute la matière sombre, et donc de toute la matière de l'Univers...


Sources :
An X-ray/optical study of the geometry and dynamics of MACS J0140.0-0555, a massive post-collision cluster merger
I-T. Ho, H. Ebeling, J. Richard,
arXiv:1207.6235

A Weak-Lensing Mass Reconstruction of the Large-Scale Filament Feeding the Massive Galaxy Cluster MACSJ0717.5+3745
M. Jauzac, E. Jullo, J.-P. Kneib, H. Ebeling et al.,
arXiv:1208.4323

The three-dimensional geometry and merger history of the massive galaxy cluster MACS J0358.8-2955
L.-Y. Hsu, H. Ebeling, J. Richard,
arXiv:1209.2492

Tous les 3 à paraître dans les Monthly Notices of the Royal Astronomical Society.

jeudi 11 octobre 2012

R Sculptoris : l'Etoile entourée d'une Coquille d'Escargot !

L'étoile R Sculptoris est une étoile très amusante, on vient de découvrir autour d'elle une coquille de gaz et de poussière qui forme une sorte de coquille d'escargot... Cette coquille a pour origine ce qu'on appelle un pulse thermique, courte période au cours de laquelle l'étoile a perdue une quantité importante de matière. Cette observation toute récente qui est rapportée dans Nature cette semaine (décidémment à la pointe en astronomie, ou bien est-ce l'astronomie qui est une science à la pointe ?), a été effectuée par une équipe de l'ESO menée par l'astronome allemand M. Maerker. 
Reconstruction par simulation de lacoquille spiralée de R sculptoris (ESO).

Ils ont observé R Sculptoris à la longueur d'onde d'émission du monoxyde de carbone (CO) avec une résolution de 1.3 secondes d'arc. L'équipe a pour cela utilisé le radiotélescope Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (ALMA).

Alors qu'ils pensaient trouver une fine coquille sphérique avec une structure un peu désordonnée, ils ont eu la belle surprise de trouver une structure en spirale.

Quelques cas, certes moins impressionnants, avaient déjà été observés dans le passé, et avaient permis de déduire la présence d'une étoile compagne.

L'équipe de l'ESO, comme souvent, a fait tourner des codes de simulation hydrodynamique, et en associant ces simulations avec les données d'observation, en concluent à la présence là encore d'un système binaire, dont l'étoile géante a connu un épisode de pulse thermique il y a 1800 ans, qui aurait duré environ 200 ans. 


La quantité de matière éjectée au cours de cette phase et ayant ensuite formé la coquille spiralée observée serait de l'ordre de seulement trois millièmes de la masse solaire, à la vitesse de 14.3 km/s, représentant une augmentation de perte de masse d'un facteur 30 par rapport à son état actuel. On peut vraiment tout reconstruire de nos jours grâce aux simulations...
Différentiation de la coquille de R Sculptoris en fonction de la vitesse (km/s) (ESO)
Et le plus subtil, c'est qu'ils ont pu reconstruire la coquille d'escargot en 3 dimensions, pas en simulation cette fois-ci, mais en utilisant des mesures de vitesses grâce au léger décalage spectral : 
vers le rouge : la matière s'éloigne (la portion de coquille située derrière l'étoile), vers le bleu : la matière s'approche (la portion située devant l'étoile).  

Les astronomes ont ainsi pu fournir une image détaillée de cette toute petite "nébuleuse planétaire".

On sait par exemple que l'étoile principale fait 1.6 masses solaires et la compagne, responsable de ces étonnantes structures en spirale, est située à 60 UA et pèse 0.25 masses solaire.

Connaissant tous ces détails, j'ai l'honneur de proposer de nommer cette micro-nébuleuse la Nébuleuse de l'Escargot ! Serai-je entendu ?








source :
Unexpectedly large mass loss during the thermal pulse cycle of the red giant star R Sculptoris
M. Maercker et al.
Nature 490, 232–234 (11 October 2012)


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jeudi 4 octobre 2012

Supernovae Ia : à la Recherche des Survivantes


Les supernovæ de type Ia sont des explosions d'étoiles naines blanches qui ont accrété trop de masse. Deux explications coexistent aujourd'hui pour modéliser ce phénomène : une étoile compagnon (de type géante ou même de la séquence principale) se fait aspirer sa matière par la naine blanche (c'est le modèle dit simple dégénéré), ou bien l'étoile compagnon est elle aussi une naine blanche, qui va finir par tomber sur l'autre naine blanche en fusionnant littéralement avec elle (c'est le modèle double-dégénéré). 

Ces deux cas sont assez différents dans leur processus, alors que les supernovæ Ia sont réputées produire une luminosité toujours égale, qui vue de la terre ne dépend que de leur distance, faisant d'elles des étalons pour les mesures de distance.
Bulle de gaz résiduelle de SN 1006, et zone de recherche en vert (Nature)
La plus grosse différence observable, ou du moins qu'on peut essayer d'observer, vient du fait que le modèle simple-dégénéré doit laisser un compagnon survivant après la transformation de l'étoile accrétante en étoile à neutron (ou en trou noir) dans l'explosion, alors que dans le modèle double-dégénéré, il ne doit rester après l'explosion qu'une étoile à neutrons (ou un trou noir), qui est le résidu de la fusion des deux étoiles naines blanches.

Savoir quelle est la proportion de ces deux types de supernovæ Ia est encore une question brûlante aujourd'hui. C'est donc vers une traque des survivants de supernovæ que s'orientent de nombreuses équipes d'astrophysiciens un peu partout dans le monde afin de mieux comprendre ces mécanismes. De récents résultats semblent indiquer que le canal simple dégénéré ne peut pas être exclu mais serait plutôt favorisé avec des étoiles compagnon non géantes, du type de notre soleil.

Une équipe espagnole vient de se pencher, elle, sur le cas de la supernova SN 1006, dont l'explosion fut visible en l'an 1006, comme son nom l'indique. SN 1006 est l'une des - seulement - quatre supernovae historiques ayant explosées dans notre galaxie (depuis 1000 ans, en gros), elle est située à 2.18 kiloparsecs de nous, soit 7107 années-lumières.

Les astronomes menés par J. González Hernández de l'Institut d'Astrophysique des Canaries, ont cherché grâce aux données du Very Large Telescope, si il existait une étoile dans la zone centrale du lieu de l'explosion, qui pourrait correspondre avec une étoile compagnon survivante.

Ils montrent dans leur article qui fait la Une de la revue Nature de la semaine dernière qu'il n'existe aucune étoile dans un rayon de 4 minutes d'arc du lieu de l'explosion qui puisse être associée au résidu de la supernova.
zoom sur la zone de recherche de l'étoile survivante
Les quatre étoiles candidates ayant une distance compatible avec une éventuelle étoile compagnon dans la zone étudiée sont toutes des géantes rouges (B16564, B97341, B99810 et B93571) mais aucune d'entre elles ne montre de particularité spectroscopique et de plus, des simulations hydrodynamiques de l'interaction des débris de l'explosion sur une compagne géante rouge ont montré très clairement que la très grande majorité de l'enveloppe de la géante doit être soufflée par la violence de l'explosion, laissant derrière elle une étoile dénudée avec une température augmentée.

Une telle étoile déplumée serait largement suffisamment lumineuse pour avoir été détectée dans la zone de recherche autour du centre de SN1006. Or rien de tel n'a été observé.

Reste alors la possibilité d'une étoile plus petite, de la séquence principale, qui ressemblerait à notre soleil, voire un peu plus petite. Mais les simulations hydrodynamiques d'explosion appliquées sur une étoile de ce type montrent qu'une étoile de masse solaire est étirée et échauffée par le "souffle" des débris et des rayonnements de sa compagne, lui faisant atteindre une luminosité plus de 5000 fois la luminosité solaire, puis elle doit ensuite se contracter et se refroidir relativment lentement.
Et en 1000 ans, un tel objet n'a pas suffisamment de temps pour devenir plus faible que le Soleil, et aurait donc du être observé dans la zone d'intérêt...

Cette étude parvient ainsi à la conclusion que d'une part la présence d'une étoile géante ou sub-géante comme étoile compagnon dans SN1006 est totalement exclue, et que d'autre part cette supernova n'a pu être produite que par un système double dégénéré (deux étoiles naines blanches fusionnant) ou, à la limite, dans un système simple dégénéré faisant intervenir une étoile de taille inférieure au soleil, mais avec de forts doutes dans ce dernier cas.

Cette observation, associée à de précédents résultats, permet au final à J. Gonzalez Hernandez et ses collègues de fournir pour la première fois une répartition statistique sur les modèles de supernovae Ia : le canal simple-dégénéré (signé par la présence d'une étoile résiduelle à côté de l'étoile à neutron) ne représenterait que moins de 20% de l'ensemble des supernovae Ia !..

Le voile commence à se lever sur la nature de ces explosions cataclysmiques, devenues cruciales pour l'astrophysique et la cosmologie, que sont les supernovæ Ia.



Lire aussi :
Comment explosent les étoiles ?
Supernovae Ia : Deux Origines pour une Explosion 

source :
No surviving evolved companions of the progenitor of SN 1006
J. González Hernández,   
Nature 489, 533–536  (27 September 2012)

mercredi 3 octobre 2012

M22 : Plein de Trous Noirs ?

On pense que des centaines de trous noirs stellaires se forment dans les amas globulaires, vous savez, ces amas compacts de vieilles étoiles qui entourent notre galaxie (et d'autres). Mais les interactions entre étoiles sont si importantes dans ces amas que les modèles de dynamique prédisent que la majorité des trous noirs formés doivent être littéralement éjectés pour n'en garder qu'un seul en moyenne. 

M22 vu par le CFHT.

Sauf que des astronomes américains (Jay Strader et al.) viennent de découvrir la présence de non pas un seul trou noir stellaire, mais deux trous noirs dans le bel amas globulaire M22 (qu'on peut admirer dans la constellation du Sagittaire).

Les modèles d'éjection de trous noirs dans les amas globulaires sont supportés par le fait que l'on mesure très peu de sources de rayons X qui signeraient des couples binaires trou noir-étoile.
Mais en observant en détail M22 (et avec autre chose qu'un Nagler 13 mm comme moi), l'équipe américaine a détecté deux sources radio montrant un spectre plat, qu'elle estime être des trous noirs de masse de 10 à 20 fois celle du soleil, et qui accrètent de la matière. Ils mesurent un ratio de rayonnement radio sur le rayonnement X qui est élevé et qui correspond à la signature de trous noirs de masse relativement élevée, cohérente avec ce qui est attendu dans un amas globulaire.
De fait, l'identification de deux trous noirs stellaires d'un coup semble indiquer que le modèle d'éjection des trous noirs n'est pas si efficace que ce que l'on pensait jusque là.
Les auteurs prédisent même que M22 pourrait contenir bien plus de trous noirs : entre 5 et 100 selon eux.
Par ailleurs, ils s'aventurent même à proposer que le relativement gros cœur de M22 pourrait être dû à l'échauffement induit par le rayonnement (indirect) de ces trous noirs...


On va finir par penser qu'ils sont partout, ces trous...


Biblio :
Two stellar-mass black holes in the globular cluster M22
Jay Strader et al.
Nature 490, 71–73 (04 October 2012)



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Pertuis, de Nuit comme de Jour...

Pertuis, de nuit comme de jour...
Vous avez dit pollution lumineuse ? Bon OK, j'exagère, on voit quand même deux étoiles...


lundi 1 octobre 2012

Comment Mesurer la Rotation d’un Trou Noir Supermassif

Comme on le sait, de nombreuses galaxies qui montrent un noyau actif possèdent un trou noir supermassif en leur centre, qui est à l’origine de l’activité observée. De l’énergie gravitationnelle est convertie en rayonnement par le biais de l’accrétion de matière autour du trou noir, et de la production de jets de matière relativiste, dont nous avons parlé récemment. Ces jets sont estimés être produits par accélération magnétique, mais il n’est pas encore sûr que ces champs magnétiques soient entièrement produits par le disque d’accrétion ou par le trou noir lui-même.
M87 et son jet de matière (Hubble/NASA).

Aucune observation assez fine en terme de résolution angulaire n’a encore permis de déceler le lieu de formation des jets de matière. Qui plus est, de telles observations pourraient permettre de savoir si la formation de jet requière forcément un trou noir en rotation par exemple, ou si le sens de rotation du disque d’accrétion (par rapport à celui du trou noir supermassif (TNSM) a une importance dans le phénomène.

C’est dans le but d’explorer ces zones de formation de jets de matière sur un trou noir supermassif qu’une équipe d’astrophysiciens américaine a utilisé un outil très performant sur un trou noir supermassif, lui aussi très performant !

Ils ont utilisé le Event Horizon Telescope, formant un réseau de radiotélescopes (détection d’ondes radio de 1.3 mm de longueur d’onde), ce qu’on appelle de l’interférométrie à très longue base (Very Long Baseline Interferometry, ou VLBI).

Le trou noir supermassif très performant qu’ils ont observé durant trois jours est le célèbre trou noir central monstrueux situé au cœur de la galaxie M87. La masse de ce TNSM est connue : elle vaut, accrochez-vous, 6.2 milliards de masses solaires. Du coup on connait aussi le rayon de ce trou noir, ce qu’on appelle son rayon de Schwartzschild, d’après la relativité générale, et qui vaut la bagatelle de 19 milliards de kilomètres (rappelons- nous que la Terre est à 149 millions de kilomètres du soleil).

Ce trou noir est si gros et si près de nous (54.5 miilions d’années-lumière) que l’angle de vue sous lequel on pourrait le « voir » est de 7.3 microsecondes d’arc, ce qui devient à la portée d’un instrument comme le Event Horizon Telescope.

Le VLBI utilisé est formé par quatre radiotélescopes situés sur trois localisations différentes : le James Clerk Maxwell Telescope (JCMT) à Hawaï, le Arizona Radio Observatory's SubMillimeter Telescope (SMT), situé dans l’Arizona, et deux télescopes du Combined Array for Research in Millimeter-wave Astronomy (CARMA) en Californie. Les données collectées ont ensuite été rapatriées et corrélées  à l’Observatoire Haystack du MIT.
Carte des trois sites formant le Event Horizon Telescope.
Grâce à cette méthode, la taille de la zone d’origine du jet a pu être mesurée avec une résolution angulaire de 40 microsecondes d’arc, soit 5.5 (+- 0.4) fois le rayon du trou noir. Les incertitudes proviennent  principalement  de l’incertitude sur la distance de M87 et sur la masse du TNSM.

Dans le modèle utilisé de production de jet, le paramètre important du disque d’accrétion associé à l’empreinte du jet est l’orbite circulaire stable la plus proche (Innermost Stable Circular Orbit  ou ISCO).

L’ISCO est la limite à partir de laquelle la matière plonge rapidement vers l’horizon des événements, il marque un pic d’intensité et de vitesse de rotation dans le flot d’accrétion. C’est l’endroit où les particules de toutes sortes sont le plus efficacement accélérées et commencent à rayonner. Et c’est aussi ce que mesurent en ondes radio nos astrophysiciens.

En mesurant cette dimension, les astrophysiciens du MIT parviennent à en déduire des informations cruciales sur la rotation du trou noir de M87.

En effet, le diamètre minimum de l’ISCO dépend directement du sens de rotation du TN : il vaut 6 fois le rayon de Schwarzschild dans le cas d’un trou noir statique, 9 fois le rayon de Schwartzschild pour un sens rétrograde (disque d’accrétion tournant dans le sens contraire de celui du TN), et 1 fois le rayon pour un sens prograde (dans le même sens).
Schéma de la formation des jets par un disque d'accrétion de trou noir.

La dimension observée/mesurée indique ainsi une nouvelle image plus détaillée du trou noir supermassif de M87 : celle d’un trou noir en rotation lente, possédant un disque d’accrétion tournant dans le même sens que le trou.

Ce résultat semble cohérent avec les théories généralement acceptées indiquant que les axes de rotation des trous noirs et des disques d’accrétion doivent se retrouver finalement alignés par des effets de précession et des transferts graduels  de moment cinétique du disque d’accrétion.

Le but des astrophysiciens est maintenant d’aller toujours au plus près, avec des résolutions angulaires toujours plus petites, et pour cela, c’est vers des interféromètres toujours plus étendus qu’il faudra se tourner, assurément intercontinentaux.

Le trou noir de M87 observé ici est le plus gros et l’un des plus proches que l’on connaisse. Il semble bien qu’il devienne assez vite un vrai laboratoire de Relativité Générale.


Biblio :

Jet-Launching Structure Resolved Near the Supermassive Black Hole in M87
S. Doeleman et al.
Science 27 septembre 2012