vendredi 24 juin 2016

L’océan d’Encelade se trouve à seulement quelques kilomètres en dessous de sa croûte glacée


Nous avons déjà souvent parlé d’Encelade, satellite de Saturne, qui montre le phénomène étonnant de l’émission de jets d’eau vaporisée au niveau de son pôle Sud. La sonde Cassini l’a étudiée de près depuis de nombreuses années et les planétologues sont arrivés à la conclusion qu’il existait un vaste océan d’eau liquide sous la croûte de glace d’Encelade.



Qui plus est, les données accumulées permettent de dire que cet océan est chaud, probablement à plusieurs dizaines de degrés celsius. Mais l’une des questions qui restent en suspens est liée à ces geysers visibles au pôle sud. Comment l’eau parvient-elle à s’échapper à travers la croûte de glace ? Ou encore : quelle est l’épaisseur exacte de cette croûte glacée, et est-elle la même partout à la surface d’Encelade ?
Les données obtenues avec la sonde Cassini étaient parfois contradictoires quant à l’épineuse question de l’épaisseur de glace surplombant l’océan liquide. Mais aujourd’hui, une équipe internationale de planétologues comprenant des chercheurs du Laboratoire de Planétologie Dynamique de Nantes (CNRS/Université de Nantes/Université d’Angers) propose un nouveau modèle d’Encelade qui permet de mettre en accord les différentes données. Leur principale conclusion est que la couche de glace de Encelade n’aurait pas la même épaisseur partout, et montrerait de fortes variations, allant de plus de 30 km dans certaines zones à moins de 5 km, justement au niveau du pôle Sud, là où de vastes crevasses peuvent laisser s’échapper la précieuse eau salée riche en matière organique…
Les planétologues publient leur étude dans la revue Geophysical Research Letters. Ils y montrent que la couche de glace de Encelade peut être beaucoup plus fine que ce que les premières mesures de Cassini avaient laissé présager (entre 30 et 60 km) et même ses secondes mesures, qui en 2015 avaient permis de déduire la présence d’un océan global sous la glace, mais avec une épaisseur moyenne de glace de 20 km. Quant aux données recueillies sur le champ de gravité et la topographie du satellite saturnien, celles-ci semblaient incompatibles avec une couche aussi épaisse…

Le nouveau modèle de structure interne d’Encelade que proposent Ondrej Cadek (Université de Prague) et ses collaborateurs franco-belges introduit une couche un peu particulière dans les 200 premiers mètres de glace, qui joue le rôle d’une sorte de coquille élastique, et une épaisseur globale de glace qui est très variable d’une région à une autre : très épaisse à l’équateur et plus fine aux pôles. La structure qui se dessine est la suivante : un noyau rocheux de 185 km de rayon, recouvert par un océan chaud  de 45 km de profondeur ayant une densité de 1,03 (donc salé), surmonté de la couche de glace d’épaisseur moyenne de 20 km. Mais la zone sud ne serait pas plus épaisse que 5 km et la zone équatoriale la plus épaisse atteindrait 38 km. L’océan interne d’Encelade représenterait ainsi 40% du volume total du satellite.

Considérer une couche de glace de plus faible épaisseur implique de devoir recalculer la quantité de chaleur interne dont on perçoit un des effets avec les geysers du pôle sud. Alors que l’on pensait que les flux de chaleur étaient majoritairement provoqués par les effets de marée induits par Saturne sur les grandes failles de la croûte de glace de la région sud, ce n’est plus possible avec une couche aussi mince. Les chercheurs montrent ainsi qu’il doit exister une autre source de chaleur dans les profondeurs de l’océan Enceladien.

La présence de sources d’eau chaude à près de 100°C avait déjà été évoquée en 2015 à partir de la détection par Cassini de grains de silicates qui ne peuvent se former que dans de telles conditions physico-chimiques. Cette nouvelle étude vient doc renforcer d’autant plus cette idée d’océan chaud, qui, associée au fait que Cassini avait également détecté des molécules organiques dans les jets du pôle Sud, fait d’Encelade un véritable monde pouvant être qualifié d’habitable.
La très bonne nouvelle que nous donne cette recherche, c’est qu’avec une couche de glace de seulement 5 km d’épaisseur, on peut bien plus facilement envisager des moyens d’exploration in situ que si elle faisait 20 km…

Source :

Enceladus's internal ocean and ice shell constrained from Cassini gravity, shape and libration data.
Ondrej Cadek et al.
Geophysical Research Letters (11 juin 2016)

Image :
(1) : Cartographie de l'épaisseur de la couche de glace reconstruite, les faibles épaisseurs sont représentées en rouge et les fortes épaisseurs en bleu (Cadek et al.)

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