mercredi 30 mai 2012

Une Exoplanète à l’origine d’Enormes Eruptions

Pour la première fois et grâce au satellite Kepler, des super éruptions stellaires, plus d’un million de fois plus énergétiques  que les éruptions que l’on connaît sur notre soleil, ont pu être étudiées en détail.
Une « super éruption » sur une étoile de type Soleil est une brève relaxation d’énergie (entre 1033 et 1039 erg*) qui peut durer de quelques minutes à quelques jours. Le Soleil subit fréquemment des éruptions, qui sont causées par des effets magnétiques au-dessus des taches, qui sont ces régions légèrement plus froides que la surface solaire.


Mais l’éruption la plus violente observée sur le soleil, l’événement dit
de Carrington datant de 1859, n’avait qu’une énergie totale de l’ordre de 1032 erg. Alors que les étoiles du type du Soleil sont réputées pour leur constance, il apparaît très surprenant que certaines d’entre elles puissent engendrer des super éruptions aussi énergétiques que 1039 erg…

Illustration du phénomène (Nature).
L’étude publiée dans Nature cette semaine rapporte l’observation de plus de 350 super éruptions par le satellite Kepler, lancé en 2009.
Depuis 120 ans, seulement une petite quarantaine de super éruptions avaient été relatées dans la littérature scientifique, et considérées depuis avant tout comme des anomalies.

Ces super éruptions apparaissent sur des étoiles célibataires, d’âge moyen qui montrent une rotation lente et qui sont en phase de fusion de l’hydrogène dans leur cœur (étoiles de le séquence principale, tout comme notre Soleil).
Les similitudes existant entre les éruptions que nous connaissons et ces super éruptions laissent penser qu’elles ont une origine magnétique commune. Mais la grosse différence qu’introduit le modèle actuel des super éruptions, c’est qu’il fait intervenir la présence d’une planète en orbite de l’étoile concernée ! Le champ magnétique de l’étoile serait connecté entre la surface stellaire et la surface de la planète (une géante gazeuse chaude de taille au moins égale à celle de Jupiter, mais beaucoup plus proche de l’étoile que ne l’est Jupiter du Soleil).
Les lignes de champ magnétique seraient ainsi tordues et amplifiées lors du mouvement de rotation de la planète, ce qui aurait pour effet, en cas de cassure des lignes de champ, de produire une accélération brutale de particules (protons et électrons) à de très hautes énergies en un phénomène explosif, très similaire aux éruptions classiques, mais beaucoup plus violent.

Le satellite Kepler permet un suivi en continu de la luminosité de plus de 100000 étoiles sur des années avec une précision de 10-5. Il est bien connu pour ces détections d’exoplanètes dont il s’est fait une spécialité, mais il permet surtout d’observer n’importe quelle variation de luminosité.
L’étude publiée dans Nature est fondée sur la mesure des courbes de lumière (l’évolution de la luminosité dans le temps) de 148 étoiles ayant produit 365 super éruptions, fournissant suffisamment de matériau pour faire des analyses statistiques et permettre enfin d’en savoir plus sur quelles étoiles doivent être suivies plus précisément.
Seulement il reste un problème, potentiellement de taille… c’est qu’aucun transit de planète n’a pu être observé sur ces étoiles à super éruptions, ce qui contredit le modèle généralement admis qui comme je le disais fait intervenir la présence d’une grosse planète gazeuse qui devrait donc pouvoir être détectée par ce fin limier de Kepler. Le mécanisme reste donc encore assez obscur.
Avec les résultats de Maehara et al., les théoriciens ont donc encore un vaste champ d’investigations à parcourir, et les observateurs de nombreuses possibilités offertes : citons par exemple la mesure de la vitesse radiale des étoiles pour mettre en évidence la présence de planètes, la détermination du champ magnétique via la luminosité stellaire ou encore l’obtention d’informations sur la vitesse, la température et l’énergie des super éruptions via l’analyse spectrale des changement des raies du Calcium par de la spectroscopie à haute résolution… Les données pourraient également être utilisées pour montrer l’existence ou non de corrélations entre l’énergie libérée et l’intervalle de temps entre deux  éruptions successives.
Et pourquoi se limiter aux étoiles de la séquence principale et pas aux étoiles de tous types ?
Ce qui est à peu près certain, c’est que notre Soleil n’a jamais connu de telles super éruptions, du moins pas dans les deux derniers millénaires, et aucune éruption supérieure à 1036 erg n’a dû avoir lieu dans le dernier milliards d’années.

Maehara et al. montrent que les super éruptions ne concernent que 0.2% des étoiles du type du Soleil. Sur les étoiles à super éruption, la fréquence d’occurrence des éruptions très énergétiques doit être très importante (une tous les 100 jours à 1035 erg). En comparaison, le Soleil a une éruption 1000 fois moins forte tous les 450 ans, et apparaît donc très différent des étoiles à super éruptions. Ce comportement est cohérent avec le modèle admis du fait qu’il n’y a pas de Jupiter chaud à proximité immédiate du Soleil.
Si ce modèle s’avère finalement juste, et que l’énergie de l’éruption est liée à l’énergie orbitale de la planète impliquée, cela signifie qu’il suffirait de trois événements par an pour faire littéralement tomber la planète sur son étoile en l’espace d’un milliard d’années, ce qui éteindrait par là même la source des super éruptions. Un phénomène si violent qu’il finirait par s’autodétruire…

* erg : Unité d’énergie dans le système CGS : 1 erg = 624 GeV  ou encore  1 erg = 10-7 J

source :
H. Maehara et al.
Superflares on solar-type stars
Nature 485,478–481 (24 May 2012)

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