06/12/12

Un Tiers des Exoplanètes N'en Sont Pas

Cela fait maintenant plus de trois ans que le satellite Kepler scrute un petit coin du ciel pour trouver des exoplanètes. Il utilise pour cela la mesure de la variation de la luminosité dans le temps d’une étoile pour en déduire la présence d’une planète qui occulte la lumière durant son transit devant l’étoile. Depuis le début de la mission, le nombre de systèmes exoplanétaires candidats se monte à pas moins de 2300, tous n’étant pas encore confirmés.

Des astrophysiciens français et portugais ont cherché à savoir si parmi les exoplanètes candidates trouvées par Kepler, il n’y aurait pas par hasard de nombreuses fausses alertes. 
Bingo ! Ils montrent dans une étude parue dans le numéro 545 de Astronomy & Astrophysics que 35% des exoplanètes de type géantes trouvées par Kepler ne sont en fait pas des planètes, alors que l’estimation du « déchet » était jusqu’à présent évaluée à 5% (estimation via des modélisations). 
Types de systèmes binaires pouvant mimer le signal d'une exoplanète (Nature).

Cette équipe a sélectionné un lot de 46 systèmes (étoiles) parmi les candidates et les ont suivies soigneusement dans le temps à l’aide du spectrographe SOPHIE monté sur le télescope de 193 cm de l’Observatoire de Haute-Provence. Leur but était d’évaluer la masse des exoplanètes en observant le mouvement apparent de l’étoile autour du barycentre du système. Une mesure de masse est le moyen le plus définitif pour déterminer un faux-positif s’il y a lieu. 
Les étoiles observées ont été sélectionnées de manière à être suffisamment lumineuses pour fournir des résultats exploitables en un temps d’observation raisonnable, et les planètes candidates associées devaient également répondre à quelques critères pour faciliter l’exploitation des résultats : leur transit devait réduire suffisamment la luminosité de l’étoile pour indiquer une grosse planète dont la masse serait suffisante pour produire un mouvement observable de l’étoile. Les planètes putatives devaient également montrer une période suffisamment courte (inférieure à 25 jours) pour que le signal observé ne soit pas trop entaché d’erreur. Ils trouvent que dans 35% des cas, il s’agit d’un système d’étoiles binaires et non d’une étoile et une exoplanète… 

Il apparaît en fait que des systèmes d’étoiles binaires peuvent tout à fait produire le même type de variation de luminosité que ce que les astronomes exploitant Kepler attribuent à des planètes géantes. Trois scénarios sont à l’œuvre : le premier implique une naine brune ou une étoile de très faible masse en orbite autour d’une étoile plus grosse. Le second met en œuvre un système à trois étoiles dans lequel une étoile très brillante éblouit un système binaire à éclipses, de telle manière que l’éclipse observée semble moins abrupte, mimant ce qui se passe en termes de luminosité avec une exoplanète. Le troisième cas possible est un système binaire avec des étoiles de taille presque similaire dont les disques se superposent partiellement à chaque éclipse, produisant ainsi une faible variation de luminosité.

Téléscope de 193 cm de l'Obs de Haute-Provence
Ces systèmes binaires ont des caractéristiques qui peuvent être assez différentes d’un système exoplanétaire, comme par exemple la forme de courbe de variation de luminosité. Une exoplanète étant beaucoup plus petite que son étoile, lors d’un transit, la luminosité varie très rapidement puis reste constante durant le transit, pour réaugmenter aussi vite. La courbe correspondante doit former un U caractéristique.
La variation de luminosité d’un système binaire se chevauchant (le cas 3 que j’ai mentionné ci-dessus) est différente, devant former une forme en V… Les instruments de Kepler ont suffisamment de précision pour mesurer ces petites différences, qu’il faut donc absolument exploiter.
Pour éliminer les fausses candidates, une autre méthode consiste également à évaluer la densité de l’étoile, à partir de la durée du transit observé. Une densité incohérente avec la température (par ailleurs connue) de l’étoile doit immanquablement indiquer la présence d’un système binaire et non d’une exoplanète. Enfin, la dernière méthode consiste à faire ce qu’ont fait les astronomes français et portugais : suivre et mesurer le petit mouvement stellaire provoqué par la planète, mais cette méthode est difficile car notamment très chronophage en temps de télescope, et s’avère très limité pour les petites exoplanètes.

Idéalement chaque exoplanète candidate devrait subir une observation approfondie pour vérifier sa vraie nature. Le travail semble de plus en plus considérable chaque jour, sans compter qu’il est aussi nécessaire de mieux maitriser encore notre compréhension des étoiles binaires… 

Références : 
SOPHIE velocimetry of Kepler transit candidates, A false-positive rate of 35% for Kepler close-in giant candidates
Santerne, A. et al. 
Astron. Astrophys. 545, A76 (2012). 

Extrasolar planets: Astrophysical false positives
Andrew Collier Cameron 
Nature 492, 48–50 (06 December 2012)

5 commentaires :

Anonyme a dit…

Bonsoir Eric,sujet tres interessant,instructif egalement,vraiment un délice de te lire! jean pierre.

Dr Eric Simon a dit…

Merci pour vos encouragements, tout le plaisir est pour moi !..

Anonyme a dit…

Bonjour,
Merci pour cet article un peu à contre courant de la tendance actuelle à l'euphorie de découvertes d'exoplanètes.
Je suis un peu dubitatif cependant sur le cas des "système binaires avec des étoiles de taille presque similaire dont les disques se superposent partiellement à chaque éclipse, produisant ainsi une faible variation de luminosité".
Même s'ils existent, ils doivent être cependant relativement marginaux en termes d'existence pure et surtout d'alignement avec la Terre.
Merci pour votre article.
Alain.

Vincent R a dit…

Merci pour ces superbes articles ! Comme dit précedement le chiffre de 35% de faux positifs semble énorme. Certe l doit y avoir une quantité non négligeable de fausses détections mais ce chiffre de 1/3 me laisse dubitatif. Quelle est la marge d'erreur du 193 de l'OHP ? J'ai l'intime conviction que ce 35% est une valeur haute, mais ce n'est qu'une bete intuition, et puis comme souvent répété dans les détections de transits, i y a toute une gamme d'alignements imparfaits entre la Terre et la candidate exoplanète.
Et n'oublions pas non plus que Kepler n'oserve pas des régions proche, mais que pour des raisons statistiques il scrute bien plus loin que le voisinage solaire, ce qui certainement doit apporter son lot d'imprécision.

Encore merci de tous ces articles!

Démonarc a dit…

La frontière entre naine brune et géante gazeuse est parfois difficile à préciser.
De toute manière que ce soit des géantes gazeuses ou des naines brunes l'intérêt reste faible vu l'impossibilité dans les 2 cas de s'y poser.