mardi 22 mars 2016

Les tous premiers instants d'une supernova observés en direct

Le flash de lumière produit par l’onde de choc d’une étoile en train d’exploser a été observé en direct pour la première fois. On doit cette prouesse au télescope chasseur d’exoplanètes Kepler.



Illustration du flash de l'éclatement de choc de KSN 2011d
(NASA Ames, STScI/G. Bacon)
Ce flash intense précédent tout juste l’explosion d’une supernova de type II (une supernova par effondrement de cœur) est appelé par les astrophysiciens l’ « éclatement de choc » (shock breakout).
L’équipe de Peter Garnavich, professeur à l’Université de Notre Dame (Indiana), a analysé des images enregistrées par le télescope Kepler toutes les 30 minutes durant une période de 3 ans sur une vaste population de plus de 500 galaxies, à la recherche de supernovas.
Et dans les données de 2011 de Kepler, ils ont réussi à en trouver 2 par cette méthode où la patience est de mise. Ces deux étoiles étaient toutes les deux des étoiles supergéantes rouges. La première, KSN 2011a, située dans une galaxie à 700 millions d’années-lumière et 280 fois plus grande que le soleil, et la seconde, nommée KSN 2011d, était située à 1,2 milliards d’années-lumière avec une taille dépassant 490 fois celle du soleil. La taille des étoiles initiales est déduite grâce aux valeurs du maximum de luminosité des supernovas et du temps de montée de la luminosité jusqu’au maximum, dans la courbe traçant la luminosité de la supernova en fonction du temps.

Comparaison des courbes de luminosité observée et simulée pour KSN 2011d.
 Le flash d'éclatement de choc se situe au temps 0. (P. Garnavitch et al.)
Les chercheurs américains et australiens du programme Kepler Extragalactic Survey (KEGS) ont réussi à observer pour l’une d’entre elles le tout début de l’explosion : l’instant où l’onde de choc qui se propage à l’intérieur de l’enveloppe de l’étoile atteint sa surface, ce qui produit cet intense flash de lumière. Ce processus d’ « éclatement de choc » ne dure qu’à peine 20 minutes; la capture de cet instant fugace représente une mine d’or pour les astrophysiciens. Le flash de luminosité dû à l’éclatement de choc, qui est observé ici pour la première fois, atteint près de 12% de l’intensité maximale du pic de lumière de la supernova et est en parfait accord avec les simulations antérieures.
Peter Garnavich le dit lui-même : « Pour parvenir à observer un phénomène qui se déroule sur une échelle de l’ordre de quelques minutes comme l’éclatement de choc, il faut observer le ciel presque en continu. On ne sait pas à l’avance quand une supernova va apparaître, et le suivi du télescope Kepler nous a permis d’être les témoins du début de l’explosion. ». 
Les deux supernovas observées correspondent bien globalement aux modèles de supernova de type II, renforçant  la théorie sous-jacente. Mais elles montrent aussi l’existence d’une variabilité insoupçonnée pour certains détails. Alors que les deux explosions ont généré une quantité d’énergie similaire (2. 1051 erg), la plus petite des deux supergéantes, KSN 2011a, n’a pas montré ce fameux flash d’éclatement de choc. Les astrophysiciens pensent que ce pourrait être dû au fait que KSN 2011a aurait pu être entourée de gaz pouvant masquer l’onde de choc quand celle-ci a atteint la surface de l’étoile, d’autant plus que sa courbe de luminosité a augmenté plus vite que ce qui est prédit par le modèle ce qui peut être très bien expliqué par la présence de matière circumstellaire rejetée antérieurement par l’étoile supergéante.


L’équipe de Peter Garnavitch a presque terminé de fouiller dans les données de Kepler antérieures à 2013 (et son avarie de roue gyroscopique qui a bouleversé sa mission initiale). Mais la même équipe a déjà commencé à explorer les données archivées de la mission K2 (Kepler 2) à la recherche de l’apparition de nouvelles supernovas et surtout de nouveaux flashs d’éclatements de chocs.


Source :

Shock breakout and early light curves of type II-p supernovae observed with Kepler
P. M. Garnavich et al.
The Astrophysical Journal, Volume 820, Number 1 (14 March 2016)

5 commentaires :

blackhole a dit…

Bonjour,
merci pour cet excellent article.
Toutefois une petite question, pourquoi utiliser le erg comme unité d'énergie ? Il y a bien longtemps qu'on est passé au système SI.

Dr Eric Simon a dit…

C'est une sorte de convention tenace, les astrophysiciens expriment toujours l'énergie des supernovas en ergs... On peut rappeler que 1Joule = 10 millions erg.

Thomas Guiraud a dit…

Je propose qu'on utilise désormais l'énergie de cette supernova comme convention d'écriture de l'énergie ! Exemple, à midi, mon sandwich m'a apporté 8,64.10-39 SuperNova ou 8,64.10-15 yoctoSuperNova si on tient à se la jouer

Lumineuse comme idée, non :D ?

Anonyme a dit…

bonjour,
j'aurais voulu avoir une précision, il est ecrit que KSN2011d faisait 490x la taille du soleil, je m'interroge, parle-t-on de masse solaire ou du volume et donc du diamètre?
excusez cette question d'amateur mais en ce qui me concerne cela m'apporterait un eclaircissement.
Cordialement.

Dr Eric Simon a dit…

Votre question est importante, car j'aurais dû le préciser : il s'agit du diamètre de l'étoile, et non de sa masse. Les supergéantes sont beaucoup plus volumineuses que le soleil, mais pas beaucoup plus massives que le soleil ("seulement" quelques fois à quelques petites dizaines de fois plus massives au plus).