jeudi 7 avril 2016

Des supernovas proches ont laissé des traces radioactives sur la Terre

Deux études parues cette semaine dans la revue britannique Nature confirment que de multiples explosions de supernovas ont irradié la Terre il y a quelques millions d'années. La première étude rapporte la découverte de traces d'un isotope rare du fer au fond des océans, le Fer-60, seulement produit au cœur des supernovas, et la seconde étude modélise quelles ont pu être les supernovas responsables de cet apport radioactif dans le voisinage du système solaire. Ces deux études indépendantes sont tout à fait cohérentes entre elles.



Modélisation de la distribution spatiale du Fer-60 dans la Bulle Locale
(la croix représente la position du système solaire) (Michael Schulreich)
Dieter Breitschwerdt du Berlin Institute of Technology et ses collaborateurs ont modélisé ce que les chercheurs appellent la "bulle locale", une région de gaz chaud large de 600 années-lumière, qui semble entourer le système solaire. Les astrophysiciens allemands, grâce à la modélisation de la distribution spatiale du Fer-60, ont trouvé que cette vaste structure a dû être produite par l'explosion d'un grand nombre de supernovas par effondrement de cœur (SN de type II) : entre 14 et 20 supernovas faisant toutes partie d'un même groupe d'étoiles en mouvement. Ils parviennent à estimer non seulement quelles étaient leurs masses et leur position exacte, mais aussi les quantités de Fer-60 qui ont été injectées au sein du système solaire au cours de son mouvement à proximité du lieu des explosions. Les deux explosions de supernova les plus récentes modélisées par Breitschwerdt et al. datent respectivement de 1,5 et 2,3 millions d'années.
Le Fer-60 est un isotope du fer qui comporte 4 neutrons en plus par rapport à l'isotope le plus abondant naturellement (et stable), le Fer-56. Il n'est produit que lors de l'explosion d'une supernova quand le cœur de fer capture des neutrons rapides et thermiques successivement. Il est radioactif (émetteur béta/gamma) avec une demie-vie (durée durant laquelle la moitié des noyaux à subi une désintégration) de 2,6 millions d'années.

Les premières traces de Fer-60 sur Terre ont été trouvées en 1999 sur le plancher océanique du Pacifique, elles indiquaient un âge du dépôt d'environ 2 millions d'années.  Mais de nouvelles mesures de Fer-60 sont rapportées cette semaine dans le même numéro de Nature, cette fois-ci beaucoup plus nombreuses (120 échantillons rapportés) et disséminées sur de nombreux points du globe (dans les océans Indien, Pacifique et Atlantique). Ces nouvelles mesures du Fer-60 retracent ainsi près de 11 millions d'années de l'histoire de la Terre. Elles montrent un pic d'abondance du 60Fe il y a entre 1,5 et 3,2 millions d'années. Cette large période a surpris le physicien Anton Wallner (Australian National University à Canberra) et ses collaborateurs qui ont mené cette étude.
L'équipe de Wallner trouve également une forte abondance de l'isotope 60 du fer plus tôt, entre 6,5 et 8,7 millions d'années, mais c'est le premier dépôt qui semble le mieux correspondre à la modélisation de l'équipe de Dieter Breitschwerdt. Les chercheurs australiens concluent à l'existence de multiples événements de type supernova à proximité dans les 10 derniers millions d'années.
De plus, les deux équipes, à partir de leurs résultats (simulations pour l'un, mesures pour l'autre), calculent la distance qui devait être celle des supernovas et tombent sur la même valeur : 300 années-lumière au maximum.

La date présumée de cette série de supernovas correspond, sans que l'on puisse faire une corrélation encore à ce stade, à un événement sur Terre qui correspond à un refroidissement général du climat et le passage du Pliocène au Pléistocène, il y a environ 2,5 millions d'années.
Au-delà d'un impact éventuel sur le climat terrestre, de telles explosions stellaires auraient été assez proches de la Terre pour éclairer le ciel autant que la pleine Lune, mais tout de même trop éloignées pour l'affecter sévèrement ou causer une extinction de masse, d'après Adrian Melott, spécialiste de l'Université du Kansas. Mais il ajoute : "Ces événements ne sont tout de même pas suffisamment éloignés pour que l'on puisse tout à fait les ignorer". 


Sources : 

The locations of recent supernovae near the Sun from modelling 60Fe transport
D. Breitschwerdt et al.
Nature Vol 532, (7 April 2016)
http://dx.doi.org/10.1038/nature17424

Recent near-Earth supernovae probed by global deposition of interstellar radioactive 60Fe
A. Wallner et al.
Nature Vol 532, (7 April 2016)
http://dx.doi.org/10.1038/nature17196

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