Cela fait maintenant 12 ans que la sonde Cassini enregistre des données en orbite autour de Saturne. Parmi ses nombreux instruments, la sonde possède un analyseur de grains de poussière, qui en a détecté des millions, pour la grande majorité d'entre eux faits de glace, mais parmi tous ces grains, il y en a 36 qui sont très différents des autres...
Vue d'artiste de la détection de poussière interstellaire par Cassini autour de Saturne (NASA/JPL/Caltech) |
Le Cosmic Dust Analyzer (CDA) de Cassini a permis d'analyser la composition chimique de ces 36 grains. Les chercheurs en déduisent que cette trentaine de grains de poussière provient de l'extérieur de notre système solaire, du milieu interstellaire. Ce n'est pas une première car les sondes Ulysses, dans les années 1990 , puis Galileo dix ans plus tard et Stardust en 2014 avaient déjà trouvé quelques grains de poussière du même type.
Ces grains de poussière proviennent du nuage interstellaire local, une bulle de gaz et de poussières que le système solaire et son cortège de planètes est en train de traverser. Les scientifiques responsables de l'instrument CDA de Cassini, autour de Nicolas Altobelli (ESA) espéraient depuis longtemps pouvoir attraper quelques spécimens poussiéreux en cherchant dans la bonne direction et en sélectionnant la bonne vitesse. La traque s'est déroulée depuis le début de la mission et CDA a capturé en moyenne quelques grains interstellaires par an ayant une grande vitesse et montrant une direction très différente de celle des très nombreux autres grains de poussière saturniens. Ces grains de poussière ont une vitesse si importante (72 000 km/h) qu'ils ne peuvent pas être capturés ni par l'attraction gravitationnelle de Saturne, ni par celle du Soleil.
Alors que les sondes précédentes n'avaient que détecté la présence de ces grains très rapides, la nouveauté apportée par Cassini est qu'elle a pu effectuer leur analyse chimique. Ces grains ne sont pas constitués de glace mais d'un mélange de minéraux particuliers, et sont étonnamment similaires entre eux. On y trouve les composants des roches : magnésium, silicium, fer, calcium et oxygène, sous la forme de silicates riches en magnésium avec des inclusions ferreuses. L'équipe de Nicolas Altobelli montre dans son article publié dans Science, en revanche, que des éléments plus réactifs comme le carbone ou le soufre sont moins abondants que la moyenne estimée du nuage local.
Le Cosmic Dust Analyzer de Cassini (NASA/JPL) |
La grande similitude dans la composition de ces 36 grains de poussière est inattendue. En effet, cette matière provenant d'explosions d'étoiles, et le type d'étoiles pouvant être assez divers, les chercheurs s'attendaient à trouver des compositions chimiques variées. Une autre surprise est que ces grains ne semblent pas aussi vieux et primitifs que ceux que l'on peut trouver dans des météorites anciennes.
Nicolas Altobelli et ses collaborateurs pensent que ces grains de poussière interstellaire, provenant d'une région de formation d'étoiles de troisième génération, pourraient être détruits puis recondensés plusieurs fois dans un processus répétitif à chaque passage d'une onde de choc produite par une explosion d'étoile de la génération précédente, avant d'être finalement accélérés une dernière fois pour arriver au niveau du système solaire.
Nicolas Altobelli précise : "La longue durée de la mission Cassini nous a permis de l'utiliser comme un observatoire de micrométéorites, nous donnant un accès privilégié à la poussière de l'extérieur du système solaire qui aurait été inaccessible autrement."
La mission Cassini se poursuit pour encore une bonne année autour de la belle aux anneaux, et, qui sait, avec peut-être l'analyse de quelques nouveaux petits grains de poussière venus de loin.
Source :
Flux and composition of interstellar dust at Saturn from Cassini’s Cosmic Dust Analyzer
N. Altobelli et al.
Science Vol. 352, Issue 6283 (15 Apr 2016)
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