vendredi 15 avril 2016

Akatsuki dévoile ses premières images de Vénus

En décembre dernier, les ingénieurs japonais de la JAXA parvenaient à mettre enfin leur sonde Akatsuki en orbite de Vénus après 5 ans d'errance dans le système solaire. La semaine dernière, ses premiers résultats ont été présentés à la conférence International Venus Conference ayant lieu à Oxford. On y découvre notamment dans l'atmosphère vénusienne des nuages acides striés ainsi qu'une forme mystérieuse mouvante en forme d'arc.



Malgré ses 5 années de voyage non prévues au départ, les instruments scientifiques embarqués sur Akatsuki semblent fonctionner parfaitement. On se souvient qu'un défaut sur une valve avait empêché le moteur principale de la sonde de s'allumer à temps pour ralentir et la mettre en orbite de Vénus en 2010, l'envoyant alors sur une orbite autour du Soleil. A l'occasion du passage de Akatsuki non loin de Vénus en 2015, les ingénieurs japonais ont réussi, grâce à ses moteurs auxiliaires, à dévier la sonde pour qu'elle entre dans le champ gravitationnel de Vénus, sur une nouvelle orbite assez différente de l'orbite prévue initialement (une période de 10,5 jours au lieu de 30h et une distance maximale de 370 000 km au lieu de 80 000 km).
Les nuages striés de Vénus (à gauche) et la structure mystérieuse en forme d'arc (blanchâtre, à droite) (JAXA)
Les résultats présentés consistent notamment en des images acquises par les cinq imageurs de Akatsuki, couvrant le spectre des infra-rouges aux ultraviolets, et on y voit des détails très fins des couches denses de nuages d'acide sulfurique. Les images à haute résolution obtenues en infra-rouge suggèrent notamment que les processus à l'origine de la formation des nuages de Vénus pourraient être plus complexes que ce que l'on pensait. Et ces premières images ont été obtenues à une distance de la sonde de 100 000 km de la planète, alors qu'elle doit s'en approcher bientôt à une distance de seulement 4000 km (la mission initiale devait produire un survol à 300 km...). Les prochaines images devraient ainsi révéler de bien meilleurs résultats.

La forme en arc aperçue avec l'imageur thermique LIR (Long -wave InfraRed) intrigue les chercheurs. Cette structure nuageuse qui s'étend d'un pôle à l'autre en plusieurs jours, semble tourner de façon synchrone avec la surface de Vénus et non pas avec son atmosphère (qui a une rotation beaucoup plus rapide). Le phénomène pourrait être dû à une sorte d'encrage sur des structures au sol, selon Makoto Taguchi, qui dirige l'équipe du LIR. La plupart des planétologues présents lors de cette présentation sont étonnés de voir un tel phénomène, à l'image de la planétologue Suzanne Smrekar du JPL de la NASA qui dit : "C'est assurément quelque chose de bien mystérieux!".

Akatsuki est désormais la seule sonde en activité autour de Vénus après la fin de mission de Venus Express en 2014 (voir là). Son orbite a été à nouveau légèrement modifiée le 4 avril dernier, de manière à ce qu'elle puisse continuer à tourner autour de Vénus pour plusieurs années, ainsi que pour qu'elle puisse étudier la zone équatoriale de la planète comme prévu initialement.
L'inconvénient majeur est l'orbite de la sonde qui est bien plus allongée que celle imaginée à l'origine, passant 5 fois plus loin dans son point le plus distant. Les images obtenues seront donc toujours moins résolues que ce qu'on pouvait espérer au lancement de la mission, mais les japonais sont optimistes en précisant que cet inconvénient pouvait devenir un avantage en permettant de produire des images de Vénus dans son entier et ainsi de capturer dans son atmosphère des structures à grande échelle évoluant dans le temps.

C'est en décembre prochain que la NASA devrait décider si elle retient l'un des deux projets vénusiens qui ont été short-listés parmi les 5 projets retenus pour être lancés au début des années 2020 par les américains. Le succès de Akatsuki pourrait faire pencher sérieusement la balance, surtout si de nouveaux phénomènes intrigants comme un nouveau type de volcanisme méritent d'être suivis de près...

Source:

Rescued Japanese spacecraft delivers first results from Venus
Elizabeth Gibney
Nature 532, 157–158 (14 April 2016)

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