24/12/16

Première mesure du spectre électromagnétique de l'atome d'antihydrogène


La collaboration ALPHA au CERN vient pour la première fois de mesurer le spectre électromagnétique d'absorption d'atomes d'antihydrogène, composés d'un antiproton et d'un positron. Cette expérience ouvre une nouvelle ère dans l'étude à haute précision de l'antimatière.




Le but de cette expérience est de comparer la transition observée dans l'anti-hydrogène à celle communément observée dans l'hydrogène, pour savoir si les deux types de matière obéissent aux mêmes lois physiques. L'enjeu est de taille car la détection d'une différence aussi petite soit elle peut ébranler les principes fondamentaux de la physique et pourrait permettre de comprendre l'asymétrie qui existe entre matière et antimatière dans l'Univers. 

La spectroscopie, qui permet de sonder les états d'énergie des atomes (plus exactement les états d'énergie des électrons liés aux noyaux), est un outil puissant pour caractériser les atomes et molécules. Le spectre de l'hydrogène, qui est l'élément le plus simple, comportant un seul électron, a été mesuré avec une très grande précision depuis presque deux siècles. Pour faire la même chose sur des atomes d'antihydrogène, le challenge est de pouvoir fabriquer de tels antiatomes. Car si on sait assez facilement fabriquer et conserver des positrons (antiélectrons) et des antiprotons, la difficulté est de les faire se rencontrer et ensuite s'apprivoiser pour former de vrais antiatomes et enfin les conserver suffisamment longtemps pour les étudier. C'est à cette tâche ardue que se sont attaqué les physiciens de l'expérience ALPHA installée au CERN. 

Les physiciens mélangent des bouffées de plasma contenant 90000 antiprotons produits par le Antiproton Decelerator du CERN et 1,6 millions de positrons. Ils parviennent à produire environ 25000 atomes d'antihydrogène à chaque décharge, qu'ils doivent ensuite conserver dans le vide sous peine de les voir s'annihiler avec la matière environnante. Les atomes d'antihydrogène sont électriquement neutres mais possèdent un léger moment magnétique, comme leurs cousins "normaux". Grâce à cette caractéristique, les physiciens parviennent avec des champs magnétiques particuliers, à en ralentir et à en conserver quelques uns durant quelques centaines de secondes, le temps de les illuminer avec des faisceaux lasers réglés sur une longueur d'onde très précise correspondant à la transition attendue (celle de l'hydrogène) : 243 nm (lumière UV).
La transition observée est la transition nommée 1s-2s. Or l'état 2s dans l'hydrogène atomique à une durée de vie assez longue, plus de 100 ms, ce qui permet des mesures précises.
Le résultat que publient les chercheurs de ALPHA dans le numéro de Nature de cette semaine est le suivant : la fréquence de la transition observée dans l'antihydrogène est identique à celle mesurée dans l'hydrogène, avec une précision de quelques 10-10 (alors que celle mesurée dans l'hydrogène atteint une précision de 10-15). Le modèle standard des particules est donc à nouveau conforté avec une absence de violation de la symétrie CPT... et l'asymétrie matière-antimatière de l'Univers reste donc mystérieuse (l'inverse aurait sans doute fait plus de bruit...)

La collaboration ALPHA va maintenant tenter d'améliorer encore la précision de ses mesures pour affermir toujours plus ce résultat unique au monde.

Source :

Observation of the 1S–2S transition in trapped antihydrogen
M. Ahmadi et al.
Nature online (19 december 2016) 
http://dx.doi.org/10.1038/nature21040


Illustration :

L'installation de l'instrument ALPHA-2 (CERN)


2 commentaires :

Unknown a dit…

Centaines ou centièmes de secondes?

Dr Eric Simon a dit…

C'est bien des centaines de secondes (environ 600 secondes).