Pour la première fois, des astrophysiciens ont pu mesurer précisément la masse et la taille d'une étoile à neutrons, un pulsar nommé PSR J0030+0451 (ou PSR J0030), grâce au télescope NICER (Neutron star Interior Composition Explorer) installé sur l'ISS. Leurs observations ont également permis d'identifier des points chauds présents à la surface de l'étoile à neutrons. Six études de plusieurs équipes qui ont toutes été publiées dans un cahier spécial de The Astrophysical Journal Letters.
Le pulsar PSR J0030+0451 se trouve dans une région assez isolée, à 1174 années-lumière. Il a une période de rotation sur lui-même de 4,87 millisecondes (205 tours par seconde). NICER est dédié à la détection de rayons X résolue en temps, il est donc tout à fait adapté à l'observation de l'émission de rayons X associée aux pulsars en rotation rapide.
Depuis des décennies, les astrophysiciens essayent de comprendre comment fonctionnent les pulsars. Dans le modèle le plus simple, un pulsar possède un champ magnétique très puissant qui peut arracher des particules de la surface de l'étoile à neutrons et les accélérer. Certaines particules suivent les lignes de champ magnétique en s'enroulant autour et vont frapper la surface de l'étoile à neutrons sur la face opposée au niveau de l'autre pôle magnétique. Elles doivent alors produire un échauffement intense de la surface au niveau des pôles magnétiques, un échauffement qui va se traduire par une émission de rayons X sur une surface relativement réduite, ressemblant à un ou plusieurs "points chauds". En fait toute l'étoile à neutrons brille un peu en rayons X mais les points chauds doivent être beaucoup plus lumineux que le reste de la surface. Comme l'étoile à neutrons tourne rapidement sur elle-même, les points chauds sont vus en mouvement incessant, apparaissant et disparaissant à la fréquence de rotation du pulsar. C'est ce qu'observe NICER.
Avec les données acquises sur PSR J0030 entre juillet 2017 et décembre 2018, deux équipes indépendantes ont cartographié les points chauds visibles en rayons X sur la surface du pulsar. Ils en déduisent la masse ainsi que le diamètre du pulsar.
L'équipe de Thomas Riley (Université d'Amsterdam) trouve une masse de 1,3 masses solaires et un diamètre de 25,4 km, tandis que l'équipe de Cole Miller (Université du Maryland) trouve une masse de 1,4 masses solaires et un diamètre de 26 km.
Les valeurs sont donc convergentes et permettent de mieux connaître l'équation d'état des pulsars de ce type, c'est à dire les lois physiques qui régissent la structure interne de ces astres extrêmes (pression, température, densité, ...). Un pulsar est si dense qu'il déforme l'espace-temps à son voisinage. L'espace-temps est si distordu que les photons émis sur la face opposée (qu'on ne "voit pas") sont fortement déviés et peuvent être redirigés dans notre ligne de visée. Cet effet relativiste fait simplement apparaître l'étoile à neutrons plus grosse qu'elle n'est en réalité. L'effet implique également que les points chauds peuvent ne jamais vraiment disparaître de notre vue lorsqu'ils se retrouvent sur la face cachée (opposée). NICER est à même de mesurer ces effets avec les plus grands détails, sa résolution temporelle est de l'ordre de 100 nanosecondes seulement, une performance inégalée pour un tel télescope X.
Les deux équipes d'astrophysiciens ont trouvé plusieurs points chauds situés dans l'hémisphère sud de l'étoile à neutrons alors que nous la voyons par son hémisphère nord. Il s'attendaient à n'en voir qu'un seul... Pour arriver à ce résultat, les astrophysiciens ont dû faire tourner des grosses simulations sur un superordinateur muni de plusieurs milliers de coeurs. L'équipe de Riley trouve deux points chauds : un de forme circulaire et l'autre en forme de croissant. Le groupe de Miller, lui, trouve deux solutions possibles : une solution à deux points chauds circulaires et une solution à trois points chauds.
C'est la toute première fois que l'on parvient à imager le nombre, la forme et la taille de points chauds d'émission de rayons X à la surface d'un pulsar. Les chercheurs ont encore du mal à expliquer le nombre et la forme des points chauds détectés, mais ce qu'ils en déduisent les uns comme les autres, c'est que les champs magnétiques de PSR J0030 sont plus complexes que le modèle traditionnel d'un système magnétique dipolaire.
De nouvelles observations vont être nécessaires pour approfondir le phénomène des points chauds à la surface des étoiles à neutrons. Or, une étude parallèle effectuée avec NICER toujours, est publiée dans le même cahier spécial que les études sur PSR J0030, et elle indique la détection de 5 pulsars millisecondes par leurs rayons X pulsés dont l'émission ressemble fortement à des points chauds de surface. Ce seront donc des cibles de choix pour de futures observations détaillées du type de celles effectuées sur PSR J0030, ouvrant la possibilité d'une meilleure compréhension des champs magnétiques des pulsars millisecondes et de leur équation d'état via la mesure de leurs caractéristiques masse/taille. Cette étude menée par le français Sébastien Guillot (IRAP, Toulouse) montre par ailleurs une petite étrangeté dans 3 des 5 pulsars analysés : un décalage de phase significatif entre la pulsation X et la pulsation radio du pulsar...
Sources
Focus on NICER Constraints on the Dense Matter Equation of State
Zaven Arzoumanian & Keith C. Gendreau (NASA Goddard Space Flight Center)
The Astrophysical Journal Letters
https://iopscience.iop.org/journal/2041-8205/page/Focus_on_NICER_Constraints_on_the_Dense_Matter_Equation_of_State
A NICER View of PSR J0030+0451: Millisecond Pulsar Parameter Estimation.
The Astrophysical Journal Letters 887, L21
T.E. Riley et al.
A Nicer View of PSR J0030+0451: Implications for the Dense Matter Equation of State.
G. Raaijmakers et al.
The Astrophysical Journal Letters 887, L22
A NICER View of PSR J0030+0451: Evidence for a Global-scale Multipolar Magnetic Field.
A.V. Bilous et al.
The Astrophysical Journal Letters 887, L23;
PSR J0030+0451 Mass and Radius from NICER Data and Implications for the Properties of Neutron Star Matter
M.C. Miller et al.
The Astrophysical Journal Letters 887, L24
Constraining the Neutron Star Mass-Radius Relation and Dense Matter Equation of State with NICER. I. The Millisecond Pulsar X-Ray Data Set.
Slavko Bogdanov et al.
The Astrophysical Journal Letters 887, L25
Constraining the Neutron Star Mass–Radius Relation and Dense Matter Equation of State with NICER. II. Emission from Hot Spots on a Rapidly Rotating Neutron Star
Slavko Bogdanov et al.
The Astrophysical Journal Letters 887, L26
NICER X-Ray Observations of Seven Nearby Rotation-powered Millisecond Pulsars
Sebastien Guillot et al.
The Astrophysical Journal Letters 887, L27
Illustration
1) Visualisation des points chauds de PSR J0030+0451 calculés par les deux équipes indépendamment (Goddard Space Flight Center)
1) Visualisation des points chauds de PSR J0030+0451 calculés par les deux équipes indépendamment (Goddard Space Flight Center)
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