L'événement gravitationnel GW 190425 vient d'être publié par la collaboration LIGO/Virgo, et ce n'est pas n'importe quel événement gravitationnel : il s'agit de la deuxième fusion très très probable de 2 étoiles à neutrons, avec cette fois-ci une masse totale des deux composantes qui est élevée par rapport aux couples d'étoiles à neutrons que l'on connaît classiquement : 3,4 masses solaires. Aucun signal électromagnétique n'a hélas pu être trouvé en coïncidence.
L'étude approfondie de l'événement GW 190425 qui a été détecté par LIGO/Virgo le 25 avril 2019 est publiée aujourd'hui et présentée ce même jour lors du 235è meeting de l'American Astronomical Society à Hawaï. La précédente fusion d'étoiles à neutrons avait été détectée souvenez-vous le 17 août 2017 (GW 170817) lors du run 02 des interféromètres LIGO et Virgo et avait mené à la détection simultanée des ondes gravitationnelles et d'un signal électromagnétique dans toutes les longueurs d'ondes. Cette fois-ci, ce n'est hélas pas le cas. Le train d'ondes gravitationnelles de GW 190425 vient de 4 fois plus loin que son illustre prédécesseur : 520 millions d'années-lumière, et il a été mal détecté par l'interféromètre européen Virgo, un signal trop bruité et pas du tout par LIGO-Hanford qui était à l'arrêt. Seul LIGO-Livingston l'a bien détecté. La conséquence est une mauvaise localisation dans le ciel, laissant une très grande zone pour l'origine de ce signal, annihilant toute chance de détecter un signal radio ou gamma simultané.
Le run 03 de LIGO/Virgo a débuté le 1er avril 2019 et doit se poursuivre jusqu'au 30 avril 2020. Il a été juste arrêté durant le mois d'octobre pour apporter quelques améliorations sur LIGO Hanford et sur Virgo (qui a vu sa puissance laser augmenter de 50%). Durant les huit mois actifs de 2019, les 3 interféromètres laser ont détecté en tout 42 événements candidats d'ondes gravitationnelles, ce qui porte le nombre total depuis la toute première détection à 53 déjà. Mais de nombreux événements sont toujours en cours d'analyse et sont officiellement au stade de "candidats". GW 190425 est le premier événement du run 03 officialisé en tant que tel, même si il était le 4ème événement détecté chronologiquement depuis début avril 2019. En moyenne, LIGO/Virgo ont détecté environ 1 événement par semaine depuis le printemps dernier. Rien que durant le mois de décembre 2019, 6 trains d'ondes gravitationnelles ont été détectés...
Le 25 avril 2019 à 8h18:05 (TU), les interféromètres LIGO Livingston (Louisiane) et Virgo (Italie) détectent un signal. LIGO Hanford (Washington) était malheureusement à l'arrêt ce jour là. Le signal est faible et bruité mais l'analyse permet tout de même de déterminer la masse probable de ce qui a fusionné : 3,4 masses solaires. Cette masse totale est a priori trop faible pour être 2 trous noirs, mais un peu élevée pour être 2 étoiles à neutrons. Mais c'est tout de même l'hypothèse de deux étoiles à neutrons qui est la plus probable selon les chercheurs de la vaste collaboration scientifique. Le signal de Virgo étant quasi inexploitable (LIGO était alors 3 fois plus sensible que Virgo), la localisation de la source est impossible sur une zone représentant 20% du ciel, et aucun signal électromagnétique n'a pu être mis en évidence, ni de signal de neutrinos d'ailleurs, malgré les 118 suivis de tous types qui sont partis à l'affût dès la réception de l'alerte 43 minutes plus tard.
La distance de la collision/fusion est assortie d'une incertitude assez grande aussi, elle est comprise entre 290 millions et 740 millions d'années-lumière. Les masses des deux composantes qui est déduite de la forme du train d'ondes gravitationnelles sont comprises entre 1,6 et 2,5 masses solaires pour la première et entre 1,4 et 1,7 masses solaires pour la seconde, très inattendu...
Les astrophysiciens de LIGO/Virgo émettent des hypothèses pour la formation de deux étoiles à neutrons de masse si élevée formant un couple. La première fait appel à une formation dans un couple très resserré à l'origine, avec une période très courte, ce qui représenterait alors une nouvelle population d'étoiles à neutrons. Une alternative serait qu'une étoile à neutrons aurait pu passer à proximité immédiate d'un couple étoile à neutrons/étoile normale et aurait éjecté l'étoile normale pour prendre sa place. Les chercheurs évoquent aussi la possibilité que les ondes gravitationnelles détectées aient subi un effet de lentille gravitationnelle, à l'image de ce qui se passe souvent avec les photons, ce qui aurait pour effet de surestimer la masse totale impliquée dans la coalescence.
Enfin, les astrophysiciens gravitationnels ne manquant pas d'imagination, ils évoquent une dernière piste qui serait que l'une des composantes (voire les deux), serait un trou noir au lieu d'une étoile à neutrons, ce que le signal détecté ne permet pas d'exclure complètement. Mais dans ce cas, nous aurions affaire à un (ou des) trou noir de très faible masse (pour un trou noir), ce qui pourrait correspondre à un (ou des) trou noir primordial s'étant formé dans l'Univers très jeune...
En gardant l'hypothèse raisonnable et probable qu'il s'agit d'un couple d'étoiles à neutrons, grâce à la détection précédente de GW 170817 (dont la masse totale faisait 2,7 masses solaires) et à la connaissance de la sensibilité de leurs détecteurs, les chercheurs calculent la probabilité d'apparition de tels cataclysmes dans un certain volume d'Univers : dans un cube d'Univers de 1 Gpc de côté (3,26 milliards d'années lumière), il doit arriver entre 250 et 2810 fusions d'étoiles à neutrons par an...
De nombreux nouveaux articles des collaborations LIGO et Virgo vont certainement paraître dans les mois qui viennent, cette fois consacré aux dizaines d'événements plus banals de fusions de trous noirs observés en 2019, mais espérons-le aussi à d'autres fusions d'étoiles à neutrons, qui paraissent tout de même un peu plus intéressantes que de simples trous de l'espace-temps.
Source
GW190425: Observation of a Compact Binary Coalescence with Total Mass ∼ 3.4 M⊙
LIGO/Virgo Collaborations
Illustrations
1) Localisation la plus probable de GW 190425 (LIGO/Virgo Collaborations)
2) Simulation des ondes gravitationnelles produites par GW 190425 (T. Dietrich (Nikhef), S. Ossokine, A. Buonanno (Max Planck Institute for Gravitational Physics), W. Tichy (Florida Atlantic University) and the CoRe-collaboration)
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