Le détecteur de neutrinos Borexino, installé dans le laboratoire souterrain du Gran Sasso en Italie, a réussi à détecter 53 neutrinos provenant de l'intérieur de la Terre sur une période de 3263 jours. Alors que le flux moyen estimé de ces géoneutrinos, quasi indétectables, est de l'ordre de 6 millions par centimètres carrés par seconde à la surface de la Terre... Une étude publiée dans Physical Review D.
Des neutrinos sont continuellement produits dans les réactions nucléaires des étoiles, dans les interactions des rayons cosmiques avec le milieu interstellaire ou avec l'atmosphère terrestre, mais aussi dans les réactions nucléaires des réacteurs de production d'électricité et par la radioactivité naturelle comme la désintégration de l'uranium et du thorium dans la croûte terrestre.
Dans ce dernier cas, on les appelle des "géoneutrinos". Ils sont la seule trace directe de ce qui produit l'énergie interne de notre planète, la radioactivité béta de ses constituants radioactifs.
Borexino est un gros détecteur de neutrinos constitué d'un réservoir de 280 tonnes de liquide scintillateur, instrumenté par plusieurs milliers de photomultiplicateurs. Les chercheurs de la collaboration internationale qui l'exploite cherchent à détecter toute sorte de neutrinos dont l'énergie est inférieure à 1 MeV, donc principalement des neutrinos solaires. Le détecteur avait été initialement conçu pour détecter les neutrinos monoénergétiques de 862 keV qui sont produits dans la réaction de capture électronique du béryllium-7 dans le coeur du Soleil. Le principe de détection est fondé sur la diffusion élastique des neutrinos électroniques sur les électrons dans le volume du liquide scintillateur ultrapur de la grosse cuve sphérique ou bien, dans le cas d'antineutrinos électroniques, sur la production de positrons et de neutrons après interaction sur des protons. Les électrons de recul ou les positrons et les neutrons vont ensuite déposer leur énergie directement ou indirectement (via des photons gamma) dans le volume détecteur qui va produire une lumière de scintillation caractéristique qui sera détectée par les 2212 photomultiplicateurs.
L'interaction des neutrinos ou antineutrinos de basse énergie est parmi les plus faibles de toutes les interactions des particules connues. Pour détecter ces (anti)neutrinos, on a donc besoin soit d'un grand volume cible (le liquide scintillateur) ou soit de beaucoup de temps, et le mieux est de disposer des deux en même temps... La sphère de liquide scintillateur de Borexino a un diamètre de 13,7 mètres, ce qui offre une bonne quantité d'atomes cibles et il aura fallu près de 12 années d'enregistrement de données (entre 2007 et 2019) pour réussir à attraper une petite cinquantaine de neutrinos provenant du manteau terrestre, issus de l'uranium 238 et du thorium 232 et de leurs descendants radioactifs.
53 neutrinos très exactement, noyés sous un flux bien plus imposant de neutrinos ou d'antineutrinos provenant de nombreux réacteurs nucléaires d'un peu partout sur Terre... (car Borexino les voit très bien).
A partir de ces 53 neutrinos venant des entrailles de notre planète, les chercheurs de la collaboration internationale peuvent dorénavant exclure avec une confiance de 99% l'idée qu'il n'y aurait pas de radioactivité dans le manteau terrestre.
Ils estiment aussi que la chaleur radiogénique produite par l'uranium et le thorium dans le manteau terrestre vaut 24,6 ± 11 TW (térawatts). En considérant ensuite que le potassium-40 est responsable de 18% de la chaleur produite dans le manteau et connaissant assez bien la chaleur radiogénique produite dans la lithosphère (la croûte terrestre, située au dessus du manteau), et qui vaut 8,1 ± 1,9 TW, les physiciens des particules, transformés en géophysiciens pour l'occasion, en concluent que la chaleur radiogénique totale produite par la Terre vaut 38,2 ± 13 TW , l'équivalent de ce que produiraient 40 000 réacteurs nucléaires...
Selon les physiciens, il y a une probabilité de 85% pour que les désintégrations radioactives produisent plus de la moitié de la chaleur interne de la Terre. L'autre moitié étant la chaleur résiduelle datant de la formation de la planète. Toute cette chaleur est l'énergie qui est responsable des phénomènes telluriques destructeurs comme les volcans et les séismes ou protecteurs comme le champ magnétique (via la présence d'un noyau externe métallique liquide). Il était donc crucial d'en connaître l'origine.
Source
Comprehensive geoneutrino analysis with Borexino
M. Agostini et al (Borexino Collaboration). 2020.
Phys. Rev. D 101 (21 January 2020)
Illustration
1) Schéma du détecteur Borexino (Collaboration Borexino)
2) Mode de détection des antineutrinos dans Borexino (Collaboration Borexino)
1 commentaire :
je suis déçu, on aurait pu s'attendre à ce que le compte n'y est pas et que la Lune ferait office de dynamo participant à chauffer par friction des couches, ainsi dynamiser le coeur de la Terre et enfin favoriser le champs magnétique. Du coup la Lune aurait été une condition sine qua non pour que la vie apparaisse
Les marges sont encore importantes, je vais encore y croire un peu
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