Une population de 48 sources radio compactes dont 13 attribuées à des trous noirs de grande masse vient d'être découverte au sein de 39 galaxies naines. Ces trous noirs de masse intermédiaire ont une particularité : pour la majorité d'entre eux, ils ne se trouvent pas au centre de leur galaxie ... Une étude parue dans The Astrophysical Journal cette semaine.
Amy Reines (Université du Montana) et ses collaborateurs américains ont observé un échantillon de 111 galaxies naines en ondes radio et à haute résolution avec le réseau de radiotélescope Karl Jansky Very Large Array (VLA) (entre 8 et 12 GHz), qui leur a permis d'atteindre une résolution angulaire de 0,25 secondes d'arc. Les radioastronomes avaient pré-sélectionné leurs cibles pour ne conserver que des galaxies situées à moins de 800 millions d'années-lumière et ayant une masse stellaire inférieure à 3 milliards de masses solaires.
Parmi ces 111 galaxies naines, Reines et ses collaborateurs mettent en évidence au moins une source radio compacte intense dans 39 d'entre elles. Ils ont attentivement évalué toutes les origines possibles pour ces sources radio, une par une : régions d'échauffement, résidus de supernova, jeunes supernovas, source d'arrière plan et enfin noyau actif de galaxie (trou noir accrétant).
Après analyse, 13 de ces sources radio compactes apparaissent avoir pour origine un trou noir massif, et ce malgré le fait qu'une seule de ces sources avait été reconnue auparavant avec une signature de noyau actif.
Et Amy Reines et ses collaborateurs, qui présentent leurs résultats dans la première conférence de presse spéciale de la 235ème conférence de l'American Astronomical Society ce 5 janvier à Hawaï ont en plus identifié un noyau actif double, c'est à dire un couple de trous noirs massifs, dans une galaxie naine un peu plus grosse que les autres.
A l'exception d'une galaxie (la numéro 26 de l'échantillon, dénommée RGG9), les noyaux actifs trouvés sont invisibles en infra-rouge ou en longueurs d'onde du visible.
La masse des trous noirs à l'origine des sources radio compactes détectées ne peut pas être déterminée par Reines et ses collaborateurs à partir des données radio du VLA, mais en faisant l'hypothèse qu'ils suivent la relation masse(trou noir)/masse stellaire qui est déduite de noyaux actifs mesurables sur des galaxies différentes, les trous noirs trouvés ici aurait une masse comprise (avec une incertitude très élevée, préviennent les auteurs) entre 12 000 et 600 000 M ⊙ avec une valeur médiane de 400 000 M ⊙.
Mais le fait remarquable de ces découvertes de trous noirs de masse intermédiaire (entre gros trous noirs stellaires et trous noirs supermassifs) est que la majorité d'entre eux sont décalés par rapport au centre de leur galaxie avec certains montrant des signes d'interaction/fusion. Les astrophysiciens en concluent que les trous noirs massifs n'ont pas nécessairement "besoin" de vivre au centre des galaxies. Cela confirme par ailleurs des prédictions issues de simulations produites l'année dernière [1] qui montraient que presque la moitié des trous noirs massifs dans les galaxies naines devaient "errer" dans les régions externes de leur galaxie hôte.
Ces trous noirs massifs décentrés pourraient avoir été perturbés, soit par effet de fronde avec un autre trou noir lors d'une interaction, ou bien par effet de recul après fusion de trous noirs. La coalescence de deux trous noirs produit des ondes gravitationnelles qui peuvent induire un "kick" (une impulsion) sur le trou noir résultant, lui donnant une certaine vitesse par rapport à la galaxie hôte. Et quand un trou noir de cette taille quitte le centre d'une galaxie naine, il est très improbable qu'il y retourne. C'est différent dans le cas d'une grande galaxie où les frictions dynamiques sont plus efficaces et peuvent "ramener" le trou noir au centre de la galaxie.
La théorie du grossissement des trous noirs intermédiaires vus comme des graines pour la formation des trous noirs supermassifs, selon les chercheurs américains, devra prendre en compte ces observations inédites. En attendant les futures détections d'ondes gravitationnelles produites par la fusion de trous noirs massifs par l'interféromètre spatial LISA dans quelques dizaines d'années, les observations terrestres en radio vont se poursuivre dans les galaxies naines pour encore mieux discerner des sources compactes et en découvrir de nouvelles. La nature des trous noirs intermédiaires et leur rôle dans l'apparition des trous noirs supermassifs devront aussi être investigués par des observations en rayons X à haute résolution, le seul moyen pour mesurer l'activité des trous noirs et par là, leur masse exacte.
Sources
A New Sample of (Wandering) Massive Black Holes in Dwarf Galaxies from High-resolution Radio Observations
Amy E. Reines, James J. Condon, Jeremy Darling, and Jenny E. Greene
The Astrophysical Journal, Volume 888, Number 1
|1] Multimessenger signatures of massive black holes in dwarf galaxies
Jillian M Bellovary, Colleen E Cleary, Ferah Munshi, Michael Tremmel, Charlotte R Christensen, Alyson Brooks, Thomas R Quinn
Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, Volume 482, Issue 3, January 2019, https://doi.org/10.1093/mnras/sty2842
Illustrations
1) Les 13 noyaux actifs détectés (croix rouge) (Reines et al.)
2) Le couple de trous noirs détecté (croix rouge) dans la galaxie J0854−0240 (numéro 20 de l'échantillon étudié) (Reines et al.)
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