dimanche 14 mars 2021

Observation en multi-longueurs d'ondes d'une étoile binaire singulière : U Monocerotis


U Monocerotis est une rare étoile binaire de type RV Tauri, un système variable composé d'une étoile géante en fin de vie et d'une étoile standard, toutes les deux cachées partiellement dans un épais disque de gaz et de poussière circumbinaire. Une équipe internationale vient d'étudier U Monocerotis dans toutes les longueurs d'ondes, depuis les ondes radio jusqu'aux rayons X (pour le première fois pour un tel système), une étude publiée dans The Astrophysical Journal.


Il existe seulement environ 300 étoiles binaires de type RV Tauri connues dans notre galaxie, et U Monocerotis est la seconde plus brillante d'entre elles, situé à une distance de 1111 pc (3620 AL). 
La particularité des étoiles RV Tauri est de connaître des périodes régulières de contraction et d'expansion de leur enveloppe, des pulsations qui sont produites par des effets antagonistes entre pression et température.
Laura Vega (Université Vanderbilt à Nashville) et ses collaborateurs internationaux se sont intéressés à elle sous l'angle de l'astronomie à multi-longueurs d'ondes. La variabilité dans le temps de U Monocerotis avait été observée depuis très longtemps (dans le domaine visible). Des archives remontant à 1888 ont pu être exploitées, ce qui donne des informations précieuses pour aider à comprendre les observations actuelles. Vega et ses collègues ont ajouté à ces données de nouvelles observations en ondes radio grâce au Submillimeter Array (SMA), un réseau de 8 radiotélescopes de 6 m installé à Hawaî, et en rayons X grâce au télescope spatial européen XMM-Newton. 
Les observations des ondes radio submillimétriques ont permis aux chercheurs de déterminer la taille du disque circumbinaire qui entoure le couple d'étoiles, et celui-ci apparaît très vaste, avec un diamètre de 550 unités astronomiques au maximum. Les observations de l'émission X montrent quant à elles la présence d'un plasma chaud de 10 millions de K qui pourrait provenir soit de l'étoile géante, soit de sa compagne ou soit de l'interaction entre les deux. Les données optiques enregistrées sur des très longues périodes permettent à Laura Vega et ses collègues de trouver des variations séculaires qui ont une période d'environ 60 ans. Ils estiment que cette baisse de luminosité périodique est probablement due à la présence d'une structure dans le disque circumbinaire.
Les astronomes déduisent également les masses des deux étoiles compagnes du système qui se tournent autour en 6,7 ans à partir des données de vitesse radiale du couple et trouvent une valeur de 2,07 masses solaires pour la géante jaune qui a une taille 100 fois plus grande que le soleil, et 2,2 masses solaires pour l'étoile compagne de type A de la séquence principale. Le plan orbital du couple est vu presque dans notre ligne de visée, l'angle de son axe de rotation faisant 75°. Cela a pour conséquence que l'étoile géante et sa compagne produisent presque des éclipses entre elles et surtout que la géante, U Mon, à chaque période orbitale, devient obscurcie partiellement par le bord du disque circumbinaire qui se trouve dans notre ligne de visée. car les chercheurs peuvent aussi déterminer la taille du "trou" de ce grand disque de gaz et de poussière, son diamètre interne. Ils trouvent un diamètre compris entre 4,5 et 9 unités astronomiques. Or, cette dimension est comparable à la distance qui sépare les deux étoiles. Ils en concluent que l'une des deux étoiles, voire les deux, pourrait interagir directement avec le disque circumbinaire. La masse de ce grand disque qui entoure le couple d'étoiles est également estimée par l'équipe de Vega : elle n'est "que" de 4 10-4 masses solaires (ce qui fait environ la moitié de la masse de Jupiter). Ce mélange de gaz et de poussière serait de la matière expulsée par U Mon. 

L'analyse des rayonnements qui sont reçus lorsque la binaire est à sa luminosité minimale, c'est à dire quand l'étoile géante est obscurcie par le disque de poussière, indique que les rayons X sont très probablement produits par l'étoile compagne, sans doute issus de matière accrétée depuis l'enveloppe de la géante selon Vega et ses collaborateurs. Il y aurait donc un grand disque circumbinaire (entourant les deux étoiles) et un petit disque autour de l'étoile de type A qui serait suffisamment échauffé pour produire des rayons X. Une hypothèse qui est avancée par les chercheurs est aussi que l'étoile compagne pourrait également accaparer une partie de son gaz accrété du grand disque lorsqu'elle s'en approche au plus près. Cette hypothèse permettrait de mieux expliquer l'émission de rayons X qui est observée, pour la première fois chez une telle étoile RV Tauri. 
Concernant la nouvelle périodicité de 60 ans qu'ils ont découverte qui s'ajoute à la pulsation de l'étoile principale, et à l'obscurcissement par le disque circumbinaire à chaque orbite, Vega et ses collaborateurs penchent  pour la présence d'une surdensité ou d'une déformation locale du disque de gaz et de poussière, qui serait située à une distance de la binaire égale à 30 unités astronomiques (soit environ la distance séparant le Soleil et Neptune) et qui mettrait 60 ans pour faire un tour du système. 
Il est remarquable de noter que ce système d'étoiles âgées peut ressembler à bien des égards à un système stellaire en cours de formation : présence d'un disque de gaz et de poussière, accrétion de matière des étoiles, expulsions de gaz, avec la possibilité de création de surdensité ou de déformation qui dans le cas des jeunes binaires peut être le signe de la formation de planètes. 
Seules des futures observations dans de multiples longueurs d'ondes permettront d'en savoir encore plus sur ce système assez unique aujourd'hui.

Source

Multiwavelength Observations of the RV Tauri Variable System U Monocerotis: Long-term Variability Phenomena That Can Be Explained by Binary Interactions with a Circumbinary Disk
Laura D. Vega et al.
The Astrophysical Journal, Volume 909, Number 2 (12 march 2021)


Illustration

Vue  d'artiste du disque circumbinaire de U Monocerotis (NASA’s Goddard Space Flight Center)

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