Les galaxies distantes de plus d'un million d'années-lumière devraient avoir des vies complètement indépendantes en termes de moment où elles donnent naissance à de nouvelles étoiles. Mais ce qu'ont découvert Charlotte Olsen (Rutgers Universitty) et ses collaborateurs états-uniens et canadien lorsqu'ils ont analysé 36 galaxies naines du relevé ACS Nearby Galaxy Survey Treasury (ANGST), c'est que ces galaxies séparées par un maximum de 13 millions d'années-lumière ont ralenti puis accéléré simultanément leur taux de production d'étoiles. Le phénomène est observé dans les 36 galaxies naines. Il s'agit de galaxies relativement proches qui sont situées dans ce qu'on nomme le "Volume Local". Cette région d'un rayon de 11 Mpc (35 millions d'années-lumière) contient 258 galaxies avec parmi elles 60 galaxies qui partagent la même vitesse propre formant une structure aplatie (la Feuille Locale) longue de 7 Mpc et épaisse de 0,5 Mpc. Dans cette Feuille Locale se trouve le Groupe Local qui contient entre autres la galaxie d'Andromède et la Voie Lactée. Le Volume Local, lui, est inclus dans le Superamas de la Vierge (ou Superamas Local), qui est lui-même une partie du superamas Laniakea.
Plus exactement, Olsen et ses collaborateurs observent que la diminution simultanée du taux de production stellaire a commencé il y a 6 milliards d'années, et l'augmentation il y a 3 milliards d'années. Pour reconstruire l'histoire de la formation stellaire dans les galaxies, les astrophysiciens ont utilisé deux méthodes : d'une part la lumière des étoiles individuelles au sein des galaxies (l'utilisation des diagrammes couleur-magnitude) et d'autre part la lumière d'une galaxie entière (la distribution spectrale en énergie). Les deux méthodes disent la même chose sur l'histoire de la formation stellaire : la formation stellaire s'est fortement ralentie il y a 6 milliards d'années, puis a repris vigoureusement il y a 3 milliards d'années et se poursuit toujours. Et les 36 galaxies montrent exactement la même évolution temporelle...
La formation d'étoiles est l'un des processus les plus fondamentaux des galaxies, c'est ce qui les fait grossir. Le taux de naissance des étoiles peut augmenter lorsque les galaxies entrent en collision ou interagissent, et les galaxies peuvent cesser de produire de nouvelles étoiles si le gaz (principalement de l'hydrogène moléculaire) qui les produit est perdu d'une manière ou d'une autre.
L'histoire de la formation des étoiles peut constituer un témoignage précieux sur les conditions environnementales dans lesquelles une galaxie a grossi. Les galaxies naines forment le type de galaxies le plus courant mais aussi le moins massif de l'univers, et on sait qu'elles sont particulièrement sensibles aux effets de leur environnement.
Il se trouve que les 36 galaxies naines de Olsen et ses collaborateurs représentent un large éventail d'environnements galactiques à des distances diverses allant jusqu'à 13 millions d'années-lumière de la Voie lactée. Et elles n'ont pas toutes les mêmes niveaux de taux de production stellaire, mais les plus plus productives comme les moins productives montrent une évolution temporelle similaire : toutes subissent une flambée de formation il y a 3 milliards d'années après une pause qui a duré 3 milliards d'années.
Le changement environnemental auquel toutes ces galaxies ont apparemment réagi en même temps pourrait être lié selon les astrophysiciens à une distribution particulière de gaz intergalactique à très très grande échelle, mais aussi à un phénomène encore complètement inconnu. Il va falloir revisiter et triturer les modèles de croissance des galaxies pour voir si un tel phénomène peut apparaître naturellement à partir du modèle. Dans le cas contraire, les théoriciens vont encore avoir du travail.
Olsen et ses collaborateurs montrent en tout cas que pour que leurs observations soient dues à un pur hasard, cela impliquerait qu'il existe des biais systématiques dans les deux méthodes qu'ils ont utilisées qui pourtant ne sont pas sensibles aux mêmes effets systématiques, mais au contraire à des effets systématiques complémentaires.
Existerait-il une époque "spéciale" dans l'histoire du Volume Local ? Pour répondre à cette question que soulève le résultat intriguant de Charlotte Olsen et ses collaborateurs, il faudra étudier l'histoire de la formation stellaire dans des galaxies plus massives et aussi à des plus grandes distances.
Source
Star Formation Histories from Spectral Energy Distributions and Color–magnitude Diagrams Agree: Evidence for Synchronized Star Formation in Local Volume Dwarf Galaxies over the Past 3 Gyr
Charlotte Olsen et al.
The Astrophysical Journal, Volume 913, Number 1 (24 May 2021)
Illustrations
1) Evolution temporelle du taux de formation stellaire pour les galaxies naines, échantillon divisé en deux avec celles qui ont un fort taux de formation et celles qui ont un faible taux (Olsen et al.)
2) Représentation de la localisation d'une partie de l'échantillon de galaxies naines étudiées par rapport à la Voie Lactée (Charlotte Olsen).
1 commentaire :
Bonjour,
Ce phénomène est-il restreint au volume local parce que les chercheurs se sont restreint à cet environnement plyus facilement étudiable, ou bien ont-il constaté que cette variation d'activité n'existe pas hors du volume local ?
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