Une équipe d'astrophysiciens internationale apporte une solution aux observations inexpliquées au sujet des étoiles naines blanches ultramassives qui apparaissent ne pas se refroidir. Leur composition serait un peu différente de ce que l'on pense généralement. Une étude parue dans Astronomy&Astrophysics.
Les étoiles naines blanches sont le point final le plus commun de l'évolution stellaire. Plus de 95 % de toutes les étoiles de la séquence principale finiront leur vie en tant que naines blanches, c'est-à-dire des objets de taille terrestre moins massifs que 1,44 M⊙, la masse limite de Chandrasekhar, soutenus par la dégénérescence quantique des électrons. Une propriété remarquable de la population de naines blanches est sa distribution de masse, qui présente un pic principal à ∼0,6 M⊙, un pic plus petit autour de 0,82 M⊙, et un excès de faible masse près de ∼0,4 M⊙. Les naines blanches de masse inférieure à 1,05 M⊙ doivent comporter un noyau de carbone-oxygène (C-O), enveloppé d'une coquille d'hélium qui est entourée d'une couche d'hydrogène.
Les naines blanches plus massives que 1,05 M⊙ sont appelées des naines blanches ultramassives et par convention, on s'attend à ce qu'elles contiennent un noyau oxygène-néon (O-Ne). Les modèles d'évolution stellaire disent qu'elles naissent plutôt à partir d'étoiles relativement massives, entre 6 et 8 masses solaires, suffisamment pour avoir produit l'ignition du carbone et créer du néon. Les naines blanches ultramassives présentent un intérêt particulier car elles sont liées aux explosions de supernovas de type Ia, à des événements de fusion de naines blanches, à l'existence de champs magnétiques élevés et peut-être aussi aux sursauts radio rapides (FRB).
Depuis 2017, une série d'études a cependant montré des preuves soutenant l'idée qu'une grande fraction des naines blanches ultramassives isolées pourrait s'être formée par des canaux d'évolution binaires. Une étude théoriques de 2020 (Temmink et al.) a par exemple estimé que 30 à 45 % des naines blanches plus massives que 0,9 M⊙ seraient formées par des fusions binaires, principalement via la fusion de deux naines blanches, et Cheng et al. (2020) ont quant à eux estimé de manière observationnelle que 20% des naines blanches de grande masse (entre 0,8 et 1,3 M⊙) se seraient formées à la suite de fusion de systèmes binaires.
On s'attend généralement à ce que les naines blanches ultramassives abritent un noyau oxygène-néon (O-Ne) à la suite d'une évolution stellaire standard unique (hors fusion). Des études récentes, basées sur les observations fournies par la mission spatiale Gaia en 2018, ont indiqué qu'une fraction de l'ordre de 50% des naines blanches ultramassives connaissent un fort retard dans leur refroidissement, qui ne peut pas être attribué à un retard de la cristallisation. Ces naines blanches ultramassives trop chaudes se retrouvent sur une nouvelle branche spécifique dans le diagramme de Herzsprung Russell, la branche nommée Q.
Elles nécessitent ainsi une source d'énergie inconnue capable de prolonger leur vie pendant une longue période. Il est tout à fait possible qu'elles soient liées à un processus de fusion.
Pour tenter d'élucider cette anomalie apparente, María Camisassa (University of Colorado) et ses collaborateurs ont synthétisé une population de naines blanches ultramassives avec des compositions différentes pour tenter de reproduire par modélisation le manque de refroidissement qui est observé. Au lieu de naines blanches O-Ne, les chercheurs montrent que des naines blanches ayant un noyau de C-O mais avec une forte teneur en Ne-22 (stable) en cours de sédimentation dans la profondeur du coeur, permettent de libérer suffisamment d'énergie pour être cohérentes avec ce qui est observé.
Bien qu'une abondance de Ne-22 aussi élevée ne soit pas cohérente avec les voies d'évolution standard pour ce type de naine blanche, les résultats de Camisassa et ses collaborateurs fournissent des preuves (numériques) de l'existence probable de ces naines blanches hybrides. Des études théoriques ont prédit en 2007 et 2009 que dans le cas de fusions de naines blanches, le carbone ne devait pas atteindre l'ignition et le noyau resterait donc de type C-O. Mais une autre étude plus récente parue cette année (Schwab et al.) basée sur des calculs unidimensionnels d'évolution post-fusion, prédit la combustion excentrée du carbone dans le résidu de la fusion, conduisant à la formation d'une naine blanche ultramassive à noyau O-Ne.
Le processus de cristallisation dans une naine blanche libère non seulement de l'énergie sous forme de chaleur latente, mais aussi de l'énergie gravitationnelle en raison d'un processus de séparation de phases qui modifie les abondances chimiques stellaires dans le noyau. Ces deux sources d'énergie retardent le refroidissement des naines blanches pendant de longues périodes. Mais on s'attend à ce que la cristallisation soit un processus moins efficace dans les naines blanches ultramassives de type O-Ne, à tel point qu'elles ne peuvent pas produire le retard de refroidissement qui est observé dans les naines blanches de la branche Q.
La sédimentation du néon au sein d'un noyau C-O où il se trouverait à forte teneur permet en revanche d'apporter suffisamment d'énergie pour expliquer les forts retards dans les temps de refroidissement des naines blanches de la branche Q, selon les résultats de María Camisassa et son équipe. Ce travail est la première synthèse de population stellaire basée sur des techniques de Monte Carlo qui utilise les luminosités des naines blanches ultramassivess mesurées par Gaia. Il révèle que les observations de Gaia sont cohérentes avec une population dans laquelle 50% des naines blanches ultramassives montrent de forts retards dans leurs temps de refroidissement et qu'il pourrait s'agir de naines blanches de type C-O un peu hybrides, avec une forte teneur en Ne qui est en train de sédimenter au centre du coeur.
Mais la composition chimique C-O du cœur des naines blanches ultramassives doit encore être prouvée par l'observation, et la teneur élevée en Néon qui serait nécessaire selon la modélisation pour correspondre aux observations n'est aujourd'hui pas compatible avec les canaux de formation standards. Il est très tentant de relier la présence de grandes quantités de Néon aux processus de fusions de naines blanches qui produisent les plus massives d'entre elles mais les mécanismes à l'oeuvre doivent être déterminés de façon robuste.
Source
Forever young white dwarfs: When stellar ageing stops
María E. Camisassa et al.
Astronomy&strophysics A 649, L7 (06 May 2021)
Illustration
Vue d'artiste d'une étoile naine blanche (Getty Images).
2 commentaires :
Bonjour,
Il est tentant de relier le sujet de ce billet avec celui du 2 mai sur les NB à fort champ magnétique ; dans les 2 cas il y a production de chaleur interne liée à la cristallisation et à la sédimentation dans un cœur de CO, éventuellement après une fusion de binaire ; la question qui suit naturellement est donc : ces NB massives à faible refroidissement ne devraient-elles pas développer un fort champ magnétique par le mécanisme de dynamo de Schreiber et al ? Cela a-t-il été recherché ?
A propos de sédimentation, on a aussi évoqué une sédimentation de l'hélium dans l'hydrogène (indépendamment de toute cristallisation) pour expliquer la forte production de chaleur interne de Saturne.
En se basant sur les tous derniers relevés du champ magnétique saturnien par Cassini, et sur une simulation informatique, une récente étude contraint les caractéristiques d'une couche de pluie d'hélium située au dessus de celle convective à l'origine de la dynamo ://aguhttpspubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1029/2020AV000318
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