Une étudie se penche sur l'environnement autour des quasars qui existaient moins de deux milliards d'années après le Big Bang, pour retracer les subtilités de la formation des structures dans l'univers jeune. Des surdensités de galaxies poussiéreuses sont observées grâce au réseau de radiotélescopes ALMA. L'équipe internationale publie ces résultats dans The Astrophysical Journal.
L'un des meilleurs moyens de comprendre les conditions qui prévalaient dans l'univers jeune est d'étudier les quasars, ces brillants noyaux actifs de jeunes galaxies où des trous noirs supermassifs accrètent de la matière avec virulence. En remontant des milliards d'années dans le passé, les quasars semblent ne pas être répartis au hasard dans l'espace, ce qui suggère que les galaxies massives qu'ils habitent pourraient être des traceurs de structures sous-jacentes de matière noire. Si c'est le cas, les galaxies qui n'hébergent pas de quasars dans l'univers jeune devraient également se trouver préférentiellement à proximité de ces quasars.
Des études antérieures ont déjà exploré cette hypothèse, mais les résultats étaient contradictoires. Certaines études trouvaient que les quasars ont une forte abondance de galaxies dans leur voisinage, tandis que d'autres trouvaient qu'il n'y a pas plus de galaxies voisines que ce à quoi on pourrait s'attendre si elles étaient dispersées au hasard dans l'espace.
De nombreuses raisons peuvent expliquer ce désaccord, la plus forte d'entre elles étant la possibilité que de la poussière cache ces galaxies lointaines aux yeux des télescopes optiques. Dans leur nouvelle étude, Cristina García-Vergara (Observatoire de Leiden, Pays-Bas) et ses collaborateurs ont abordé cette question d'une nouvelle manière, en utilisant le réseau ALMA pour scruter la poussière qui se trouve dans des galaxies au voisinage de quasars lointains.
García-Vergara et ses collaborateurs ont observé les zones entourant 17 quasars qui ont des décalages vers le rouge d'environ z ~ 4 (ce qui signifie une époque située 1,6 milliard d'années après le Big Bang). L'équipe a recherché l'émission d'une raie spectrale particulière de monoxyde de carbone, qui peut signaler la présence d'une galaxie même si elle invisible dans le domaine visible du fait de la poussière.
À l'aide d'un algorithme de recherche spécifique, García-Vergara et ses collaborateurs ont identifié toutes les sources d'émission de monoxyde de carbone dans le voisinage de chaque quasar. Ils ont ainsi trouvé un total de 5 galaxies émettant les raies de monoxyde de carbone parmi les 17 champs étudiés. Les chercheurs ont également évalué la probabilité que les sources détectées soient en fait des galaxies de l'univers local ressemblant à des galaxies de l'univers jeune ce qui s'est avéré peu probable.
L'équipe a ensuite utilisé ses observations pour estimer le nombre de galaxies supplémentaires qui sont présentes à proximité des quasars par rapport à ce que l'on pourrait attendre si les galaxies étaient réparties au hasard. Les astrophysiciens constatent qu'il y a 17,6 fois plus de galaxies émettant des raies du monoxyde de carbone dans les zones étudiées que ce qui était prévu par une distribution aléatoire (ils auraient dû en trouver en moyenne 0,28...). Non seulement les galaxies sont plus nombreuses que prévu par rapport à ce qui est déduit des zones d'émission dans la raie Lyman alpha, mais elles apparaissent également plus étroitement regroupées autour des quasars. Ces deux éléments appuient fortement l'idée, selon García-Vergara et ses collaborateurs, que les quasars sont des traceurs de structures massives se formant très tôt dans l'histoire de l'univers,
Dans une étude précédente, ils avaient effectué une recherche d'émetteurs Lyman alpha (raie d'émission de l'hydrogène ionisé) dans les mêmes 17 champs de quasars, ce qui leur avait permis de retracer simultanément les propriétés de regroupement des galaxies poussiéreuses autour des quasars pour la première fois. Cette étude avait révélé seulement une légère surdensité (x1,4) de galaxies dans ces champs, et une longueur de corrélation croisée quasar-galaxie trois fois plus faible que celle trouvée aujourd'hui avec la raie du monoxyde de carbone.
Selon les chercheurs, les différences dans la masse du halo accueillant les deux populations de galaxies, ainsi que les incertitudes associées aux redshifts des quasars sont des raisons peu probables pour expliquer la divergence observée. Ils suggèrent plutôt que les propriétés des galaxies dans les environnements de quasars pourraient avoir un impact sur leur visibilité et donc leur détectabilité dans l'émission Lyα. Plus précisément, les galaxies dans les environnements de quasars pourraient avoir une faible efficacité de formation d'étoiles, ou bien elles pourraient avoir un excès de poussière, les rendant ainsi plus difficiles à détecter dans l'émission Lyα.
En tant que premier échantillon de quasars ciblé pour des études d'amas de galaxies poussiéreuses détectables dans le visible, cette étude démontre l'importance de tracer différentes populations de galaxies, et elle ouvre de nouvelles questions sur les effets environnementaux qui jouent sur l'évolution des galaxies, soulignant l'importance de caractériser les galaxies dans le voisinage des quasars à haute résolution (poke JWST).
Source
ALMA Reveals a Large Overdensity and Strong Clustering of Galaxies in Quasar Environments at z ∼ 4
Cristina García-Vergara et al.
The Astrophysical Journal 927 (4 march 2022)
Illustration
Un nuage de gaz entourant le quasar SDSS J102009.99+104002.7 (ESO/Arrigoni Battaia et al.)
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