jeudi 18 août 2022

Observation rare d'une Neptune chaude autour d'une étoile massive


Des astronomes ont observé une planète de la taille de Neptune qui orbite autour d'une étoile très chaude et plus massive que le Soleil. Mais cette planète est visiblement en train de perdre de la masse...et ce serait à cause de son étoile... L'étude est publiée dans The Astrophysical Journal Letters.

Les plusieurs milliers de planètes que les astronomes ont découvertes autour des étoiles de notre galaxie l'ont été dans 99 % des cas  autour d'étoiles plus petites que le Soleil, ou légèrement plus massives. Très peu d'entre elles ont été découvertes autour d'étoiles plus massives, comme les étoiles de type A, des étoiles bleues brillantes et très chaudes, dont des exemples bien connus sont Sirius et Véga.
Steven Giacalone (Université de Berkeley) et ses collaborateurs en ont détecté une de la taille de Neptune  appelée HD 56414 b (ou TOI-1228 b) grâce au télescope TESS. La planète a un rayon de 3,7 fois celui de la Terre et tourne autour de l'étoile en 29 jours à une distance égale à environ un quart de la distance entre la Terre et le Soleil. L'âge du système est estimé à 420 millions d'années seulement. Quant à son étoile, elle a une masse de 1,89 masses solaires, une température de 8500 K et est 14 fois plus lumineuse que le Soleil. Le système se trouve à 268 parsecs. 
Les méthodes actuelles de détection des exoplanètes permettent de trouver plus facilement des planètes ayant des périodes orbitales courtes autour de leur étoile, mais cette planète nouvellement trouvée a une période orbitale plus longue que la plupart de celles découvertes à ce jour. Les chercheurs suggèrent qu'une planète de la taille de Neptune, qui serait située plus près d'une étoile brillante de type A, serait en fait rapidement dépouillée de son gaz par le rayonnement stellaire intense et réduite à un noyau indétectable. Cette théorie a été proposée pour expliquer les déserts de planètes de la taille de Neptune autour d'étoiles plus rouges, mais on ne savait pas si elle s'appliquait aux étoiles plus chaudes en raison du manque de planètes connues autour de ces étoiles très brillantes.
Les chercheurs ont modélisé l'effet du rayonnement de l'étoile HD 56414 sur la planète et  concluent que, bien que l'étoile puisse lentement évaporer son atmosphère, celle-ci devrait survivre au moins pendant un milliard d'années, si la planète fait plus de 8 masses terrestres (elle perdrait alors 30% de sa masse). 
Selon Giacalone, les planètes de la taille de Jupiter sont moins sensibles à la photoévaporation, car leur noyau est suffisamment massif pour retenir leur hydrogène. Mais en descendant vers des planètes de la taille de Neptune, la planète n'est pas suffisamment massive, et elle peut perdre son atmosphère plus facilement. HD 56414 b est l'une des plus petites planètes trouvées autour d'étoiles massives. La découverte de ce que les chercheurs appellent une "Neptune chaude", située juste en dehors de la zone où la planète aurait été entièrement dépouillée de son gaz, suggère que les étoiles brillantes de type A pourraient avoir de nombreux noyaux planétaires invisibles qui n'attendraient qu'à être découverts par des techniques plus sensibles. Ils montrent que pour des planètes de moins de 14 masses terrestres, si elles sont proches de leur étoile, la totalité de leur enveloppe gazeuse peut être soufflée par le rayonnement stellaire. 
Cette découverte permet également de mieux comprendre comment les atmosphères planétaires évoluent. La question de savoir comment les planètes conservent leur atmosphère au fil du temps est très importante pour comprendre si l'atmosphère d'une planète qui est observée est leur atmosphère originelle avec laquelle elles se sont formées à l'origine à partir d'un disque d'accrétion ou bien si il s'agit d'une atmosphère qui a été dégazée de la planète au fil du temps, par exemple. 
Il est bien établi que les planètes de la taille de Neptune fortement irradiées, orbitant autour d'étoiles moins massives et semblables au Soleil sont plus rares que prévu, ce qu'on pouvait imputer au dépouillement atmosphérique. Or, les planètes orbitant à proximité d'étoiles semblables au Soleil reçoivent de grandes quantités de rayons X et de rayons ultraviolets, mais les planètes orbitant à proximité d'étoiles de type A reçoivent beaucoup plus de rayonnements dans le proche UV que de rayons X ou de rayons UV extrêmes. Avec HD 56414 b, Giacalone et son équipe montrent que le désert des Neptunes chaudes s'étend également aux étoiles de type A, ce qui permet maintenant de comprendre l'importance du rayonnement proche ultraviolet dans le contrôle de l'échappement atmosphérique : les UV mous sont beaucoup plus efficaces pour la photoévaporation atmosphérique. Cela permet aussi de mieux comprendre la physique de la perte de masse atmosphérique, ce qui sera très utile pour étudier la formation et l'évolution des petites planètes.

Giacalone et son équipe vont poursuivre la recherche d'autres exoplanètes de la taille de Neptune autour d'étoiles de type A, dans l'espoir d'en trouver d'autres dans ou près du désert des Neptunes chaudes, afin de comprendre où ces planètes se forment dans le disque d'accrétion pendant la formation des étoiles, si elles se déplacent vers l'intérieur ou vers l'extérieur au fil du temps, et comment leurs atmosphères évoluent.


Source

HD 56414 b: A Warm Neptune Transiting an A-type Star
Steven Giacalone et al.
The Astrophysical Journal Letters, Volume 935, Number 1 (2022 August 12 )


Illustration

Vue d'artiste de HD 56414 b autour de son étoile  (Steven Giacalone, UC Berkeley)

3 commentaires :

Claire a dit…

Merci pour cet article encore une fois très instructif ! Je trouve que chaque nouvelle découverte apporte son lot de magie à l'astronomie ! Nous sommes encore loin d'avoir percé tous les secrets de l'univers! Juste une petite question de néophyte, que veut dire parsecs, quand vous dîtes que le système se trouve à 268 parsecs?

Dr Eric Simon a dit…

Bonjour,

Le parsec, c'est l'unité de distance qui est utilisée par les astrophysiciens professionnels. 1 parsec est égal à 3,26 années-lumière. Ca correspond à la distance à laquelle la distance Terre-Soleil nous apparaît faire 1 seconde d'arc dans le ciel.

Claire a dit…

Merci pour cette précision! Mes connaissances s'arrêtaient à l'unité "année lumière"! :-)