vendredi 1 décembre 2023

Deux sources radio persistantes associées à des Fast Radio Bursts répétitifs


Alors que je m'apprêtais à vous relater un article paru le 27 novembre au sujet de la source radio persistante qui est observée à proximité immédiate du célèbre FRB répétitif FRB 20121102A, aujourd'hui sort un autre article qui fournit la caractérisation de la seule autre source radio persistante coïncidant avec la position d'un FRB répétitif : FRB 20190520B. On va donc parler des deux études qui sont assez similaires, sur des FRB très ressemblants, et menant à une conclusion convergente... 

Le premier article, paru dans The Astrophysical Journal, est consacré au premier FRB qui avait été détecté se répétant, en 2016 (par Scholz et al.) : FRB 20121102A. FRB 20121102A est jusqu'à présent l'une des sources de FRB les plus étudiées. En 2017, la source a été localisée précisément dans une région de formation d'étoiles d'une galaxie naine à faible métallicité, qui a un redshift de 0,19273, donnant une distance de 971 Mpc. Depuis 2021, on sait que ses sursauts ont une périodicité d'environ 160 jours (Cruces et al.). L'émission radio persistante associée spatialement avec FRB 20121102A avait quant à elle était découverte dès 2017 par Tendulkar et al.. Depuis lors, son origine est toujours inconnue. Le barycentre de l'émission radio persistante se situe à moins de 12 ms d'arc de la source du FRB (soit 40 pc), niveau de confiance de 95 %. Son spectre est plat de 400 MHz à 6 GHZ et diminue à des fréquences plus élevées. Elle reste en tous cas non résolue par interférométrie à très longue base à 5 GHz, ce qui indique un rayon de la source inférieur à 0,2 ms d'arc (soit 0,35 pc à la distance de la galaxie hôte) (Tendulkar et al. 2017). Et aucune contrepartie en rayons X n'a été détectée avec XMM-Newton et Chandra (Chatterjee et al. 2017).

Ge Chen (Caltech) et ses collaborateurs ont cherché à en savoir plus sur cette source radio persistante coïncidant spatialement avec la source des sursauts rapides. Ils ont pour cela utilisé le Very Large Array cher à Jodie Foster. En mesurant la variabilité de densité de flux entre 12 et 26 GHz, les chercheurs déterminent une limite sur la taille physique de la source. Une telle variabilité nécessiterait que le rayon de la source soit inférieure à 0,1 année-lumière d'après les chercheurs. Comme la variabilité radio est inférieure aux prédictions de la théorie des scintillations pour une source aussi petite, cela laisse ouverte la possibilité que le source, nommée QRS 121102 ne soit pas un noyau galactique actif (AGN). Or une telle source radio est le plus souvent associée à la présence d'un trou noir massif qu'on trouve au coeur d'un noyau galactique actif. Chen et ses collaborateurs ont donc estimé approximativement quelle serait la masse de tout trou noir supermassif potentiel qui serait associé avec QRS 121102. Ils font cette estimation indirecte à partir de la largeur de la raie d'émission Hα de la galaxie hôte en utilisant le télescope Keck. La largeur de la raie Hα indique une masse maximale de 100 000 M⊙ pour un éventuel trou noir. Et cette masse est trop faible pour satisfaire les contraintes de luminosité radio et de luminosité X qui seraient observées sur un AGN. 

Chen et son équipe cherchent ensuite une explication du côté des noyaux de galaxies dépouillés. En effet, certaines galaxies naines (le type de galaxie qui accueille FRB 20121102A), qui hébergent des trous noirs supermassifs, pourraient être en fait les noyaux dépouillés de galaxies massives après avoir subi des interactions de marée avec des galaxies compagnes. Mais les chercheurs ne trouvent aucune galaxie proche au même redshift que l'hôte de FRB 20121102A... 

Au vu de ces différents indices, Chen et ses collaborateurs concluent qu'il n'existe aucune preuve que la source persistante liée à FRB 20121102A soit un noyau actif de galaxie. Ils soutiennent au contraire, que, du fait de la taille réduite de la source et de ses caractéristiques spectrales, son origine serait un plérion, c'est à dire un astre compact, genre étoile à neutrons un peu extrême. Mais Chen et ses collaborateurs précisent que QRS 121102 est trop lumineuse dans la bande radio pour être le fruit d'un résidu de supernova classique, et trop ancien pour être une rémanence typique de GRB. Les modèles isolés de jeunes étoiles à neutrons pourraient en revanche être en mesure selon eux de prendre en compte à la fois la taille et la luminosité de la source persistante s'il s'agit d'une émission synchrotron produite dans une nébuleuse de vent de pulsar. Et ça tombe plutôt bien parce qu'on pense de plus en plus que la source des FRB sont des étoiles à neutrons très fortement magnétisées, de type jeune magnétar de moins de 1000 ans. 

La seconde source radio persistante qui peut être associée spatialement à un FRB a été découverte récemment, en 2022 par Niu et al. En l'étudiant en détail avec le gigantesque réseau de radiotélescopes européen EVN (European VLBI Network), Shivani Bhandari (Institut de radioastronomie néerlandais) et ses collaborateurs, qui publient leur travail dans The Astrophysical Journal Letters, montrent aujourd'hui que la source radio persistante se trouve centrée à moins de 100 pc de la localisation de FRB 20190520B (qui avait été découvert en 2019 avec le radiotélescope géant chinois FAST), et qu'elle a une taille angulaire inférieure à 2,3 ms d'arc, ce qui veut dire inférieure à 9 pc, étant donnée la distance de ce FRB répétitif qui a des caractéristiques très similaires à FRB 20121102A, y compris en termes de distance. FRB 20190520B se trouve à un redshift de 0,241 (2,955 milliards d'années-lumière), tandis que FRB 20121102A se situe un peu plus près, à un redshift de 0,193 (2,444 milliards d'années-lumière).

Cette seconde source persistante, celle de FRB 20190520B a une densité de flux de 201 ± 34 μ Jy (à 1,7 GHz) et une luminosité radio de (3,0 ± 0,5) × 10 29 erg s-1 Hz-1, qui sont des valeurs tout à fait similaires à celles de la source persistante de FRB 20121102A. Bhandari  et ses collaborateurs ont affiné la position de la source en améliorant sa précision d'un facteur 10 par rapport aux résultats précédents. Et au cours de leurs observations de la source persistante, un sursaut rapide provenant du FRB est arrivé par un heureux hasard dans le radiotélescope. Cette coïncidence a permis à Bhandari et son équipe de déterminer une nouvelle valeur maximale de distance entre les positions de la source persistante et de la source transitoire : inférieure à 80 pc.

Sur la base de leurs observations, les chercheurs ont exploré le modèle d'un magnétar dans une nébuleuse de vent de pulsar magnétisée, qui avait proposé par Margalit & Metzger en 2018. Dans ce cadre, l'âge du magnétar serait compris entre 4 ans et 1900 ans pour FRB 20190520B, un âge également comparable à celui estimé pour FRB 20121102A. Le rayon de la nébuleuse synchroton responsable de l'alimentation de l'émission persistante observée est également contraint entre 0,22 et 9 pc. Mais les chercheurs remarquent que si la nébuleuse de vent de pulsar à une taille maximale de 9 pc, cela implique que la taille de la coquille d'éjecta de la supernova en expansion doit être plus grande que ça, car la coquille d'éjecta doit nécessairement être plus étendue que la nébuleuse gonflée par le magnétar. Et en supposant  une vitesse d'éjecta de 10 000 km s-1 , typique des supernovas pauvres en hydrogène, Bhandari et ses collaborateurs montrent qu'il faudrait un âge supérieur à 900 ans. L'âge du magnétar qui serait responsable à la fois de la source persistante de FRB 20190520B, et de ses sursauts rapides aurait donc finalement un âge compris entre 900 et 1900 ans. 

Il ne reste maintenant plus qu'à trouver un troisième FRB associé à une source radio persistante, de manière à encore mieux comprendre ce qui se passe avec ces objets qui donnent tant de travail aux observateurs et aux modélisateurs.


Sources 

A Comprehensive Observational Study of the FRB 121102 Persistent Radio Source

Ge Chen et.

The Astrophysical Journal, Volume 958 (27 november 2023)

https://doi.org/10.3847/1538-4357/ad02f3


Constraints on the Persistent Radio Source Associated with FRB 20190520B Using the European VLBI Network

Shivani Bhandari et al.

The Astrophysical Journal Letters, Volume 958 (30 november 2023)

https://doi.org/10.3847/2041-8213/ad083f


Illustrations

1. La source persistante de FRB 20121102A vue par le VLA (Ge Chen et.)

2. Portion du VLA (NRAO)

3. Ge Chen

4. La source persistante de FRB 20190520B vue par le réseau EVN (Bhandari )

5. Répartition des rédiotélescopes de l'EVN (European VLBI Network)

6. Shivani Bhandari en bonne compagnie (Jocelyn Bell) 

Aucun commentaire :