05/02/25

Les microquasars de faible masse sont aussi des sources de rayons cosmiques


Des chercheurs ont trouvé pour la première fois la preuve que même les microquasars contenant une étoile de faible masse sont des accélérateurs de particules efficaces, ce qui a un impact significatif sur l'interprétation de l'abondance des rayons gamma dans notre galaxie et au-delà. Ils publient leur étude dans The Astrophysical Journal Letters.

La production et l'accélération des rayons cosmiques les plus énergétiques (des particules chargées, essentiellement des protons) reste un sujet mal connu en physique des astroparticules. Une accélération très efficace des particules semble se produire dans les jets des microquasars. Mais, jusqu'à présent, ce phénomène n'a été observé que dans de rares systèmes de microquasars de masse élevée. A ce jour, une vingtaine de microquasars ont été identifiés, dont trois seulement ont été détectés avec certitude dans le domaine des rayons gamma de l’ordre du GeV.

Les écoulements de matière en mouvement rapide (ou « jets ») lancés par les trous noirs constitueraient un site idéal pour l'accélération des particules, mais les détails sur la manière et les conditions dans lesquelles les processus d'accélération peuvent se produire ne sont pas clairs. On sait que les jets les plus puissants à l'intérieur de notre galaxie se produisent dans les microquasars, qui sont des systèmes composés d'un trou noir de masse stellaire et d'une étoile « normale ». Les deux objets orbitent l'un autour de l'autre et, lorsqu'ils sont suffisamment proches, le trou noir commence à avaler lentement sa compagne. En conséquence, des jets sont lancés depuis la région proche du trou noir.

Ces dernières années, il est devenu de plus en plus évident que les jets des microquasars sont des accélérateurs de particules efficaces, mais on ne sait pas exactement dans quelle mesure ils contribuent, en tant que groupe, à la quantité totale de rayons cosmiques dans la galaxie. Pour répondre à cette question, il faut savoir si tous les microquasars sont capables d'accélérer les particules ou seulement certains.

Les microquasars sont généralement classés, en fonction de la masse de l'étoile qui les compose, en systèmes de « faible masse » ou de « forte masse », les systèmes de faible masse étant beaucoup plus abondants. Et, jusqu'à présent, les preuves de l'accélération des particules n'ont été trouvées que pour les systèmes de masse élevée. Par exemple, le microquasar SS 433, dont il a été récemment révélé (il y a un an) qu'il était l'un des plus puissants accélérateurs de particules de la galaxie, contient une étoile d'une masse d'environ dix fois la masse du Soleil.

Par conséquent, on pensait généralement que les microquasars de faible masse n'étaient pas assez puissants pour produire des rayons gamma. Guillem Martí-Devesa, de l'Università di Trieste, en Italie et Laura Olivera-Nieto, du Max-Planck-Institut für Kernphysik à Heidelberg, en Allemagne, viennent de faire une découverte qui ébranle ce paradigme. Ils ont utilisé 16 années de données provenant du télescope gamma spatial Fermi LAT de la NASA pour détecter un faible signal de rayons gamma correspondant à la position de GRS 1915+105, un microquasar dont l'étoile est plus petite que le soleil.

Le microquasar GRS 1915+105 a été détecté pour la première fois en tant que source de rayons X par l'instrument WATCH à bord de l'observatoire GRANAT en 1992. Des observations complémentaires avec le Very Large Array et MERLIN en 1999 dans la bande radio ont révélé une contrepartie très variable avec des éjections bilatérales apparemment superluminales. Il s'agissait de la première observation de mouvements relativistes dans un objet situé à l'intérieur de notre galaxie, ce qui impliquait des vitesses intrinsèques pour les éjectas proches de la vitesse de la lumière. Ces résultats avaient établi la présence d'un jet avec une vitesse v ∼ 0,8c et un angle par rapport à la ligne de visée θ ∼ 63°, ce qui faisait du système un microquasar.

Des mesures récentes de parallaxe ont abouti à une estimation de la distance de GRS 1915+105  d = 9,4 ± 0,6 ± 0,8 kpc. La masse du trou noir a fait l'objet de débats, avec une affirmation initiale de 14 M⊙ en 2001, qui a ensuite été révisée à des valeurs plus basses allant de 10 M⊙ en 2013 à 12 M⊙ en 2014 puis 2023.

Le signal gamma que Martí-Devesa et Olivera-Nieto ont mesuré est à des énergies supérieures à 10 GeV, ce qui indique que le système pourrait accélérer des particules à des énergies encore plus élevées. Aucune périodicité ou variabilité n'est trouvée dans la source gamma, ce qui indique une source persistante. Pour les chercheurs, les propriétés de l'émission sont compatibles avec un scénario dans lequel les protons accélérés dans les jets interagissent avec le gaz proche et produisent des rayons gamma. Martí-Devesa et Olivera-Nieto trouvent que si le jet a fonctionné à une moyenne de 1% de la limite d'Eddington pendant 10% du temps que GRS 1915+105 a passé dans son état de transfert de masse, 10% de la puissance disponible transférée aux protons serait suffisants pour atteindre les ∼3 × 1049 erg nécessaires pour expliquer le signal observé de quelques GeV.

Pour arriver à cette conclusion, les astrophysiciens des particules ont également utilisé les données du radiotélescope de 45 mètres de Nobeyama, au Japon, ce qui leur a permis de montrer qu'il y a suffisamment de gaz autour de la source pour que leur scénario soit possible.

Ce résultat montre donc que même les microquasars abritant une étoile de faible masse sont capables d'accélérer les particules. Comme il s'agit de la classe la plus nombreuse dans les microquasars, ce résultat a des implications significatives sur la contribution estimée des microquasars au contenu en rayons cosmiques de notre galaxie.

Dans la conclusion de leur article, Martí-Devesa et Olivera-Nieto précisent que bien qu’ils ne puissent pas totalement écarter une association avec la source de rayons X proche 4XMM J191551.2+105814, beaucoup plus faible, ou bien avec un blazar inconnu qui serait vu à travers le plan galactique, ils notent qu'il n'y a pas de preuve d'une coupure dans le spectre GeV de la source gamma, ce qui suggère que l'émission pourrait s'étendre à des énergies de rayons gamma encore plus élevées. Une détection dans la bande multi-TeV exclurait définitivement une origine extragalactique et confirmerait l'association avec GRS 1915+105, une détection faisable avec des télescopes Cherenkov. La validation ferme que ce microquasar est un émetteur de rayons gamma permettrait d'établir que les binaires X à faible masse sont bien des accélérateurs de particules de haute énergie et de contraindre leur contribution au contenu en rayons cosmiques de notre galaxie.


Source

Persistent GeV Counterpart to the Microquasar GRS 1915+105

Guillem Martí-Devesa and Laura Olivera-Nieto

The Astrophysical Journal Letters, Volume 979, Number 2 (28 january 2025)

https://doi.org/10.3847/2041-8213/ada14f


Illustrations

1. Vue d'artiste d'un microquasar (NASA)

2. Le spectre des rayons cosmiques, la première cassure, le genou (knee) se situe à environ 4 PeV (4. 106 GeV) (Blümer et al.)

3. Guillem Martí-Devesa


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