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13/04/22

Bernardinelli-Bernstein : la plus grosse comète connue fait plus de 100 km de diamètre


Le 8 janvier dernier, le télescope Hubble a été braqué vers une comète pas comme les autres : C/2014 UN271 (Bernardinelli-Bernstein). C'est la comète la plus énorme que l'on connaisse. Les astronomes ont mesuré la taille de son noyau, qui vaut 119 km de diamètre! L'étude, qui confirme une étude indépendante très récente menée par des astronomes français avec ALMA, est publiée dans The Astrophysical Journal Letters

26/02/17

Du vent à la surface de Tchouri


Quelle ne fut pas la surprise des spécialistes en observant en détails les images de la comète Tchouri effectuées par la sonde Rosetta : des dunes de sable ondulées y sont présentes, et elles ne peuvent être produites que par du vent, selon une étude de physiciens français.




13/09/16

Des macromolécules organiques détectées sur Chury par Rosetta

Alors que des composés organiques avaient déjà été détectés sur la comète 67P/ Churyumov-Gerasimenko par Philae sous forme de gaz, des composés organiques solides sous forme de macromolécules, viennent pour la première fois d’être identifiés dans des grains de poussière par Rosetta.



01/09/16

La sonde Rosetta sort son microscope pour étudier la poussière de Chury

Trente jours avant son crash sur la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko en forme d'apothéose , la sonde Rosetta fait encore parler d'elle, ou du moins les données de ses instruments : une nouvelle publication révèle aujourd'hui, via des mesures inédites, la structure des particules de poussière de la comète, éclairant ainsi les processus qui ont formé le système solaire.




13/02/16

Clap de fin pour Philae

Le petit robot de l'Agence Spatiale Européenne avait ému de nombreux passionnés de l'exploration spatiale et même au-delà lors de son atterrissage historique et mouvementé sur la comète Churyumov-Gerasimenko/67P en novembre 2014. Le contact n'ayant jamais pu être réactivé depuis de nombreux mois, les ingénieurs du Centre Spatial allemand viennent de cesser définitivement les tentatives de contact avec Philae.



Philae était emporté par la sonde Rosetta, toujours en orbite de la comète, et avait été largué en direct vers la surface de la comète le 12 novembre 2014, mais un harpon avait mal fonctionné lors de son aterrissage (acometissage) et il avait rebondi deux fois avant de se retrouver dans une anfractuosité de la comète avec peu d'énergie solaire à sa disposition, sa seule source d'énergie. Ses batteries avaient tout de même pu fonctionner près de 60 heures et le robot a pu produire environ 80% de sa mission initiale, en enregistrant des images détaillées de la surface de la comète, ainsi qu'en analysant la composition chimique de gaz et de poussière émanant de la surface du noyau cométaire. Il a notamment permis d'identifier la présence de composés organiques comme du formaldéhyde et d'autres composés azotés et carbonés encore jamais vu sur des comètes. Le plus gros manque, dû à l'inclinaison du robot dans sa dernière position aura été de pouvoir forer le sol de la comète pour analyser des échantillons.

Vue d'artiste de Philae se posant sur Chury (German Aerospace Center)
Lorsque ses batteries furent vidées, Chury était encore loin de son point le plus rapproché du Soleil, qui devait avoir lieu le 15 août 2015. La quantité de lumière solaire augmentant au fil des mois au printemps 2015, une tentative de réveil de Philae avait été entreprise et réussie, le robot ayant communiqué quelques signaux avec Rosetta en juin 2015. Et puis ce fut très vite le silence. Un silence absolu, qui n'a pourtant pas décourgé les ingénieurs de l'ESA d'essayer encore et encore d'envoyer des commandes vers Philae et écouter d'éventuelles réponses. Mais en vain. 
Aujourd'hui, la comète s'éloignant à grands pas du Soleil avec une température à la surface de Chury de l'ordre de -180°, de quoi endommager certains composants du robot, et les panneaux solaires de Philae étant de plus probablement couverts de poussière, les ingénieurs estiment la probabilité d'établir le contact quasi nulle, et qu'il est préférable d'arrêter l'acharnement.

Philae rejoint donc le cimetière des sondes spatiales, en laissant une trace humaine sur un objet improbable. Les données enregistrées par Philae durant ses 60 premières heures à la surface de Churyumov-Gerasimenko devraient alimenter encore pour quelques années les chercheurs qui tentent de comprendre cette comète dans ses moindres détails ainsi que les comètes en général, et l'histoire du système solaire.

08/02/16

La comète Churyumov-Gerasimenko n'est pas creuse

Les comètes sont connues pour être des corps composés d'un mélange de glace et de poussière. Donc si elles sont compactes elles devraient avoir une densité plus grande que celle de l'eau, plus grande que 1. Mais des mesures antérieures ont déjà montré que la densité des comètes était bien plus faible que la densité de l'eau. Ces données indiquent que les comètes devraient être très poreuses.



Différentes vues de Churyumov-Gerasimenko par Rosetta (ESA/Rosetta NAVCAM)
Cette porosité doit-elle être comprise comme l'existence de vastes cavités au cœur des noyaux de comète ou bien une structure homogène mais de faible densité ? Une réponse vient d'être apportée grâce à l'étude de la comète Churyumov-Gerasimenko/67P par la sonde Rosetta. C'est l'équipe menée par Martin Pätzold du Rheinische Institut für Umweltforschung à l'Université de Cologne qui publie ces résultats dans la revue Nature. Ils démontrent que la comète n'est pas creuse, elle ne contient pas de cavités, mais plutôt une structure homogène de très faible densité.
Une étude précédente effectuée avec l'instrument radar CONSERT de Rosetta avait déjà montré que l'un des deux lobes de Chury apparaissait homogène sur une échelle de l'ordre de la dizaine de mètres. 
La méthode employée par Pätzold et son équipe vaut le coup d'être détaillée car c'est une belle prouesse. Afin de déterminer la présence ou l'absence de cavités dans le noyau de Chury, les chercheurs ont mesuré les variations du champ gravitationnel produit par la comète et qui agit sur la sonde Rosetta en lui induisant des variations d'accélération et donc de vitesse. Pour cette mesure, les chercheurs ont donc besoin de connaître avec une extrême précision comment bouge la sonde Rosetta autour de la comète.
Les différences de vitesse de la sonde peuvent être mesurées par l'effet Doppler apparaissant sur les ondes radio que la sonde envoie vers la Terre pour communiquer diverses données, cet effet qui décale les longueurs d'ondes en fonction de la vitesse de l'émetteur ou du récepteur. 

La station radio de New Norcia en Australie (ESA)
Les signaux radio de Rosetta (son instrument RSI) sont recueillis par l'antenne de 35 m de la station de New Norcia en Australie. C'est la première fois que cette méthode est utilisée sur une comète. Les variations de champ gravitationnel à mesurer étaient infimes et les chercheurs ont dû prendre en compte l'effet gravitationnel de nombreux corps du système solaire, même lointains, pour pouvoir isoler que la seule contribution de la comète elle-même. Parmi ces contributions parasites, on trouve bien sûr le Soleil et Jupiter, mais aussi toutes les autres planètes jusqu'aux planètes naines ainsi que les plus grands éléments de la ceinture d'astéroïdes.
Au delà de l'influence des corps du système solaire, d'autres effets comme la pression de radiation du vent solaire ou la pression provoquée par la queue de Chury sur Rosetta ont également dus être pris en considération. Cette dernière donnée ne pouvait être mesurée que in situ par la sonde elle-même, via son instrument dédié appelé ROSINA qui mesure les particules de gaz impactant la sonde. 
Pätzold et ses collaborateurs ont ainsi pu mesurer la masse totale de la comète Churyumov-Gerasimenko avec une très grande précision, ainsi que sa structure interne. Elle a une masse de 9,98 millions de tonnes, pour un volume de 18,7 km3. La densité moyenne de la comète vaut donc 0,533. 

Au départ de la mission, les chercheurs avaient calculé que Rosetta devait s'approcher à moins de 10 km de la surface de Chury pour pouvoir déterminer sa structure interne, ce qui représentait un vrai challenge surtout quand la comète serait active. Mais cette estimation avait été faite en imaginant un noyau cométaire quasi sphérique. La découverte, une fois Rosetta suffisamment rapprochée, que Chury était composée de deux lobes, facilita grandement la vie de cette belle expérience. En effet, de fortes variations de champ gravitationnel étaient déjà visibles dès une distance de 30 km, à cause de cette forme très particulière. Une fois Rosetta à 10 km de la comète, les données récoltées par l'équipe de Martin Pätzold étaient bien plus claires et nettes que ce qu'ils avait prévu depuis des années.

L'explication la plus probable à cette structure homogène mais de très faible densité est que cette porosité est une caractéristique intrinsèque au mélange glace/poussière. Des mesures antérieures sur d'autres comètes avaient montré que la poussière cométaire n'est pas sous forme solide compacte mais plutôt un agrégat "duveteux", qui lui donne une faible densité. Les instruments COSIMA et GIADA embarqués sur Rosetta ont d'ailleurs trouvé des grains de poussière provenant de Chury qui montrent ses mêmes caractéristiques.
Maintenant, les chercheurs allemands qui exploitent l'instrument RSI (Radio Science Experiment) à l'origine de ces mesures, espèrent pouvoir l'utiliser dans les tous derniers moments de Rosetta en Septembre prochain, lorsque celle-ci frôlera la surface de Chury à quelques mètres avant d'y être "déposée", pour explorer son intérieur avec encore plus de précision, durant un très court instant, le chant du Cygne pour Rosetta. 

Source : 

A homogeneous nucleus for comet 67P/Churyumov–Gerasimenko from its gravity field
M. Pätzold et al.
Nature 530, 63–65 (04 February 2016)

04/11/15

Rosetta finira ses jours sur la comète 67P aux côtés de Philae

C'est désormais officiel, à la fin de sa mission en septembre prochain, Rosetta rejoindra son petit Philae pour l'éternité sur la surface de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko. Mais le crash sera fait très "lentement", de manière à acquérir des dernières données au plus près de la surface du noyau cométaire.



L'Agence Spatiale Européenne (ESA) vient de prendre sa décision. La mission Rosetta étant financée que jusqu'en septembre 2016, il fallait trouver que faire de la sonde, toujours en orbite autour de la comète 67P et bénéficiant de toujours moins d'énergie en s'éloignant du soleil. C'est donc vers un "crash" très contrôlé de la sonde qu'ont convergé les spécialistes.Pour certains, c'est la plus belle fin de mission qu'on ait pu imaginer. On se rappelle l'émotion qui avait marqué l'atterrissage du module Philae le 12 novembre dernier. Il est sans nul doute que nous vivrons le même enthousiasme en septembre prochain quand nous découvrirons les images époustouflantes qui seront enregistrées au dernier moment avant le contact de Rosetta avec le sol de la comète...
Vue d'artiste de Rosetta auprès de 67P (ESA/ATG medialab/Rosetta/Navcam)
Le sort de la sonde Rosetta était discuté depuis plus d'un an, avant même l'atterrissage de Philae.  Le directeur du vol, Andrea Accomazzo avait une préférence pour faire hiberner la sonde durant son périple au fin fond du système solaire et essayer de la remettre en vie dans quatre ou cinq an lorsque 67P reviendrait à proximité du soleil. Mais cette option a beaucoup de risque d'endommager l'électronique de la sonde à cause du froid intense et prolongé, sans compter que de nombreux chercheurs travaillant sur Rosetta depuis plus de 20 ans maintenant ne souhaitaient pas attendre 5 ans de plus pour finaliser cette belle mission. L'option du crash en douceur l'a donc emporté et les opérateurs de la sonde sont maintenant en train de plancher sur la meilleure façon de le faire. 
Le survol le plus proche à ce jour de Rosetta était à 8 km de la surface, pour larguer le robot Philae. Les scientifiques de l'ESA pensent amener Rosetta à spiraler vers une altitude similaire en août prochain, puis de là parcourir des orbites elliptiques de plus en plus rapprochées, jusqu'au contact final.
Rosetta descendra plus lentement que ne l'a fait Philae, et pourra ainsi acquérir de nombreuses données et produire de belles images avec une résolution toujours meilleure. Lorsqu'elle ne sera plus qu'à 4 kilomètres de la surface, elle pourra distinguer grâce à son spectromètre ROSINA la nature des gaz émanent de chacun des deux lobes cométaires pour déterminer si leur composition chimique est différente.
A 500 m au dessus de la surface, les images produites avec l'imageur OSIRIS offrirons une résolution de 1 cm par pixel... De quoi étudier finement les propriétés du sol, en lien avec l'activité observée de plus haut lorsque la comète était au plus près du soleil. 

La question importante que se posent les ingénieurs de l'ESA est jusqu'où Rosetta pourra-t-elle envoyer vers la Terre ses précieuses données durant sa descente ? Car une fois le sol touché, ç'en est définitivement fini. Toutes les transmissions de données doivent être terminées avant le crash. Les spécialistes sont donc en train de calculer quelles sont les meilleures trajectoires possibles, qui permettront que la sonde se trouve du bon côté de la comète par rapport à la Terre lors des derniers instants.
Une fois "posée" plus ou moins violemment sur 67P, Rosetta ne pourra évidemment plus orienter son antenne en direction de la Terre, et elle ne pourra plus non plus orienter ses panneaux solaires pour récupérer l'énergie vitale. Il est possible que la sonde puisse encore transmettre quelques données une fois au sol mais les chercheurs ne considèrent pas du tout cette option comme faisant partie du plan. Pour eux, le contact signe la fin de la mission.

Avant de parvenir à cet ultime plongeon, Rosetta poursuit en ce moment son étude de 67P en pouvant maintenant se rapprocher du noyau qui est de moins en moins actif en s'éloignant du soleil. Elle doit prioritairement faire des images pour comparer l'état de la comète avant/après son passage au périhélie. L'autre chantier qui attend Rosetta dans les mois d'hiver est l'observation de l'hémisphère sud de la comète qui n'était plus dans la lumière depuis le mois de mai et qui retournera dans l'ombre dès mars 2016... Elle devrait également essayer d'écouter d'éventuels signes de vie de Philae qui n'en a pas donné depuis juillet dernier. 
Même si elle ne retrouve pas son contact, Rosetta finira dans tous les cas ses jours à quelques centaines de mètres de Philae, à ses côtés pour de très nombreuses années...

29/10/15

Rosetta détecte de l’oxygène moléculaire inattendu sur 67P/Churyumov–Gerasimenko

On ne parle que de ça depuis hier. Rosetta a détecté la présence inattendue de dioxygène dégazant de la surface de la comète 67P/Churyumov–Gerasimenko. C’est la première fois que de l’oxygène est observé en abondance sur une comète, et sa présence n’est pas encore clairement expliquée.



ESA/Rosetta/NAVCAM
La coma de la plupart des comètes a une composition chimique dominée par trois molécules : H2O (eau), CO (monoxyde de carbone) et CO2 (dioxyde de carbone). Ces trois gaz à eux seuls peuvent former 95% de la densité totale de gaz. Et certaines comètes ont montré en plus la présence de molécules plus complexes comme des composés soufrés ou des hydrocarbures plus ou moins complexes. Mais alors que l’oxygène moléculaire, le dioxygène (O2) a déjà été observé dans le système solaire en dehors de la Terre, par exemple sur des satellites glacés de Jupiter ou Saturne, on n’en avait encore jamais trouvé la trace sur des comètes.
L’abondance de dioxygène qu’à mesurée l’équipe internationale exploitant le spectromètre de masse ROSINA-DFMS de la sonde Rosetta est importante : elle est comprise entre 1% et 10% de celle de l’eau (qui est rappelons-le la composante principale), avec une valeur moyenne de 3,8%.

Ces données ont été acquises entre septembre 2014 et mars 2015 et ont permis de différencier très finement les trois espèces chimiques dont le signal se situait dans la région du dioxygène : O2 (dioxygène), S (soufre atomique), et CH3OH (méthanol). L’origine cométaire du dioxygène détecté ne faisait aucun doute lorsque l’analyse montra le nombre de molécules qui augmentait en fonction de l’inverse du carré de la distance quand Rosetta s’approchait de la surface de Chury, à 30 km, 20 km puis 10 km.
Le spectromètre de masse ROSINA-DFMS (ESA)
On observe par ailleurs une très forte corrélation entre la densité de H2O et celle de O2. Cela indique que ces deux molécules ont une origine commune dans le noyau cométaire et que les mécanismes qui les libèrent sont liés, contrairement à d’autres composés comme le CO ou l’azote moléculaire (N2), également détecté, qui ne montrent pas de corrélation avec l’eau.

En revanche, le ratio O2/H2O décroit quand l’abondance en eau est élevée, ce qui pourrait être causé par le fait que la glace de surface est produite via un processus cyclique de sublimation-condensation d’après les auteurs.
Les chercheurs observent en outre que le rapport O2/H2O est semblable dans toute la coma et n’a que très peu évolué quand la comète s’est rapprochée du soleil. L’origine de cet oxygène moléculaire est débattue : elle aurait pu être issue de processus de photolyse ou de radiolyse des molécules d’eau, lorsque des photons énergétiques ou des électrons viennent casser les molécules H2O et permettent la recombinaison des atomes, mais André Bieler et ses collègues montrent que cette voie n’est pas viable et proposent plutôt que cet oxygène a dû être incorporé au sein du noyau cométaire lors de sa formation aux débuts du système solaire, les grains de glace et de poussières venant emprisonner les molécules de dioxygène du milieu.
Mais cette idée est tout à fait inattendue, les modèles actuels de formation du système solaire ne prédisent en effet pas des conditions propices à un tel processus physico-chimique, les molécules d’oxygène devant plutôt s’apparier rapidement avec l’hydrogène pour former… de l’eau.

L’origine de l’oxygène moléculaire qui vient d’être détecté par Rosetta sur  67P/Churyumov–Gerasimenko va devoir être étudiée plus profondément, que ce soit par des expériences en laboratoire et de nouvelles observations astronomiques.


Source :
Abundant molecular oxygen in the coma of comet 67P/Churyumov–Gerasimenko
A. Bieler et al.
Nature 526, 678–681 (29 October 2015)

20/08/15

La comète Chury/67P pleine de trous

Parmi les nombreuses trouvailles effectuées par la sonde Rosetta sur la comète 67P/Chouryumov-Gerasimenko, il en est une étonnante qui concerne la surface du noyau cométaire : elle est pleine de trous, un vrai gruyère!


Une équipe de chercheurs européens exploitant les données multiples de Rosetta a publié il y a quelques semaines une étude consacrée à la structure de la surface de 67P dans la revue Nature et montre l’existence de nombreux gros trous dans le noyau cométaire: 18 exactement, de quoi faire un beau golf… Jean-Baptiste Vincent et ses collègues décrivent en détails ces trous étonnants visibles à la surface de Chury, qu’ils ont étudié de près grâce notamment aux images produites par l’instrument OSIRIS (Optical, Spectroscopic and Infrared Remote Imaging System) de Rosetta. C’est en cartographiant la surface de la comète que les chercheurs ont découvert la présence de ces 18 trous qui ont un diamètre de 200 mètres pour une profondeur d’environ 180 m. Leur morphologie est tout à fait singulière, de forme cylindrique avec une ouverture circulaire et des parois très abruptes. On n’ose imaginer si Philae avait fini sa course dans l’un de ces gros trous…

crédit : ESA/Rosetta/MPS for OSIRIS Team 
Qui plus est, ces trous paraissent actifs : les images des trous lorsqu’ils sont éclairés par la lumière solaire montrent un dégagement de poussières sous forme de jets, provenant de leurs parois ou bien de leur fond. La question que se posent les planétologues est bien sûr de savoir d’où viennent ces trous. Et l’équipe de J.B Vincent propose une hypothèse : ce seraient des trous d’effondrement. Ils se formeraient lorsque des matériaux de surface, plus denses que la structure sous-jacente s’effondreraient brutalement. Par ailleurs, il a été montré par l’équipe exploitant l’instrument Radio Science Investigation, que la densité moyenne du noyau cométaire de 67P n’était que de 0,47, soit deux fois moins que la densité de la glace. Et un autre instrument de Rosetta, le Grain Impact Analyser and Dust Accumulator avait mesuré quant à lui un ratio poussière/glace d’environ 4, ce qui laisse penser que ce sont des silicates et des matériaux organiques qui dominent largement la comète plutôt que de la glace. Cette donnée associée celle de la densité mène à la conclusion que 80% du volume de la comète est simplement du vide, ou en d’autres termes, que la comète est extrêmement poreuse, une grosse éponge… Les modèles de formation cométaire prédisent justement une forte porosité de leur structure interne, indiquant que les comètes se forment dans l’enfance du système solaire par agrégation de corps plus petits.

Les chercheurs montrent également dans leur étude que dans certaines zones de 67P, la surface est dominée par de vastes bassins très plats. Certains astronomes estiment qu’il peut s’agir de zones de sublimation très similaires à ce qui avait été observé sur une autre comète semblable à Chury, la comète Wild 2. On peut penser que ces bassins s’élargissent au fur et à mesure que leurs parois se subliment en dégazant, laissant derrière elles les particules non-volatiles qui viennent tapisser le fond du bassin.
Il vient alors à l’esprit des planétologues que peut-être que les grands trous observés par l’équipe de JB Vincent seraient les précurseurs de ses bassins de sublimation, qui s’agrandissent petit à petit par la sublimation de leurs parois. Ce qui est certain, c’est que la plupart des grands trous observés sur Chury se trouvent dans les mêmes zones que celles où se trouvent les vastes bassins.

ESA/Rosetta/MPS for OSIRIS Team / J.B Vincent et al.
Ce qui étonne les astronomes, c'est qu'on ne trouve pas de tels bassins de sublimation sur d'autres comètes plus vieilles que Chury et Wild 2. Le point commun de Wild 2 et Chury est en effet leur "jeune âge", c'est à dire la courte durée depuis laquelle elles ont été perturbées gravitationnellement par Jupiter et se retrouvent depuis sur une orbite à même de faire sublimer leur noyau et de les rendre actives : à peine 60 ans, alors que des comètes du même type sur lesquelles on n'observe pas de bassins ou de trous seraient bien plus vieilles (comme par exemple les comètes Tempel 1 ou Hartley 2). Une réponse possible à cette petite énigme pourrait être que sur ces "vieilles" comètes, les bassins pourraient avoir été remplis de couches importantes de matériau non volatile accumulées au cours des phases de sublimation successives, réduisant par là-même leur taux d'activité actuel.

Chury/67P est passée à son périhélie il y a une semaine (son point le plus proche du Soleil), situé à 180 millions de km du Soleil, c'était le 13 août. Rosetta va continuer à lui tourner autour en récoltant de précieuses données encore pendant plus d’un an, le comité de programme scientifique de l’ESA venant de décider la prolongation de la mission jusqu’à fin septembre 2016. Les chercheurs espèrent pouvoir compter sur quelques données en provenance de Philae s’il daigne communiquer correctement un jour, ce qui ne semble pas acquis pour le moment. Peut-être pourrons nous assister à l'apparition de nouveaux trous à la surface de 67P ou bien à l'élargissement des 18 déjà observés.

La compréhension des phénomènes associés à la sublimation du noyau des comètes pourra permettre de mieux appréhender l'origine de leur formation, car on ne sait toujours pas comment se forment les comètes à deux lobes proéminents comme Chury/67P : par collision douce de deux noyaux cométaires ou bien par érosion/sublimation progressive...


Source : 
Large heterogeneities in comet 67P as revealed by active pits from sinkhole collapse
Jean-Baptiste Vincent et al.
Nature 523, 63–66 (02 July 2015)

10/01/15

Voir la comète C/2014 Q2 Lovejoy

J'ai bravé le vent froid ce soir pour capturer cette comète verte tout de même assez difficile à cerner à l’œil, et en tous cas plus facile à attraper avec quelques dizaines de secondes d'exposition. Ci-dessous le résultat avec un objectif de 35 mm, pose de 20 s, ISO 800 et F/D 3,5, avec un canon EOS 1000D sur son trépied, bien sûr... Essayez donc de trouver cette petite boule verte dans cette image (indice : à droite d'Orion et plus près des Hyades que des Pléiades)! 



Allez je vous donne la réponse, il est vrai qu'elle est tout de même assez faiblarde, cette C/2014 Q2 Lovejoy...



11/12/14

Rosetta analyse l’eau de la comète Churyumov-Gerasimenko

Ne vous y trompez pas, ce n’est pas un instrument de Philae qui vient de déterminer la composition isotopique de l’eau de la comète Churyumov-Gerasimenko, mais un instrument d’analyse embarqué sur Rosetta la sonde principale qui tourne toujours autour de la comète. Cet instrument est un spectromètre de masse appelé ROSINA-DFMS (Rosetta Orbiter Sensor for Ion and Neutral Analysis, Double Focusing Mass Spectrometer). 



Churyumov-Gerasimenko en train de dégazer, vue par
Rosetta à 31 km de distance (ESA/Rosetta/Navcam)
Cet instrument permet de dénombrer les différents isotopes (types différents de noyaux d’atomes d’un même élément), en calculant des ratios, notamment pour l’hydrogène, le ratio D/H (la quantité relative de deutérium par rapport à l’hydrogène).
Le deutérium diffère de l’hydrogène « normal » par le fait que son noyau d’atome est deux fois plus lourd : au lieu de ne comporter qu’un seul proton, le deutérium se compose d’un proton plus un neutron. L’eau qui comporte une grande quantité de deutérium en lieu et place de l’hydrogène au sein de la molécule H2O est ce qu’on appelle l’eau lourde.
Le ratio D/H est une signature de l’origine des molécules comportant de l’hydrogène. En effet, le deutérium ne peut pas être produit comme ça dans le milieu interstellaire. Il est produit soit lors de la nucléosynthèse primordiale dans les trois minutes qui ont suivi la singularité initiale il y a 13,8 milliards d’années, ou bien lors d’une nucléosynthèse stellaire, au cœur d’une étoile en train de fusionner son hydrogène.

Ce que vient de montrer l’analyse de ROSINA-DFMS, c’est que l’eau de Chury comporte 3,5 fois plus de deutérium (le ratio D/H), que ce qu’on a en moyenne dans l’eau de nos océans.
Une seule mesure de ce type avait déjà pu être effectuée in situ auprès d’une comète, c’était dans la queue de la célèbre comète de Halley, autour de laquelle avait été envoyée la petite sonde européenne Giotto à la fin des années 1980.
La méthode appliquée par la sonde Rosetta et son spectromètre de masse ROSINA-DFMS est similaire : il s’est agi de récupérer du gaz en provenance de la surface de Chury puis de l’analyser finement en « pesant » les molécules. ROSINA a la possibilité de mesurer tous les rapports isotopiques dans l’eau  indépendamment : D/H, mais aussi les isotopes de l’oxygène 17O/16O et 18O/16O. Et ROSINA est un capteur si sensible qu’il détecte le gaz émis par la sonde Rosetta elle-même, environ 1 million de molécules par centimètre cube, où on y trouve de l’eau (qui a un ratio D/H terrestre), ainsi que des molécules organiques (venant de l’hydrazine, le carburant de la sonde), et des résidus fluorés provenant de la graisse utilisée sur la sonde.
Le ratio D/H (et facteur d'enrichissement f) pour différents corps du système solaire, la valeur mesurée sur Chury est en rouge. Les losanges sont des mesures in situ (K. Altwegg et al.)
C’est à partir de la première semaine du mois d’août 2014, quand Rosetta s’est rapprochée à moins de 100 km de la surface de la comète que ROSINA-DFMS a pu entrer en action efficacement et détecter les molécules d’eau venant vraiment de la comète.
Les résultats obtenus par l’équipe internationale exploitant ROSINA (dont un nombre important de chercheurs français), pour les rapports des différents isotopes de l’eau sont publiés aujourd’hui en ligne dans la revue Science. Les valeurs obtenues sont les suivantes :
  • ·         D/H      = 0,00053 +- 0,00007 
  • ·         17O/16O = 0,00037 +- 0,00009
  • ·         18O/16O = 0,0018 +- 0,0002

Pour comparer différentes teneurs en isotopes d’hydrogène, on utilise généralement une référence qui est le ratio D/H de la nébuleuse protosolaire, qui est évalué d’une part par des mesures sur l’atmosphère de Jupiter et d’autre part sur la photosphère du Soleil. Cette valeur de référence de D/H est appelée (D/H)PSN (PSN signifiant protosolar nebula), et elle vaut (D/H)PSN = 0,000021, valeur très proche du ratio D/H du milieu interstellaire, hors du système solaire.
La plupart des objets du système solaire sont en fait enrichis en deutérium, leur ratio D/H est plus élevé que  (D/H)PSN. Les objets du système solaire interne, comme la Terre, la Lune ou des météorites, sur lesquels le ratio D/H a pu être mesuré, montrent une valeur environ 6 fois plus forte que la référence de la nébuleuse protosolaire. Ce facteur par rapport à la référence est ce que les astrophysiciens appellent le facteur d’enrichissement f. Le facteur d’enrichissement pour la Terre vaut 7,1, mais pour toutes les comètes qui ont pu être analysées, ce facteur est situé entre 10 et 20. Et la nouvelle valeur de Churyumov-Gerasimenko vient poser de nouvelles questions, avec un facteur d’enrichissement plus fort que toutes les autres de 25,2. Cette valeur est plus élevée que ce que l’on a pu déterminé pour différents types de comètes, venant du nuage d’Oort comme Halley ou de la ceinture de Kuiper comme la famille des comètes « joviennes » comme Chury.

Les modèles de formation du système solaire prédisent comment le deutérium au sein des molécules d’eau peut se concentrer en fonction de la distance du soleil, par des mécanismes physico-chimiques de volatilisation/recondensation. Ces mécanismes permettent de produire des modifications de teneur isotopique, avec une ségrégation des isotopes lourds par rapport aux légers.

Mais même si il se confirme qu’il existe bien une augmentation du ratio D/H avec la distance du Soleil, qui est expliquée par le modèle, en revanche cette nouvelle mesure sur Chury amène les auteurs à conclure que comme le ratio D/H des comètes de la famille « jovienne » apparaît  très hétérogène et peut varier considérablement, il est beaucoup plus probable que l’eau terrestre (ainsi que notre atmosphère) provienne d’astéroïdes, plus proches de la Terre à l’époque, que de ces lointaines comètes aux origines diverses.

Source :
67P/Churyumov-Gerasimenko, a Jupiter family comet with a high D/H ratio
K. Altwegg et al.
Science, published online (10 december 2014)


10/11/14

Atterrissage de PHILAE sur Churyumov-Gerasimenko en Direct


Suivez en direct l'atterrissage de Philae sur 67P/Churyumov-Gerasimenko



Pour en savoir plus sur les instruments scientifiques qui sont embarqués sur Philae et les analyses qu'il va effectuer sur la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko, voir Les Instruments Scientifiques de PHILAE


09/11/14

Comète Siding Spring + Mars : Premiers résultats d'analyses

C'était le 19 octobre dernier, la comète Siding Spring frôlait Mars sous les yeux très proches de plusieurs sondes en orbite autour de la planète rouge. Les scientifiques opérant ces sondes initialement dédiées à l'étude de Mars avaient bien sûr profité de cette occasion rarissime pour étudier la comète et ses interactions avec l'atmosphère martienne. Les premiers résultats viennent d'être rendus publics par les équipes américaines exploitant la sonde MAVEN.



En fait, les trois sondes MAVEN, MRO et Mars Express ont toutes les trois pu observer comment la comète a introduit de grandes quantités d'ions (des atomes ionisés) dans l'atmosphère de Mars, où plutôt son ionosphère, là où se concentre les couches de gaz ionisé.

Vue d'artiste de Siding Spring approchant Mars avec les sondes à l'affût
(NASA/JPL)
Siding Spring est passé à seulement 139500 km de Mars et sa queue a impacté l'atmosphère de la planète rouge. Se faisant, elle a produit dans l'atmosphère une pluie d'étoiles filantes monumentale comme les martiens n'en avaient pas vue depuis bien longtemps. Le nombre de météores a été évalué à de l'ordre de 1000 par heure...
Rétrospectivement, les scientifiques qui opèrent les sondes en orbite autour de Mars se réjouissent d'avoir modifié leurs trajectoires pour leur éviter de se trouver pile dans la queue de la comète... et pour pouvoir analyser plein de choses.
MAVEN a été exploité via son instrument IUS (Imaging Ultraviolet Spectrograph) qui a pu observer une émission intense d'ions de magnésium et de fer juste après la pluie de météores. Cette émission ultraviolet a dominé tout le spectre UV de Mars durant plusieurs heures avant de se dissiper lentement dans les deux jours suivants.
Un autre instrument de MAVEN, le NGIMS (Neutral Gas and Ion Mass Spectrometer) a permis de déterminer la composition d'une bonne partie de la poussière ayant impacté Mars. Huit types d'atomes ionisés ont été détectés, notamment du sodium, du magnésium et du fer. Cette mesure est la toute première mesure directe de la composition de la poussière d'une comète venant du nuage d'Oort.
La sonde européenne Mars Express, quant à elle, à observé une énorme augmentation de la densité d'électrons juste après l'approche la plus faible de la comète. C'est l'instrument MARSIS (Mars Advanced Radar for Subsurface and Ionospheric Sounding) qui a produit cette mesure. Ce pic d'ionisation dans l'atmosphère martienne a eu lieu à une altitude sensiblement plus basse que celle du maximum d'ionisation habituellement observé. Ce pic d'ionisation semble directement lié aux fines particules cométaires qui se désintégraient en brûlant dans l'atmosphère de Mars.

Ensuite, l'instrument SHARAD (Shallow Subsurface Radar) de la sonde MRO a lui aussi mis en évidence l'effet de la comète sur l'ionosphère en montrant que la denstié d'électrons produite dans l'ionosphère était supérieure à entre 5 et 10 fois la normale.
Mais MRO est aussi muni d'un excellent imageur, HiRISE (High Resolution Imaging Science Experiment) qui a permis de réveler une taille du noyau cométaire plus petite qu'estimée auparavant, avec seulement 2 km, et une période de rotation de 8 heures, ce qui en revanche confirme les observations antérieures effectuées avec Hubble. Les planétologues de MRO ont également essayé de détecter des composés chimiques en analysant le spectre de la lumière avec le spectromètre imageur CRISM (Compact Reconnaissance Imaging Spectrometer for Mars), mais sans pouvoir mettre en évidence la présence d'un composé particulier.

En plus de ces mesures qui ont été faites dans les minutes ou les heures ayant suivi le passage frôlant de Siding Spring, les sondes martiennes continuent aujourd'hui à mesurer l'atmosphère de Mars pour déceler d'éventuelles perturbations à caractère de long terme que la comète a pu induire.

Source : 
MAVEN collaboration
University of Boulder Colorado
http://lasp.colorado.edu/

03/10/14

La comète Siding Spring va frôler Mars le 19 octobre 2014

Vous vous souvenez sans doute de la comète ISON qui frôla le Soleil en novembre dernier et qui devait nous fournir de nombreuses données grâce à une armada de satellites et autres sondes qui avaient été braquées vers elle pour l’occasion, une occasion unique de scruter une telle comète ultra-rasante (et qui s’en est d’ailleurs brûlé la chevelure). Et bien ce ne sera peut-être rien par rapport à ce que nous attendons fébrilement pour le 19 octobre prochain.



C’est en effet le 19 octobre 2014 qu’une belle rencontre va avoir lieu : une comète, dénommée Siding Spring (de son vrai nom C/2013 A1) va littéralement frôler, non pas le Soleil, ni la Terre, mais Mars ! Et quand je dis frôler, c’est réellement frôler :  Siding Spring va passer à seulement 100000 km environ de la surface martienne, soit un tiers de la distance séparant la Terre de la Lune. On peut même dire qu’on a manqué de peu un spectacle qui aurait été encore plus exceptionnel ou grandiose, l’impact…

Trajectoire de la comète Siding Spring (NASA)
Mais ce passage très proche est tout de même une opportunité incroyable. Comme vous le savez peut-être, Mars est la planète la plus étudiée actuellement, possédant pas moins de 5 sondes en activité qui lui tournent autour. Le spectacle promet ainsi d’être observé de très près, sous toutes les coutures possibles.

Et qui plus est, Siding Spring, découverte par des astronomes australiens en janvier 2013,  n’est pas une comète « classique », elle provient de la zone très externe du système solaire appelé le nuage d’Oort, qui forme comme une sorte de coquille sphérique peuplée de milliards de petits corps de glace, à une distance de 30000 unités astronomiques du Soleil (ou 0,5 année-lumière si on préfère). Ces corps ont au moins l’âge du Soleil : 4,6 milliards d’années, et on estime que Siding Spring s’est échappée du nuage d’Oort pour sa première fois. Les informations que nous allons en tirer seront donc extrêmement précieuses. Les comètes plus classiques, comme par exemple la comète 67P bientôt étudiée in situ par Rosetta/Philae, elles, possèdent des orbites situées dans le plan des orbites planétaires, ont une période orbitale de quelques dizaines à quelques centaines d’années et proviennent d’une zone annulaire de petits corps bien moins éloignée, un peu au-delà de l’orbite de Neptune, qui est appelée la ceinture de Kuiper.

On sait que Siding Spring se rapproche pour la première fois de l’intérieur du système solaire car des mesures ont montré qu’elle possède une quantité significative de monoxyde et de dioxyde de carbone, qui auraient été très vite volatilisés en cas de multiples passages près du Soleil.
Les 5 sondes en orbite autour de Mars sont donc aux avant-postes, nous avons ici les américaines Mars Odyssey, MRO (Mars Reconnaissance Orbiter) et MAVEN (Mars Atmosphere and Volatile EvolutioN), l’européenne Mars Express, et la toute nouvelle sonde Indienne MOM (Mars Orbiter Mission). Mais ces sondes seront tellement proches de la comète, et surtout de sa queue, que cela en devient problématique.

Toutes ces sondes ou presque ont ainsi été programmées pour modifier leur trajectoire (le cas de la sonde Indienne n’a pas encore été totalement finalisé) afin de se trouver de l’autre côté de Mars durant les quelques dizaines de minutes où la queue de la comète va copieusement arroser l’atmosphère de la planète. Des instruments sur MAVEN vont même être complètement éteints pour éviter tout risque électromagnétique.

Siding Spring (C/2013 A1) imagée le 4 mars 2014 en Australie
(Rolando Ligustri)
Mais avant le passage au plus près et juste après, les sondes devraient se régaler en laissant tomber Mars pour se tourner vers le noyau de cette étonnante comète venue des confins du système solaire. Les planétologues espèrent qu’ils pourront imager le noyau cométaire avec MRO, ce qui serait une première pour un objet du nuage d’Oort. Hormis la dimension et la forme de C/2013 A1, on devrait pouvoir mesurer son albédo (comment elle réfléchit la lumière), ce qui fournira des informations sur sa composition.
Quant à MAVEN, qui est dédiée à l’étude de l’atmosphère de Mars, elle pourra tout aussi bien étudier le gaz entourant la comète ainsi que sa chevelure. Il y a même mieux : comme la queue de la comète devrait taper dans l’atmosphère de Mars, on s’attend à des phénomènes tout à fait particuliers, et qui seront observés grâce à MAVEN. La collision devrait produire des aurores dans l’atmosphère de Mars ainsi qu’un échauffement local de près de 50°, ce qui est loin d’être négligeable. 

Cette rencontre impromptue et si prometteuse ne durera que quelques jours, Siding Spring poursuivra son chemin en quittant le plan orbital des planètes et ne reviendra à notre voisinage que dans plusieurs millions d’années peut-être. Entre temps, notre connaissance de notre environnement planétaire lointain devrait s’être fortement améliorée, en espérant que la prochaine visite de ce type ait lieu à proximité de la Terre (mais pas trop quand-même).



Source : 
Intruder from the Oort cloud will graze Mars
E. Hand
Science Vol. 346 no. 6205 p. 19  (3 October 2014)


27/09/14

Les Instruments Scientifiques de PHILAE

Philae, vous allez souvent entendre ce nom dans les semaines qui viennent, avec un paroxysme le 12 novembre, date à laquelle cette petite sonde atterrira sur la comète Churyumov-Gerasimenko. Philae est le petit atterrisseur que la sonde Rosetta va envoyer à la surface de la comète au nom imprononçable, autour de laquelle elle s'est mise en orbite à plus de 1 milliard de kilomètres de la Terre. 



Les instruments scientifiques de Philae (ESA).
La raison pour laquelle les planétologues ont décidé de poser une petite sonde sur une comète est simple : on veut savoir de quoi sont faites les comètes, ces objets qui existent depuis le début du système solaire sans avoir trop évolué, qui sont des vestiges de notre système solaire, vieux de plus de 4 milliards d'années. Nous voulons tout savoir sur les comètes, car elles peuvent être comme une pierre de Rosette pour notre compréhension de la formation de notre système solaire, et par extension de tous les systèmes stellaires...

Et Philae est une toute petite sonde de 100 kg à peine, avec un volume un peu plus petit que 1 mètre cube, mais littéralement bourrée de technologie. Car Philae doit analyser la comète Churyumov-Gerasimenko (alias 67P) in situ. Il n'est pas question de rapporter des échantillons, tout doit se faire sur place. Je vous propose de partir à la découverte de tous les instruments high tech emportés par Philae, qui ont été imaginés et développés il y a maintenant plus de 15 ans...
Ces instruments scientifiques sont au nombre de 10 et vont exploiter de nombreux paramètres physiques : la lumière émise, absorbée, et diffusée, la conductivité électrique, le champ magnétique, la chaleur ou encore les ondes acoustiques, pour étudier de nombreuses propriétés de la comète, on peut citer la morphologie et la composition chimique du matériau de surface, la structure interne du noyau cométaire, ou encore les gaz ionisés au dessus de la surface. Philae est en outre muni d'un bras pouvant emporter un instrument, et a la possibilité de pivoter sur lui-même sur 360°.


Listons ces instruments plus en détail : 

Tout d'abord, nous avons deux imageurs : CIVA et ROLIS. CIVA est en fait un ensemble de trois systèmes de caméras, CIVA-P est un système multiple de prises de vues panoramiques, situés tout autour de Philae et permettant de surveiller les alentours de l'atterisseur, notamment dans la phase d'atterrissage. CIVA-M/V est un imageur en trois couleurs ayant une résolution microscoscopique (7 µm), et CIVA-M/I, quant à lui est un imageur infra-rouge qui observera les échantillons avant qu'ils soient envoyés dans les fours de COSAC et PTOLEMY (voir plus loin).
ROLIS, lui, est un imageur unique, il couvre un champ de vue de 57° est est situé à l'aplomb immédiat de Philae. Son objectif est de vérifier ce qui se passe exactement en dessous du module durant sa descente vers la comète. Mais une fois posé, ROLIS continuera à prendre des images de la surface en mode spectroscopique. Et comme il n'est pas situé au centre de l'atterrisseur, il pourra étudier une zone circulaire sous Philae, lorsque ce dernier produira des rotations autour de son axe.

Le détecteur Alpha Proton X-ray Spectrometer (APXS) de Philae
Inst. for Inorganic Chemistry & Analytical Chemistry,
Max-Planck Institute for Chemistry)
Puis, nous avons un instrument incontournable pour toute sonde ayant pour objectif d'analyser un matériau, quel qu'il soit : APXS (Alpha Proton X-ray Spectrometer). Comme son nom l'indique, APXS est un spectromètre qui exploite différents types de rayonnements. Il contient une source radioactive de curium-244, qui est un puissant émetteur alpha. L'émission de rayons alpha vers le sol va permettre de connaitre sa nature en mesurant les rayonnements qui reviennent vers la source d'émission.
Ces rayonnements peuvent être de trois sortes : premièrement des rayons alpha qui se trouvent rétrodiffusés par des noyaux d'atomes possédant à peu près la même masse que le noyau d'hélium (de l'hydrogène au béryllium en gros), deuxièmement des protons, lorsque les rayons alpha interagissent avec des noyaux un peu plus gros, des protons peuvent être éjectés, et être mesurés. Enfin, des rayons X, lorsque les rayons alpha ont ionisés des atomes et que les couches électroniques des atomes en questions se réorganisent en produisant instantanément des rayons X, dont l'énergie particulière est une signature sans équivoque du type d'atome qui lui a donné naissance.

Vient ensuite un instrument peu commun sur les sondes planétaires : CONSERT (COmet Nucleus Sounding Experiment by Radio wave Transmission). Son objectif est de déterminer la structure interne de la comète en mesurant comment se transmettent des ondes radio à travers le noyau cométaire. Des ondes radio sont émises par Philae et reçues par Rosetta en orbite et inversement. L'atténuation des signaux radio est ensuite disséquée par des algorithmes très élaborés et c'est alors la comète qui s'en trouve disséquée...

Parlons ensuite de MUPUS (Multi-Purpose Sensor for Surface and Subsurface Science). MUPUS doit étudier les propriétés mécaniques et thermiques du sol cométaire jusqu'à une profondeur de 30 cm. Pour cela, il est muni d'un pénétrateur qui est une sorte de gros marteau devant taper un gros coup pour enfoncer l'instrumentation composée de thermomètres qui seront situés à différentes profondeurs, et d'un accéléromètre. Au niveau de la surface du sol, MUPUS sera équipé d'un radiométre, sorte de thermomètre pour mesurer la température via le rayonnement infra-rouge.

Il y a un autre instrument sur Philae qui va creuser des trous, c'est SD2 (Sample Drill and Distribution). Son but est de carotter le sol sur une profondeur maximale de 20 cm. Les échantillons prélevés, de quelques millimètres cube seulement, sont ensuite distribués à d'autres instruments pour analyse (notamment COSAC et PTOLEMY). Précisons que les zones à forer par SD2 seront déterminées auparavant par les données issues de ROLIS et APXS. 

COSAC et PTOLEMY, parlons-en, tiens. COSAC, de son vrai nom Cometary Sampling and Composition est ce qu'on appelle un chromatographe en phase gazeuse. Il analyse la nature des atomes ou molécules d'un gaz grâce à un spectromètre de masse, qui trie les molécules par leur masse respective. Il sera très utile notamment pour l'étude des molécules organiques, qui devraient être nombreuses à la surface de 67P (j'utilise son pseudo, pardon).

PTOLEMY, lui, est également un analyseur de gaz, mais dédié principalement à la quantification des isotopes d'un élément donné. Un point essentiel sera l'analyse du carbone contenu dans le comète, et les ratios des isotopes carbone-12, carbone-13 et carbone-14, qui permettront de savoir beaucoup de choses sur l'histoire de la comète.
Ces deux analyseurs ont en commun qu'ils analysent du gaz, ce qui veut dire que les échantillons fournis par SD2 devront au préalable être chauffés dans des petits fours pour en extraire le gaz à analyser.
Les analyseurs COSAC (intégré sur Philae, à gauche) et PTOLEMY (au labo, à droite) (ESA)

SESAME (Surface Electrical Sounding and Acoustic Monitoring Experiment). En fait, sous ce nom unique se cachent trois instruments d'analyse acoustique et électrique. Le premier d'entre eux s'appelle SESAME-CASSE, il est tout à fait original dans le sens où il est positionné sur chacun des pieds de Philae et va émettre et écouter des sons (dans la gamme audible), c'est un peu le chant de Philae. Un pied émet un son et les autres écoutent l'écho de ce son en provenance de l'intérieur de la comète et ainsi de suite à tour de rôle. Mais SESAME-CASSE fonctionnera aussi en mode silencieux, juste à l'écoute des craquements internes de la comète...
Le deuxième élément de SESAME s'appelle SESAME-PP, c'est un instrument visant à mesurer la permittivité électrique du sol cométaire, toujours via les pieds de la sonde.
Le troisième sous-système de SESAME est le SESAME/DIM (Dust Impact Monitor). Son objectif est de mesurer très précisément les grains de poussière venant impacter l'atterrisseur, grâce à un détecteur piézoélectrique. Il pourra compter le nombre de grains de poussière ayant une taille de 1 µm à 6 mm de diamètre, et une vitesse comprise entre 0,025 et 0,25 m/s.

Enfin, nous terminons ce tour de Philae par l'instrument ROMAP (Rosetta Lander Magnetometer and Plasma). ROMAP est là encore un détecteur multiple composé de trois appareils différents : un magnétomètre, qui mesurera très finement le champ magnétique de 67P (si il y en a un), avec une sensibilité de 1 centième de nanotesla. Ensuite, un moniteur de plasma, ROMAP/SPM, qui va mesurer la densité, l'intensité, et la direction des électrons et des particules légères chargées au niveau du sol de la comète. Ce gaz ionisé n'est rien d'autre que le gaz relâché par la comète qui se trouve ionisé par le rayonnement UV du soleil, et qui va former la belle chevelure de la comète à son approche du Soleil. Enfin, ROMAP contient également un capteur de pression, pouvant mesurer une pression de l'ordre de 1 milliardième de la pression atmosphérique...

Tous ces instruments de haute technologie ont été développés spécifiquement pour cette mission, et ont du être adaptés aux contraintes de masse, de taille et de puissance électrique consommée, qui ont été, on s'en doute, extrêmement difficiles à concevoir et mettre en oeuvre. 
L'enjeu est de taille, au delà des planétologues, les scientifiques du monde entier attendent beaucoup des résultats qui seront obtenus grâce aux instruments de Philae. Le 12 novembre prochain sera un jour crucial. Il faut que l'atterrissage de Philae se passe bien...


source:
Rosetta’s Philae Lander: A Swiss Army Knife of Scientific Instruments
T. Reyes 
Universe Today  september 22, 2014