dimanche 29 mai 2011

Parmi les chouettes, ép. 4

La lune ayant enfin eu le bon goût de jouer à l'adolescente, c'est à dire se lever taaaaard, et le ciel ayant retrouvé des caractéristiques optimales suite à une semaine caniculaire, turbulence très faible, vent presque nul, transparence merveilleuse (mvlon proche de 6), le temps était revenu de retourner dans notre garrigue préférée hier soir (quelque part entre Mirabeau et Grambois).

Il faisait encore 23° à 22h quand je positionnai mon ami Dobson dans ses supports polystyrènes demi-cylindriques sur la banquette arrière.
Un quart d'heure de route, vitres grandes ouvertes, histoire de mettre en température sans attendre, un quart d'heure d'observation gagné, c'est toujours ça.

Nous commençons notre voyage qui nous mènera du Lion au Scorpion, par une des plus jolies étoiles doubles, celle-ci est situé dans le Lion, vous aurez sans doute reconnu Algieba, qui me montre deux composantes d'un beau jaune l'une comme l'autre. Cette étoile à la particularité d'être le point d'origine (le radiant) d'une pluie de météores, les Léonides... aah, mais c'est pas en ce moment, c'est plutôt en novembre.
Descendons maintenant en traversant le ventre du sphynx. Nous nous allons en direction d'un trio galactique, parfois appelé le "triplet du Lion", comme c'est original. Nous sommes ici en présence de trois belles spirales, qui ne sont séparées que par quelques dixièmes de degrés... M65, M66 (très proches) et NGC 3628 (un peu plus loin et vue par la tranche). Je voulais faire le petit test de savoir si les trois tiendraient dans le champ de mon Nagler 13 (92X). Je confirme donc, la vision de ce trio très agréable à regarder est parfaite, avec les deux Messier en haut et 3628 tout en bas du champ, mais bien dedans. Du coup, ça permet de regarder au centre et d'apprécier ces trois spirales en décalé en même temps. Magnifique.

Nous quittons maintenant le Lion pour se rapprocher de l'horizon Sud et passer du côté de la Vierge. Saturne et en ce moment au plus près de Porrima, et nous allons guetter ce rendez-vous. Au 25 mm c'est déjà beau, au 13 mm c'est encore plus chouette. Cette Porrima un peu bleuté qui semble surveiller ce Saturne doré à quelques encablures à peine... Encore quelques semaines avant une séparation douloureuse (pour nous surtout).



Restons un moment dans la constellation de la Vierge en remontant un peu vers le Nord. L'endroit magique à trouver se situe entre Denebola du Lion et Vindemiatrix de la Vierge. Nous nous y étions déjà perdus lors d'un précédent épisode un peu fameux. Mais cette fois-ci, j'ai un but précis : le monstre M87. M87 est une galaxie elliptique qui est énoooooooorme, et surtout qui renferne en son centre un trou noir encore plus énooooooorme : plus de 6 milliards de masses solaires, imaginez...
Bon, pour arriver à M87, il faut se frayer un chemin entre les galaxies, c'est que c'est touffu par là, dedieu. Ca fourmille de spirales dans tous les sens, d'elliptiques, ça virevolte, ça jongle...

Pour se repérer, il est nécessaire de prendre un point de repère, et notre point de repère, ça sera un petit astérisme de trois étoiles qui se trouve presque exactement à mi-chemin sur le segment Vindemiatrix - Denebola.


Dans le prolongement de ces trois étoiles qui ne sont pas figurées dans le PSA (page 45), on trouve naturellement le couple spiraloïde M84-M86. M87 n'est plus loin, on peut revenir à l’astérisme et suivre l'étoile du centre qui forme le sommet d'un triangle très aplati.

M87 est gros, c'est un monstre, très elliptique, sans aucune structure spiralesque... Je reviens à mon repère triostellaire pour remonter ensuite vers M88 puis je saute vers M91, M90, M89, M58, M59, M60... Au passage, j'attrape au vol plein de petites dont je n'ai pas noté le nom, dans mon champ de vue de Nag13, je vois à un moment donné 6, peut-être 7 galaxies ... Cet amas de la Vierge est vraiment somptueux.

Hop, quittons la Vierge et son amas pour la Chevelure de Bérénice et son oeil noir. L'oeil noir, ce n'est autre que la galaxie du même nom, cataloguée 64 par Messier ou 4826 dans le NGC... Mais avant de monter vers M64, faisons un petit arrêt à côté de alpha Com, l'étoile principale de cette petite constellation. Car tout juste à côté de cette étoile se trouve un amas globulaire du nom de M53. Petit et assez diffus, M53 ne supporte pas la comparaison avec M13 ou M5, comme nous le verrons par la suite. Il faut dire qu'il est bien loin de nous cet amas, dans les 60 000 années lumière, ce qui explique sa taille apparente...

Après une bonne pause café- petits gâteaux pour se réchauffer (oui, ce n'est parce qu'il fait 32° dans la journée que les nuits sont forcément chaudes ici), nous retournons donc une dernière fois dans le monde galactique et le fameux oeil noir. Je dois avouer que j'ai un peu de mal à voir l'oeil en question.Cette galaxie montre des irrégularités, certes, mais de là à affirmer voir un œil, je n'irai pas jusque là.

Allez, on va finir la soirée dans le monde globulaire. C'est écrit sur ma feuille de route. Pour ça, on file en traversant de part en part le gros Bouvier, sans s'y arrêter, direction Hercule, pour y voir le maître globulaire par excellence, bien sûr M13. C'est évident, on ne compare pas M13 avec M53, ce serait indescent pour le cinquante troisième. Mon petit plaisir avec M13, c'est de troquer le Nag13 pour son petit frère Nag3.5. Grossi plus de 300 fois, on plonge littéralement dans une nuée d'étoiles emplissant l'oculaire, on pourrait s'y noyer de bonheur.

Mais il faut refaire surface, nous avons d'autres globulaires au programme, cependant. Nous nous dirigeons vers la constellation de la tête du Serpent, un peu plus bas vers l'horizon. Les oiseaux piaillent au loin, ça dort pas les oiseaux diurnes ?

C'est M5 qui est notre cible dans la tête du serpent. Facile à trouver grâce à mon ami Telrad. Belle composition pour cet amas, qui pourrait bien tenir la comparaison avec M13, vraiment.

On tourne légèrement maintenant en direction d'Ophiuchus, le voyage n'est pas fini, nous avons trois amas globulaires à visiter dans ce serpentaire. Des voisins de catalogue : d'abord M12, puis M10 et enfin M14.  M12 et M10 sont plus modestes que M13 et M5, ils sont très semblables et très proches aussi, je me demandais d'ailleurs si je n'étais pas revenu sur M12 en voyant M10. La fatigue. Ils sont juste très ressemblant. Granuleux comme il faut, de taille réduite mais sympathique.
En revanche, M14... qu'est ce que c'est que cette boule diffuse sans granularité ? Je demande remboursement. Pas beau, M14.

Bien évidemment, il est hors de question de rester sur une impression globulaire médiocre, et ça tombe bien puisque nous avons un dernier amas globulaire au programme, dans une dernière constellation, la septième de la soirée, c'est dans le Scorpion que nous allons, et la recherche de M4 est on ne peut plus facile, à réserver pour les fins de sortie en quelques sortes. Il suffit de pointer la rouge-verte-rouge Antarès et on arrive à notre destination finale. M4 est à quelques encablures de là. Il est assez peu contrasté mais vaut son prix. On découvre de nombreuses étoiles dans un beau piqué, malgré la hauteur assez basse sur l'horizon, qui ne facilite pas les choses.

Arrivé au terme de notre périple, je dois évoquer un phénomène inquiétant. J'ai le plus souvent utilisé mon Nagler 13 mm ce soir, soit un champ de vue de 82° grossi 92 fois, c'est à dire un champ réel de 0.89° sur le ciel.
D'après vous, quelle est la probabilité pour voir passer un satellite artificiel dans ce champ qui représente 0.62 degrés carrés sur un ciel qui fait 25400 degrés carrés (à la louche). Le rapport des surfaces angulaires est égal à 1/41000 environ.... Et bien en une seule soirée de 4 heures, ça m'est arrivé 4 fois ! J'ai été pollué visuellement 4 fois par des objets artificiels dans mon champ!
 Je crois que je commence à mesurer l'ampleur de cette pollution. C'est tout à fait inquiétant. Plus inquiétant est de se rendre compte du nombre de trucs en tous genres qui nous tournent autour à quelques centaines de kilomètres à peine et qui peuvent retomber à peu près n'importe comment et n'importe où, et surtout venir nous polluer nos observations.
En même temps, je ne suis pas le plus à plaindre, je ne fais pas de photo, mais je me mets à la place du photographe qui fait une longue pose et qui retrouve un cliché complètement barré....

Il était 2h15 quand j'ai remballé Dobby, à la fois heureux et inquiet, un bon goût de café en bouche et les yeux un peu globuleux, il faut bien l'avouer...

Dobson Sky Watcher 254 mm F/4.7 TV Nagler 13 mm, TV Nagler 3.5 mm, HR planetary 5 mm, Plössl 10 mm, Plössl 25 mm, Barlow TV x2 filtres Moon et OIII, Guided by Telrad

vendredi 20 mai 2011

Parmi les chouettes, épisode 3

Si il y en a une qui me permet de la regarder bien en face, c'est bien cette bonne vieille Saturne. Quoi de mieux en attendant le dernier quartier de lune que de se jeter sur cette planète printanière qui bientôt fera sa révérence ? Vous allez dire "ça y est, il a rechuté, il nous refait une crise de saturnite...", et vous aurez sans doute raison. Oui, je suis saturnolique, j'ai la saturnite. J'assume. C'est comme ça (la la la laaaa...).
Donc ce soir, je me suis mis en quête du Graal, enfin, de la crêpe. L'anneau de crêpe, vous savez.

L'anneau C ou anneau de crêpe est le plus proche de Saturne (parmi ceux qu'on peut voir avec nos instruments), il est de teinte gris sombre et a une largeur d'environ 17000 km. Il est séparé de l'anneau B par un espace de 7000 km.
Vient ensuite l'anneau A, 16000 km de large, qui est séparé de l'anneau B par la division de Cassini (4000 km).

De par son albedo bien plus faible que celui des deux autres anneaux et du disque planétaire (0.25), cette grosse crêpe qui pèse tout de même dans les 1,1E18 kg est assez difficile à distinguer...
Mais c'est pas pour ça que je vais m'en détourner, sacrebleu, enfin, gris quoi. On cherche un anneau gris, donc. Mais oui ! Il est bien là ! Ai-je dit que le ciel était parfait ce soir à Pertuis ? Turbulence très faible, transparence au top, c'est dit.
Saturne m'a dévoilé ses charmes gris, blancs et un peu jaunes durant une bonne heure et demie, le temps pour lui (pour elle, c'est vous qui voyez) de passer au méridien et par là même d'inverser sa course dans mon oculaire dobsonien puis de se fondre dans cet arbre mort qui trône sans charme dans le jardin...
J'avais commencé en laissant dériver le seigneur des anneaux du haut à droite vers le bas à gauche et je termine en devant baisser le tube une poussée sur trois. Je ne me suis même pas rendu compte de l'instant précis où il traversait le champ horizontalement, comment peut-on remarquer ça d'ailleurs quand on regarde une crêpe grise ?
En tous cas, Japet a foutu le camp, on dirait; il se retrouve très excentré par rapport à ses copains. Je ne pensais pas que ce puisse être lui. Mais si.

Vous savez quoi ? j'ai vraiment rechuté, voire sombré... parce que... comment dire... bin, j'ai ressorti ma barlow avec mon 3.5 mm. Si. J'ai osé.
Ouh là là, 686, c'est un beau nombre non ? Tout en chiffres pairs. Comme la turbu était faible, je l'ai fait, voilà.

Et je peux affirmer haut et fort qu'une crêpe grise qui pèse un milliard de milliard de kilos, c'est super émouvant quand c'est grossi 686 fois !


Dobson Sky Watcher 254 mm F/4.7 TV Nagler 13 mm, TV Nagler 3.5 mm, HR planetary 5 mm, Plössl 10 mm, Plössl 25 mm, Barlow TV x2 filtres Moon et OIII, Guided by Telrad

samedi 14 mai 2011

Ciel espagnol...


The Mountain from TSO Photography on Vimeo.

Dobson Sky Watcher 254 mm F/4.7 TV Nagler 13 mm, TV Nagler 3.5 mm, HR planetary 5 mm, Plössl 10 mm, Plössl 25 mm, Barlow TV x2 filtres Moon et OIII, Guided by Telrad

lundi 9 mai 2011

Parmi les chouettes, épisode 2

A la fin du précédent épisode qui n’était que le premier d’une longue série promise, nous étions restés sur notre faim, et surtout moi, par l’absence de trouvaille d’une certaine nébuleuse planétaire du nom de Blinking, de l’anglais to blink, clignoter, bien sûr. Et la raison de ce son nom seul offrait le désir d’en savoir plus sur cet objet catalogué dans le New General Catalogue sous le matricule 6826 . Non seulement d’en savoir plus, mais de le défricher enfin, le détrousser, le traquer, le voir, l’admirer voire jouer avec tout simplement. Parce que la particularité qui lui vaut son nom incite au jeu m’avait-on dit (qui a dit que j'étais joueur ?).

C’est donc profitant d’un ciel à la transparence parfaite, quoiqu’encore quelque peu turbulent au goût de mes oculaires de faible focale que je me mis en mouvement hier soir, et malgré une maudite Lune qui n’en finissait pas de se coucher (il était alors environ 0h45, on peut dire que c’était aujourd’hui, en fait).

Nous partons en direction du Cygne que nous avions laissé dépités jeudi dernier. Cette fois-ci, il est hors de question de se perdre dans le poudroiement lacté de cette zone. J’ai travaillé un peu mes alignements et c’est donc vers le bout de l’aile (celle qui monte) du Cygne que je positionne mon viseur à cercles rouges concentriques, le point de repère est simplement l’étoile qui pourrait être le poignet de l’oiseau, la dénommée théta Cygni.

Arrivé par là, la suite du voyage se fait par contre un peu forcément à tâtons, puisque Blinking est de petite taille dans une nasse stellaire, voire très très petite taille. Deux solutions s’offrent à nous : si nous sommes munis d’un filtre OIII, il pourrait convenir de le visser sur l’oculaire, sinon, nous profiterons de la nature « clignotante » de cet objet fugace.
A ce stade, il faut sans doute préciser qu’un grossissement ni trop fort, ni trop faible est requis, c’est dans mon cas le Nagler 13 mm qui est optimal (X92).
Avec un OIII, de nombreuses étoiles alentour s’éteignent et on peut repérer la petite boule assez diffuse. Pour ma part, avec ce filtre, je n’observe absolument aucun effet d’apparition/disparition en décalant/recentrant la vision. En revanche, c’est sans filtre que tout prend son ampleur !

Effectivement, c’est bien grâce à cet effet que je l’ai trouvée, sans filtre (je ne le mis qu’ensuite), peut-être devrais-je dire par hasard. Il faut s’arrêter un instant sur ce qu’on appelle vision décalée et sur la physiologie de l’œil humain parce que cette nébuleuse est un formidable petit outil pour explorer nos propres yeux…

Qu’est-ce que la vision décalée, et comment ça marche ? L’œil humain est un organe qui a évolué depuis des dizaines de millions d’années, autant dire qu’il est arrivé à un niveau de complexité et d’efficacité redoutable (certes, nous voyons moins bien qu’une chouette en pleine nuit, certes). C’est ainsi que sa physiologie permet de s’adapter au niveau d’intensité de la lumière. On connait tous l’effet des pupilles qui se dilatent et se rétractent selon la luminosité, mais dans une forte obscurité, la pupille étant dilatée à son maximum, l’œil possède encore des atouts pour continuer à « voir ».
Les cellules de la rétine qui permettent de transformer les photons vieux de milliards d’années que collectent nos miroirs en influx nerveux chatouillant nos cerveaux émoussés sont de deux sortent : les bâtonnets (environ 120 millions) et les cônes (environ 5 millions).

Les cônes sont sensibles aux couleurs et aux fortes luminances. Ils sont directement reliés au nerf optique et fournissent individuellement un signal à notre beau cerveau. Ils produisent une excellente acuité visuelle.
Leur nombre augmente de plus en plus quand on se rapproche de l’axe optique du cristallin. Exactement sur l’axe optique, on trouve une zone de 2 mm de diamètre, constituée principalement des cônes, c'est la Macula.
A l'extrême centre de la Macula, c'est la Fovea, qui ne contient aucun bâtonnet mais énormément de cônes très fins. C'est donc là sur l'axe optique que nous avons notre acuité visuelle maximale (perception de détails fins)...

Les bâtonnets quant à eux, sont sensibles aux faibles luminances et ne permettent pas de distinguer les couleurs (la nuit tous les chats et toutes les galaxies sont gris...). De plus, ils sont reliés au nerf optique par paquets, ce qui ne permet pas une bonne acuité visuelle avec eux. Diantre. Où sont-ils sur la rétine ? Et bien, au pourtour de la Macula, et surtout pas au centre, nous n'en avons pas dans notre Fovea, pas un seul !... Vous commencez à me suivre ? Cela signifie que nous sommes en partie aveugles pour les faibles lumières au centre de notre champ de vue.
l’œil humain (wikipedia)

Revenons à notre test de vision décalée sur Blinking. Je vous encourage à faire ce test à votre tour : sans filtre OIII, vous regardez en décalé la minuscule boule grise (25'' de diamètre), dont vous pouvez apercevoir très faible son étoile centrale, puis vous décidez de fixer cette étoile centrale, et là par enchantement, la nébuleuse disparaît pour ne laisser voir que l’étoile. Qu’à cela ne tienne, vous regardez légèrement à côté, et la nébuleuse réapparaît. Mais attention, le plus amusant c’est qu’il ne s’agit pas d’une disparition brusque, mais plutôt d’un fondu enchaîné… la nébuleuse s’estompe. En revanche, il me semble que le retour, lui, est brusque. Étonnant phénomène rétinien. Ce qui est surtout intéressant c’est de tester la distance angulaire qui est nécessaire pour voir en décalé, cet objet est définitivement un bon petit outil pour cela. J’ai probablement passé de longues minutes à jouer avec mes deux yeux (des fois qu’il y ait des différences entre le droit et le gauche, scoop : il n’y en a pas (pour moi en tous cas)).

Etant donné que le fonctionnement des bâtonnets dépend fortement de la production d’une molécule qui s’appelle la rhodopsine, composée de rétinal et d’opsine, et qui elle-même dépend fortement de la présence de vitamine A dans nos organismes frigorifiés, il pourrait être expérimentalement intéressant de tester l’efficacité de nos bâtonnets en termes de vision décalée, suite à l’ingestion massive de carottes et autres myrtilles, connues pour leur forte teneur en précurseurs de vitamine A…, je vais y penser.
Ce qui est intéressant à savoir c'est que la rhodopsine semble produite "à la demande", c'est à dire quand il y a obscurité, et il lui faut environ un quart d'heure pour être fabriquée dans notre œil; en revanche le moindre éclat de lumière blanche (mais pas la rouge, ouf), suffit à détruire purement et simplement ces précieuses molécules... Nous ne sommes que des machines photochimiques, quelle déception.

Tout ceci ne valant peut-être pas un pet de lapin, je me suis alors empressé de tester mon angle de visée décalée sur ma favorite Whirlpool (alias fifty-one pour les intimes). Beau résultat (le ciel aide les gueux aussi, faut avouer). Mais c’est vraiment amusant (aussi fatiguant je trouve) de travailler le décalage visionnaire sur une féérie : tu regardes le noyau (l’œil) de NGC 5194, tu vois celui de 5195, tu regardes celui de 5195 , tu vois celui de M51, tu tournes alors autour comme un fou, tu vois des spirales magnifiques, tu sombres dans un tourbillon, en chantonnant :
Elle avait des yeux, des yeux d'opale,
Qui me fascinaient, qui me fascinaient.
Y avait l'ovale de son visage pâle
De femme fatale qui m'fut fatale...

Fifty-one, j’aimerais tant te regarder en face pour te dire que je t’aime…


Dobson Sky Watcher 254 mm F/4.7 TV Nagler 13 mm, TV Nagler 3.5 mm, HR planetary 5 mm, Plössl 10 mm, Plössl 25 mm, Barlow TV x2 filtres Moon et OIII, Guided by Telrad

vendredi 6 mai 2011

A l'aube d'un nouveau monde ?

Le voile commencerait-il à être levé sur l’existence des WIMPs ? De nombreuses équipes de recherche de par le monde travaillent dur à la traque de cette matière noire dont il semblerait qu’elle peuple toute galaxie qui se respecte en y formant un halo.
Une des hypothèses les plus crédible serait l’existence d’une nouvelle particule qui interagirait très faiblement avec le reste de la matière (celle dont nous sommes fait) et qui serait assez massive, d’où cet acronyme weakly interacting massive particle (WIMP), qui veut également dire « mauviette », les acronymes sont toujours bien choisis par leurs inventeurs.
Je n’entrerai pas sur les détails de la nature de ce WIMP, des théories s’affrontent, fondées sur des pans de physiques nouveaux. Il faut simplement savoir que pour essayer de mettre en évidence l’existence des WIMPs, trois types de méthodes sont utilisées :
Une détection directe
Dans ce cas, on cherche à l’aide d’un détecteur, à obtenir un signal, qu’il soit électrique (ionisation), thermique (phonons) ou bien lumineux (scintillation), signal produit par l’interaction des wilmps avec les noyaux de la matière ordinaire, par simple choc élastique (le principe de la boule de billard).
Une fois un signal mesuré, un effet qui permet d’attribuer à ce signal une forte conviction qu’il s’agit bien du WIMP et pas d’autre chose est ce qu’on appelle la modulation annuelle du taux de comptage. Comme la terre tourne autour du soleil qui lui-même tourne autour du centre de notre galaxie, nous baignons continuellement dans le halo de wimps, avec une vitesse relative qui est différente selon que la terre avance dans le même sens que le soleil par rapport à la galaxie ou bien en sens contraire. On devrait alors pouvoir observer une très légère différence dans le taux de wimps détectés à 6 mois d’intervalle (entre été et hiver).

Une détection indirecte
Comme toute particule qui se respecte, le wimp possède une antiparticule, qui se trouve être lui-même, un peu comme le photon. Il peut donc se produire une annihilation lorsque deux wimps se rencontrent, ce qui devrait somme toute arriver assez fréquemment, notamment là où ils se concentrent, au cœur des étoiles et au cœur des galaxies. En s’annihilant, les wimps vont donc logiquement produire des photons gamma énergétiques d’énergie égale à leur masse. Il « suffit » donc de détecter simplement les photons gamma de haute énergie, ou leurs produits secondaires qui arrivent sur notre petite planète pour ensuite essayer de modéliser tout ça et remonter difficilement à ce qui à pu les créer.

Une production
La dernière méthode possible pour mettre en évidence l’existence des wimps est de simplement les fabriquer ! Les grands accélérateurs de particules comme le LHC au CERN et le Tevatron à Fermilab sont à même de produire tout type de particules, y compris de nouvelles comme celles composant les wimps. Des expériences y sont d’ores et déjà dédiées entièrement.

Il y a 12 ans, une expérience italienne de détection directe de WIMPs installée au laboratoire souterrain du Gran Sasso nommée DAMA avait annoncé avec fracas avoir détecté un signal à l’aide de détecteurs scintillateurs, et une grande force de ce signal reposait sur une modulation annuelle du taux de comptage mesuré. A l’époque, personne n’avait pu reproduire l’expérience, n’exploitant pas tout à fait les mêmes systèmes de détection (pour les méthodes à détection directe). Cette expérience avait même été quelque peu discréditée par l’ensemble de la communauté, qui disait en cœur que les modèles ne collaient pas et que les italiens ne comprenaient pas bien leur propre signal, etc…

L’année dernière, une expérience américaine appelée COGENT a utilisé là encore une méthode de détection directe dans un labo souterrain du Minnesota, mais avec d’autres types de détecteurs, à ionisation ceux-là (germanium). Le but recherché de cette expérience était de refaire le même type de mesure que DAMA pour démontrer définitivement que les italiens rêvaient. Et qu’annoncèrent les responsables de COGENT quelques mois seulement après ? Qu’ils mesuraient quelque chose à basse énergie, qui pourrait correspondre à des wimps ayant le même type de masse que ceux annoncés par DAMA… en revanche, ils n’avaient pas suffisamment de comptage pour parler d’une modulation annuelle…

Mais…. Il y a 4 jours à peine, le porte parole de l’expérience COGENT à fait une annonce devant la american physical society pour dire la chose incroyable : après seulement 15 mois de mesures, une modulation annuelle est observée dans l’expérience COGENT aussi !

Nous avons donc deux mesures effectuées sur deux continents différents, avec des détecteurs différents et des traitements différents, qui parviennent à un résultat similaire : un signal  correspondant à une masse du WIMP d’environ 5 à 10 GeV, avec un maximum de taux de comptage en été et un minimum en hiver, concordant avec une répartition en halo dans la galaxie.

Serait-on à l’aube de la compréhension de quelquechose ? Quelques années seront encore nécessaires, mais ça commence à sentir bon !


Dobson Sky Watcher 254 mm F/4.7 TV Nagler 13 mm, TV Nagler 3.5 mm, HR planetary 5 mm, Plössl 10 mm, Plössl 25 mm, Barlow TV x2 filtres Moon et OIII, Guided by Telrad

Parmi les chouettes.

Je suis donc sorti hier soir, il était 22h30, le croissant de Lune prenait une teinte orangée en s’approchant de l’horizon, cette soirée devait être dédiée à la traque aux nébuleuses planétaires.

Et c’était l’occasion pour moi également d’inaugurer un nouveau lieu d’observation, situé un peu plus à l’abri de la pollution photonique humaine, quelque part dans la garrigue entre Mirabeau et Grambois pour ceux à qui ça parle. Il me faut 17 minutes pour être sur site depuis Pertuis, ça va…

Objectif nébuleuses planétaires en tête, je m’installe confortablement, la transparence est bonne ce soir, bien que j’avais aperçu des espèces de nuages de haute altitude qui me faisaient craindre un ciel moyen. Le vent souffle encore un peu fort, disons 20 km/h par petites rafales, mais je prends tout de même le risque, je n’ai que trop attendu depuis la découverte de ce lieu prometteur.

Avant d’attaquer la profondeur de ce ciel, je me tourne vers mon ami jaunâtre du printemps Saturne, toujours aussi majestueux, je distingue très très bien les ombres et la division à mon grossissement favori 343X. L’hémisphère nord semble bien blanchâtre contrairement au reste du disque. Les gros satellites sont disposés de manières singulière ce soir : ils sont tous du même côté et les trois « petits » forment un beau triangle pointant vers le gros Titan, amusant comme tout.

Sautons du planétaire aux nébuleuses qui n’ont de planétaire que le nom (comme chacun le sait), et je me tourne vers le classique des classiques pour commencer cette promenade, miss Lyre (M57), la dernière fois que je l’avais pointée, cette petite, je n’avais pas encore de telrad, mais maintenant, quelle efficacité… en trois coups de cuillère à pot, je te mets le cercle pile entre les sommets du losange de la Lyre, et l’anneau se retrouve comme par enchantement dans le champ du 13 mm. C’est beau. On pousse au 3.5mm quand même, pour se délecter de la chose, le filtre OIII apporte un léger mieux mais pas violent.

Allez, on zappe, direction Ursa Major, pour un autre classique, la chouette M97 qui est si facile à trouver au telrad là encore, il suffit juste de positionner le grand cercle pour qu’il touche Merak, en faisant coïncider le diamètre avec le segment Merak-Phecda. Logiquement, ce que l’on voit alors dans l’oculaire grand champ, c’est… pas M97, mais une galaxie… sa voisine toute proche, voire les deux dans le même champ… Bon on y est, on est là… que c’est chouette, que c’est chouette, que c’est chouette… Je pense discerner les fameux yeux de l’oiseau nocturne…

Et quand même, mon bel objectif de soirée en prend un coup, puisque je viens de voir M108 à côté, et je ne l’avais encore jamais vue comme ça… et là tout bascule, « faut pas te limiter aux nébuleuses planétaires, profites de ce beau ciel ! » entendis-je dans la nuit emplie de hululements…

Voilà, mon côté galactique a repris le dessus, étant dans U Major, je ne peux m’empêcher de glisser lentement vers Canes Venatici, et bien sûr celle qui représente peut-être pour moi le test idoine de qualité d’un ciel et d’un site, fifty-one. Voilà, ma fifty-one, j’arrive !

J’irai droit au but : depuis que j’ai ce Dobson et que je regarde fifty-one, elle ne m’avait encore jamais montré ce qu’elle m’a montré hier soir. Tout simplement grandiose (et pourtant il y avait du vent, je le rappelle) : bras spiraux nettement visibles, et pas seulement en décalé, pont de matière entre les deux tourbillons, une pure merveille. Ô, que Je suis heureux d’avoir déniché cet endroit…

Après M51, je reviens un peu dans UMa pour aller voir si j’y suis du côté de M101, vu le résultat précédent. Mais oui, j’y suis ! Je vois presque des bras, avec un noyau brillant.

Une dernière visite de la grande Ourse pour aller voir le duo classique eighty-one-two (M81/82), là encore, vision panoramique contrastée au rendez-vous. Je me demande si je n’ai pas réussi une collimation parfaite ce soir… Well well well, il faudrait que je retourne un peu à mon objectif initial quand même… j’ai une idée !, je me souviens qu’il y a une nébuleuse planétaire située dans le carré du Corbeau, je n’ai qu’à aller jeter un œil sur le Sombrero (j’aime bien mais classiques, vous remarquez ? surtout pour comparer avec les images que j’ai en mémoire sous d’autres cieux), le Sombrero, disais-je, et comme ça, je descendrai ensute doucement dans Corvus pour trouver la faible NGC 4361…

M104 est parfait, rien à dire de mal dessus. Il donne envie de parler espagnol. NGC 4361 est une nébuleuse planétaire assez faible, au contours assez diffus, un peu difficile. Cohérente avec ce que j’en attendais finalement.

La nuit avance et l’oiseau a maintenant déployé ses ailes et son long cou…. L’Oiseau, c’est bien sûr le Cygne, animal mythologique qu’avait utilisé Zeus en son temps pour séduire la belle Léda, qui avait donnée ensuite naissance aux jumeaux Castor et Pollux…. Et je pense soudain qu’il est trop tard pour aller du côté de ces deux là pour découvrir la nébuleuse planétaire que j’avais prévue dans mon programme, la dénommée nébuleuse de l’Eskimau… j’aurais dû commencer par là. Bon, il faut aussi garder des buts dans la vie, revenons au Cygne, et gardons l’Eskimau au frais…

Le Cygne, c’est la fameuse page 62 du pocket sky atlas, c’est aussi par là que se trouve des superbes nébuleuses planétaires, notamment Blinking Planetary (NGC 6826) et Dumbell (M27), que j’ai mises à mon programme un peu improvisé, il est vrai…

Mais avant toute chose, quand on se tourne vers Cygnus, on se penche forcément vers l’extrémité de la tête de l’Oiseau, pour y admirer sans doute la plus belle étoile double bicolore du ciel boréal (j’abuse ?), il s’agit de Albireo la magnifique. Elle me montre ses deux belles composantes jaune et bleu, les deux yeux du Cygne en quelque sorte.

Pour aller chercher Dumbell, j’ai eu un peu de mal tellement la densité stellaire est imposante dans ce coin de voie lactée. Trop d’étoiles nuit au repérage !... qui l’eut cru.

J’ai heureusement repéré un petit astérisme situé en dessous de Albireo qui va me permettre de fixer la belle Dumbell dans mon oculaire. Première impression : cette nébuleuse planétaire n’est absolument pas ronde ! Ca contraste avec mes précédentes invitées. On devine assez aisément des strucures internes complexes dans cette vaste nébuleuse aux contours francs.

Allez, je me mets à la recherche de Blinking, vu qu’il paraît (je ne l’ai encore jamais vue) que l’effet de clignotement est très amusant, même si j’ai l’impression que je commence à clignoter un peu tout seul par la fatigue. Mais c’est dur. Je ne la trouve pas… Je tourne, je fouine, je cherche. Pas de Blinking… Il me faut un peu de café chaud, une pause thermos bienvenue. Je reprends ma traque, mais en vain, il est possible que je sois un peu trop fatigué.

Mais il est quand même hors de question de plier bagage sur un échec, je décide donc de retourner dans le monde galactique en me laissant dériver sans but précis entre Denebola (vous savez, la patte arrière du Lion) et Vindemiatrix (epsilon Virginis)… en plein dans l’amas de la vierge, où Makarian vit une chaîne, et où je saute de galaxies en galaxies sans savoir qui elles sont, j’en vois par la tranche, des de face, des petites, des grandes, au moins une dizaine, des centaines et des centaines de milliards d’étoiles et dix fois plus de matière noire sont sous mes yeux, dans un calme absolu…

Je voulais finir cette soirée sur un beau coup, et toujours afin de tester (comme si je n’en étais pas encore convaincu) la bonne qualité de mon nouveau site d’observation, d’autant qu’on m’avait récemment fait l’apologie de M92, amas globulaire qui rivaliserait, parait-il avec son voisin M13. Qu’à cela ne tienne, je vais donc finir en beauté en allant comparer les mérites respectifs de ces deux accolytes Herculéens.

D’abord M13, pour fixer la référence. Y’a pas de doutes là-dessus, ça flashe la pupille, et quand je glisse le 3.5mm dans le PO, waouh ! M13 occupe tout le champ… je rêve ou quoi ?... Ca rend humble, des choses pareilles. On se dit que c’est là depuis tellement longtemps…

Au dessus du quadrilatère de Hercule, on trouve assez vite M92, et je dois dire que la réputation qu’on m’en a faite n’est pas loin d’être justifiée, M92 est différent de M13, plus dense au centre, moins étalé, mais d’une grâce vraiment semblable à celle du beau thirteen. Combien d’étoiles puis-je discerner dans mon oculaire 100 ? 1000 ? 10000 ?

Cette fois le temps est venu de plier le matos, le temps de sommeil va être court, je range mes précieux Nagler, en ayant complètement oublié mon échec sur Blinking, mais je sais que je la trouverai la prochaine fois et qu’en plus il n’y aura pas de vent du tout… J’entends des chouettes hululer au loin.

Dobson Sky Watcher 254 mm F/4.7 TV Nagler 13 mm, TV Nagler 3.5 mm, HR planetary 5 mm, Plössl 10 mm, Plössl 25 mm, Barlow TV x2 filtres Moon et OIII, Guided by Telrad