Vous avez plus de 13,7
milliards d’années. Vous êtes composés à 70% d’eau, molécules comportant
deux atomes d’hydrogène et un atome d’oxygène. Certes, vos atomes
d’oxygène ont quelques millions ou milliards d’années
de moins que vos atomes d’hydrogène, mais les protons et les neutrons
qui en forment le noyau, eux, ont bel et bien plus de 13,7 milliards
d’années…
La matière dite
« ordinaire » de l’Univers, qu’on appelle la matière baryonique, est ce
qui remplit environ 4,9% de l’Univers. Ce sont les atomes : neutrons,
protons, associés ou non à des électrons selon qu’ils
sont ionisés.
Et des atomes, il en
existe une grosse centaine différents, répertoriés et nommés d’après le
nombre de protons qu’ils possèdent dans leur noyau. Leur nombre de
neutrons, lui, nous informe sur le type d’isotope
de l’atome dont il s’agit. D’où viennent les
protons, les neutrons et les noyaux qui forment vos atomes et vos
molécules ? Ils viennent de loin, très loin dans dans le temps...
La formation des éléments constitutifs des noyaux d’atomes (les protons et neutrons) est appelée la
baryogénèse.
Ensuite, la construction des noyaux d’atomes à partir de ces briques fondamentales, quant à elle, s’appelle la
nucléosynthèse, et on doit distinguer deux types de
nucléosynthèses : tout d’abord la nucléosynthèse primordiale, au cours
de laquelle se sont formés dans l’Univers très jeune les noyaux des
premiers atomes de la table de Mendeleïev au-delà de l’hydrogène
(dont le noyau est constitué d’un seul proton) : de l’hélium au lithium. La nucléosynthèse primordiale a sauvé la vie des neutrons. Ces derniers, seuls, se désintègrent en protons au bout d'un quart d'heure (demi-période de décroissance), mais accrochés à des protons dans des noyaux d'hélium, ils deviennent éternels...
La seconde nucléosynthèse est la nucléosynthèse stellaire, qui fut comprise déjà il y a plus de cinquante ans et exposée dans un article exceptionnel resté dans les annales de l'astrophysique avec ses 104 pages précisant les 9 mécanismes physiques produisant tous les éléments chimiques dans les étoiles jusqu'à l'uranium, le fameux article B2FH, des initiales de leurs auteurs, paru en 1957 (Synthesis of Elements in Stars. Rev. Mod. Phys., 29, 547-650 (1957)).
La nucléosynthèse stellaire produit en continu dans le cœur des étoiles tous les noyaux d’atomes au delà de l'hélium, jusqu’aux plus lourds, et notamment les atomes d’oxygène qui vous permettent de lire ces lignes.
La seconde nucléosynthèse est la nucléosynthèse stellaire, qui fut comprise déjà il y a plus de cinquante ans et exposée dans un article exceptionnel resté dans les annales de l'astrophysique avec ses 104 pages précisant les 9 mécanismes physiques produisant tous les éléments chimiques dans les étoiles jusqu'à l'uranium, le fameux article B2FH, des initiales de leurs auteurs, paru en 1957 (Synthesis of Elements in Stars. Rev. Mod. Phys., 29, 547-650 (1957)).
La nucléosynthèse stellaire produit en continu dans le cœur des étoiles tous les noyaux d’atomes au delà de l'hélium, jusqu’aux plus lourds, et notamment les atomes d’oxygène qui vous permettent de lire ces lignes.
La baryogénèse
qui a produit tous vos noyaux d’hydrogène et tous vos autres protons (ou
presque, voir plus bas) s’est déroulée sur un laps de temps très court,
mais à une époque très reculée, lorsque l’Univers
n’était âgé que de quelques secondes.
Représentation de l'intérieur d'un proton : deux quarks Up et un quark Down enchevêtrés dans une mer de gluons (CNRS/IN2P3) |
Cette baryogénèse
est le résultat du refroidissement de la soupe primordiale de quarks et
de gluons, qui sont les véritables briques fondamentales de la matière.
Lorsque la température de l’Univers a suffisamment
baissé et atteint un seuil critique en énergie (ou température, ce qui
revient au même) du fait de son expansion, trois quarks se lient
ensemble avec un paquet de gluons pour former soit un proton, soit un
neutron, ou leur antiparticule dans le cas d’antiquarks.
Ce n’est que bien plus
tard qu’a lieu la nucléosynthèse primordiale qui va faire
s’« accrocher » ensemble protons et neutrons par l’interaction nucléaire
forte. Environ 5 minutes plus tard.
La nucléosynthèse
stellaire, elle, est beaucoup plus tardive dans l’histoire cosmologique, elle doit
attendre l’apparition des premières condensations d’hydrogène et
d’hélium (qu’on appelle étoiles) et qui par effondrement
gravitationnel vont produire des réactions de fusion nucléaire entre
protons et noyaux d’hélium. Ces toutes premières étoiles et donc les
premiers noyaux de carbone et d’oxygène, apparaissent quand l’Univers
est âgé de quelques dizaines de millions d’années,
il y a plus de 13,5 milliards d’années.
Pour être exhaustif, je
devrais ajouter qu’il est tout de même fort probable que certains de vos
protons n’ont pas l’âge de l’Univers, et certains de vos neutrons n’ont
plus. Comme beaucoup de noyaux d’atomes
sont instables et radioactifs, ils peuvent posséder des neutrons qui se
transforment en protons (radioactivité béta moins), ou l’inverse : des
protons qui se transforment en neutrons (radioactivité béta plus).
C’est notamment le cas
des protons de vos atomes de carbone. Comme vous le savez probablement,
une toute petite fraction du carbone que nous ingérons quotidiennement
(constituants nos aliments) est du carbone-14.
Ce carbone est radioactif (radioactivité béta moins) et transforme un
neutron en proton lorsqu’il devient du azote-14.
Sans le savoir forcément
(mais c’est désormais chose faite), vous créez ainsi tous les jours des
protons tout neufs, à partir de très vieux neutrons...
En termes d’abondance chimique de l’Univers, le tableau est pittoresque. Alors que nous connaissons sur Terre une belle table de
Mendeleïev comportant 92 éléments stables et que nous arrivons
même à en fabriquer artificiellement une vingtaine d’autres, certains de
ces éléments - qui nous sont vitaux – se révèlent très très rares dans
l’Univers pris globalement.
Un élément domine
massivement tous les autres, et c’est le plus simple (et le plus
vieux) : l’hydrogène (un proton accompagné d’un électron). Son abondance
avoisine 92,7% de toute la matière baryonique. Vient
ensuite l’hélium, produit au cours de la nucléosynthèse primordiale, 5
minutes plus jeune que l’hydrogène, qui occupe pas loin de 7,1% de la
matière baryonique, alors qu’il est très rare sur Terre. Les
abondances respectives de ces deux éléments sur notre
planète sont de 0,88% et moins de 0,0005%.
A eux deux, hydrogène et
hélium forment la quasi-totalité de la matière baryonique. Il ne reste
plus que des miettes pour tous les autres éléments chimiques. Les plus
présents sont tout de même l’oxygène (0,05%),
le silicium (0,023%), le magnésium (0,021%), l’azote (0,015%), le fer
(0,014%), puis le carbone (0,008%).
En comparaison, la
composition chimique de nos organismes est dominée par l’oxygène
(65,4%), le carbone (18,1%), l’hydrogène (10,1%), l’azote (3%) puis le
calcium (1,5%).
Illustration de la naissance du système solaire à partir des résidus d'une étoile ancienne dispersés par une Supernova (ESO) |
Ces atomes (excepté
l’hydrogène) ont un âge supérieur à 5 milliards d’années. On le sait
simplement par le fait qu’ils n’ont pas été produits par notre étoile
favorite mais étaient déjà présents lors de la formation
du proto-système solaire il y a 4,6 milliards d’années. Le soleil en
effet ne fabrique pour le moment que de l’hélium dans son cœur.
C’est à une ou plusieurs
générations d’étoiles antérieures que nous devons nos beaux atomes
d’oxygène, de carbone et autres. Des étoiles qui ont disparu depuis bien
longtemps en expulsant autour d’elles leur gaz
enrichi par leurs réactions nucléaires.
On le voit, les êtres
vivants que nous sommes sont faits d’une matière tout à fait exotique à
l’échelle de l’Univers. Non seulement la matière baryonique apparaît
être très minoritaire dans le contenu matériel
de l’Univers où la grande majorité semble être constituée de matière non
baryonique et non visible, mais de plus, au sein de cette matière
baryonique, les atomes un peu plus complexes que l’hydrogène, formés par
les étoiles et qui finissent par construire nos molécules,
se révèlent n'être que d'infimes traces.
En d’autres termes, nous pouvons affirmer que nous sommes à la fois très vieux et très rares.
2 commentaires :
Et pendant ce temps,
que les filles sont belles, c'est l'été.
A trop lever la tête, les pieds ne touchent plus le sol et par la même nous n'existons plus.
Cordialement
Je crains qu'il ne faille attendre jusqu'au 21 juin pour l'été... ;-)
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